AVANT-PROPOS DE LA SEPTIÈME ÉDITION
L'intérêt pour la biographie
du Sâdhou Sundar Singh n'a pas faibli au cours des ans. L'exemple
de ce
chrétien indien, ses souffrances, sa consécration
au Christ, sa vie de prière, ses images toujours nouvelles,
son jugement sur notre chrétienté occidentale,
son obéissance jusqu'à la mort, tout cela garde pour nous
une valeur permanente et glorifie le Dieu que Sundar Singh a
servi.
PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION
L'impression profonde laissée
par le passage du Sâdhou Sundar Singh en Suisse ne s'est pas effacée
de
la mémoire de ceux qui ont eu le privilège de l'entendre.
L'harmonie de cette physionomie dans la robe de
Sâdhou, le rayonnement d'une personnalité tout illuminée
de paix et d'amour, imposaient l'admiration et
beaucoup d'auditeurs pensaient ou disaient: «Comme il est
semblable au Christ! »
Le récit de sa conversion, les
merveilleuses expériences qu'il lui a été donné
de faire à travers de dures
souffrances, les interventions miraculeuses de Dieu dans maintes
circonstances tragiques de sa vie,
semblent tirés du livre des Actes des apôtres.
Sundar Singh, ce mystique des temps modernes,
unique dans l'histoire chrétienne du XX, siècle, fut en
même temps un grand homme d'action.
L'exemple de sa vie, son enseignement,
ses expériences, ont une valeur durable qui ne doit pas tomber
dans l'oubli.
Que ceux qui approfondiront ces pages,
trouvent à leur tour cette paix de l'âme « qui surpasse
toute
intelligence », cette joie parfaite, cette vie de prière
dans la communion avec Christ, dont le Sâdhou nous a
révélé le secret.
Il nous dirait: « Écouter
ma voix vous serait inutile si vous n'écoutiez pas la voix du Christ.
Dans le
silence vous l'entendrez vous parler, et vous comprendrez ce
qu'un homme venu des Indes jusqu'à vous, a
trouvé en lui. Christ seul est le salut. Celui qui vit
en lui est mort au péché et entre dans la vie éternelle.
»
Alice van Berchem.
- CHAPITRE PREMIER -
LA FOI DES ANCÊTRES DE SUNDAR SINGH:
LA RELIGION SIKH
En 1469 naquit dans le Punjab, au nord
de l'Inde, un Hindou nommé Nânak. Jeune encore, il quitta
le
monde et devint fakir (ou Sâdhou), cherchant en vain le
salut dans toutes les formes de la religion hindoue.
Il consacra sa vie à Dieu et à ses semblables,
fit de longs voyages missionnaires, visita les Indes, le
Cachemire, Ceylan et même La Mecque, cherchant à
purifier le bouddhisme et l'islamisme et à en unir les
adeptes dans une foi commune. Il proclama qu'il n'y a qu'un seul
Dieu, présent partout, dans le ciel et sur
la terre ; que les rites et les sacrifices sont inutiles ; que
les idoles doivent être détruites, la vraie adoration
consistant à louer Dieu chaque matin et à se consacrer
corps et âme au Créateur. Il déclara les hommes
égaux devant Dieu et les castes une erreur. Il prêcha
l'amour et la fraternité entre tous les hommes. Bien
qu'humble, il demanda à ses adeptes une obéissance
absolue et sa religion devint une religion d'autorité,
autorité impliquée dans le nom même de Sikh
qui signifie « disciple », disciple du Gourou.
Le Gourou est, sur la terre, le représentant
du Dieu invisible ; il est le Maître saint. - Le Gourou est
Dieu et Dieu est le Gourou. - Il n'y a point de différence
entre eux. - Le Gourou est le Créateur. - Sans lui,
nul homme ne peut atteindre à la perfection. - Le Gourou
est le guide. - Nânak dit même : - Un homme est
venu, par lequel le monde entier doit être sauvé.
(Cette parole ne rappelle-t-elle pas singulièrement le
prologue de l'évangile de jean ?)
Le Gourou, comme représentant
de Dieu, réclamait les honneurs divins : l'adoration des hommes,
une
entière soumission, une inconditionnelle obéissance.
Pourtant la glorification d'un être
humain est en opposition, semble-t-il, avec la spiritualité de la
religion
sikh, de même que le pouvoir magique attribué au
nom sacré de Dieu: - Celui qui prononce le nom de «
Hari » (un des nombreux noms de la divinité), atteint
la plénitude de la sagesse, du salut, de la bénédiction.
- Murmurer le nom de Hari apporte le réconfort et délivre
du péché et de la crainte.
Les enseignements de Nânak et de
ses successeurs, sont écrits en vers dans le « Granth »
ou livre par
excellence, canon des écrits saints, dont la lecture était
obligatoire.
La religion sikh, parfois contradictoire, est un mélange
d'hindouisme et d'islamisme. Comme les
bouddhistes, les saints sikhs cherchent la rédemption
finale du péché et de la souffrance, dans le cycle sans
fin des réincarnations, dans la transmigration des âmes
qui meurent et doivent renaître une multitude de
fois pour atteindre le Nirvâna où l'âme purifiée
trouve le repos dans l'extinction de tout désir. Toute
conscience de soi-même, toute individualité cessent
d'exister, englouties qu'elles sont dans l'océan infini de
l'union avec l'être suprême. Dans les sphères
les plus élevées, il n'y a plus ni joie, ni peine, ni espérance,
ni
désir, ni parole ; seule existe la vision du divin : le
disciple de Nânak est absorbé en Dieu.
Cette austère doctrine du Nirvâna
est contrebalancée dans les écrits sikhs par la vivante représentation
du ciel des mahométans, sorte de paradis où les
Sikhs fidèles recevront la récompense éternelle de
leur foi
et de leur amour pour Dieu.
La conception de Dieu et du salut prêchés
par Nânak et ses successeurs se distinguent de l'hindouisme
et de l'islamisme par une plus grande spiritualité. Nânak
condamne l'adoration des idoles, la récitation
machinale des Védas. qui contrastent avec l'adoration
en esprit enseignée par le Granth. Il réprouve le
rigide ascétisme des Brahmanes : exposer un de ses membres
au feu, demeurer perpétuellement dans l'eau,
jeûner, endurer un grand froid ou une grande chaleur, se
coucher sur un lit garni de pointes, tenir un bras
en l'air jusqu'à ce qu'il s'ankylose, rester sur une seule
jambe, toutes ces oeuvres de pénitence sont l'oeuvre
des ténèbres, dit Nânak. Il va même
jusqu'à mettre en garde ses fidèles contre les moines mendiants,
- Ne
révérez pas tous ceux qui s'appellent Sâdhous
eux-mêmes et qui demandent l'aumône. Ceux-là seulement
qui vivent du fruit de leur travail font oeuvre utile et sont
dans le chemin de la vérité.
Quelques citations des livres saints
des Sikhs nous révéleront la pureté et la grandeur
de leur religion où
la notion du péché et du pardon. ce thème
central de la Bible et de l'expérience chrétienne se retrouve
constamment :
- Je suis un pécheur,
Toi tu es pur... accorde-moi ta grâce... aie pitié, afin que
je ne sois pas englouti
comme une pierre dans la profondeur de la mer.
Ainsi s'exprime Amar Das. dans son expérience
du salut:
- Nous commettons des péchés
sans fin, ô Hari ! sois miséricordieux et pardonne-les. -
Mon âme est
réconciliée avec Dieu et je suis submergé
par son merveilleux amour.
Le Granth, comme la Bible, proclame
que sans humilité il n'y a point de salut ni de grâce ; que
la porte
du salut est étroite et que l'orgueil empêche l'homme
de trouver Dieu.
Certaines maximes sont bien proches du
sermon sur la montagne Si un homme te bat, ne lui rends pas
le coup en retour, mais arrête-toi et embrasse ses pieds.
- Si ton âme a soif de Dieu, deviens comme l'herbe
foulée aux pieds par les hommes. - Si un homme te renverse
et qu'un autre te piétine, alors tu entreras dans
le temple de Dieu.
Quelques prières sont si personnelles
qu'elles ressemblent étrangement à celles des Psaumes : -
Tu es
mon père, tu es ma mère... en toutes choses tu
es mon protecteur, que craindrai-je ;... Tu es mon appui...
Tu es mon refuge... par Toi toutes choses ont été
créées... tout est à Toi, rien n'est à nous,
ô Dieu !
- Nous soupirons après
Toi, nous avons soif de Toi, ce n'est qu'en Toi que notre coeur trouve
le
repos, ô Hari ! - Comme un enfant est satisfait quand il
boit du lait, comme un pauvre homme est
réconforté quand les choses vont bien pour lui,
comme un homme altéré est rafraîchi par l'eau, ainsi
mon
coeur est heureux en Toi, ô Hari! - Comme une lampe brille
dans l'obscurité, comme celle qui veille en
attendant son époux est heureuse quand il parait, ainsi
exulte mon coeur en amour pour Toi, ô Hari!
Et cette prière qui révèle
un désir si intense je ne peux pas vivre un moment sans Toi... je
suis
misérable sans mon bien-aimé... je n'ai point d'ami...
quand je te possède, j'ai toutes choses... Toi, ô
Seigneur! Tu es mon trésor... j'ai faim et soif de Toi.
Cependant dans ces prières qui
débordent d'amour et de confiance en un Dieu personnel, l'ami et
le
sauveur de l'âme, se retrouve un universel panthéisme
caractéristique de la religion sikh. Même sur les
lèvres de Nânak on perçoit la phrase des
Védas : je suis Lui, moi-même je suis Dieu.
Après la mort de Nânak,
quatre « leaders » lui succédèrent. L'un des
plus fameux fut tué par les
Musulmans qui, en persécutant les Sikhs, firent d'eux
un peuple militaire déterminé à se venger. Il sortit
ainsi de la ligne de non-résistance prêchée
par Nânak. Les Sikhs eurent leurs saints et leurs martyrs. Un de
leurs chefs donna à la tribu le nom de Singh ou lion,
comme un témoignage de sa valeur guerrière et de son
intrépide courage.
Les Sikhs, de souche aryenne, sont une
race fort belle, de grande taille, au teint relativement clair. Ils
portent de longs cheveux noirs qu'il ne leur est pas permis de
couper.
Leur livre sacré, le Granth, se
lit à haute voix dans le service divin, comme la Bible dans nos
cultes. Les
devoirs religieux personnels des Sikhs sont : le bain rituel
deux fois par jour, la lecture quotidienne des
écrits sacrés en sanscrit, la prière matinale
et celle du soir tirées du Granth. Les Sikhs doivent se séparer
de
tout ce qu'il y a d'impur et de mauvais dans l'hindouisme et
être prêts à souffrir, s'il le faut, pour défendre
la vérité.
Leur idéal moral est très
élevé ; loyauté et droiture, humilité et obéissance,
générosité et hospitalité,
promptitude à pardonner et à supporter patiemment
l'injustice.
La grande importance attachée
aux vertus domestiques : fidélité conjugale, soin des parents
pour leurs
enfants, amour filial et piété, mettent la religion
sikh bien au-dessus des sectes de l'hindouisme.
Pourtant, malgré ses enseignements
qui semblent parfois si près de l'Évangile, tels que la foi
au pardon,
l'amour de Dieu, le renoncement à soi-même, l'humilité
et la fraternité. l'incarnation de Dieu dans un être
humain. ces reflets de la révélation biblique sont
ternis par l'influence du panthéisme hindou et du fatalisme
musulman qui nie tout libre arbitre.
La croyance à la réincarnation
sans fin, la doctrine du Nirvâna, l'adoration du Gourou, ce mélange
de
croyances souvent contradictoires ôte à l'enseignement
du Granth toute puissance créatrice et ne peut
répondre aux aspirations profondes de l'âme hindoue
assoiffée de trouver la. paix, cette paix de l'âme si
ardemment désirée et poursuivie souvent dans une
vie de souffrances volontaires qui va jusqu'au martyre.
*
« Il n'y a sous le ciel aucun autre nom - que le nom de
Jésus-Christ - par lequel nous puissions être sauvés.
» Actes des Apôtres.
* Ce chapitre est en grande partie extrait de The Gospel of Sâdhu
Sundar Singh (traduction anglaise du livre allemand de
Friedrich Heiler).
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