Voici des extraits
de la biographie de Saint Jean Bouche d'Or écrite en roumain par
C.V. Gheorghiu.
Chapitre 1
P.1 Dans les premiers
siècles du Christianisme, les hommes et les femmes qui luttaient
pour obtenir la gloire des saints étaient nommés les athlètes
du Christ. Un saint réalise au cours de sa vie des performances
que les autres hommes ne réussissent pas à accomplir. Ses
performances sont parfois reconnus officiellement par l'Église.
Dans ce cas il figure dans le calendrier.
Beaucoup de gens voulurent
devenir des saints. Leurs luttes pour acquérir la pureté
nécessaire à la sainteté furent spectaculaires. Plus
spectaculaires que les combats dans l'arène, et beaucoup plus dures.
Pour obtenir la pureté, les athlètes du Christ luttèrent
contre leur propre corps, contre le sommeil, contre la faim, contre la
douleur, contre leur propres pensées, contre les instincts. Ce fut
une lutte sans merci, menée jour et nuit, pendant une vie entière.
Une lutte palpitante et sans aucun répit.
Jean Bouche d'Or avait
pris la décision de devenir un saint, dès son adolescence,
lorsqu'il était encore sur les bancs d'école. P.2 Une décision
prise en toute conscience et après une mûre réflexion.
D'autres jeunes gens décidaient dans leur adolescence de devenir
généraux, champions sportifs, explorateurs. Jean Bouche d'Or
décida de devenir saint. Au cours de sa vie il n'eut pas d'autre
idéal. Tout homme peut devenir saint à condition d'aimer
le Christ. Bouche d'Or avait conscience de ce fait. Il dit aux fidèles
d'imiter saint Paul, parce que tout homme peut l'imiter et devenir semblable
à lui:
«Imitons-le,
mes frères, car il est homme de la même nature que la nôtre,
mais comme il a montré pour le Christ un grand amour, il a franchi
l'enceinte des Cieux et il a maintenant place avec les anges. Si vous voulez
faire un effort et allumer en vous la même flamme, nous pourrions
imiter ce saint apôtre. Si cela eût été impossible
il n'eut pas dit: "Soyez mes imitateurs comme
je le suis du Christ.»
P.3 Jean Bouche d'Or
fut un des heureux qui ont su suivre la grâce et atteindre cette
gloire.
Jean Bouche d'Or est
un athlète du Christ qui diffère de ses collègues
du calendrier, c'est-à-dire des autres saints. En une seule vie
il a lutté sur deux fronts:
1° Il a combattu
afin d'obtenir la sainteté individuelle... Ce fut un combat terrible.
Après avoir vaincu chaque parcelle de son corps et anéanti
chaque ennemi et chaque obstacle qui auraient pu l'empêcher d'atteindre
le ciel
2° Il entama un
autre lutte, la lutte pour élever l'Église du Christ avec
toute la foule des fidèles aux sommets de la sainteté et
de la pureté chrétienne. Le combat pour l'Église est
l'acte d'amour le plus complet des hommes.
L'Église est
comme une citadelle. Dans les murs de cette citadelle les hommes ordinaires,
les hommes qui ne possèdent pas de qualités exceptionnelles
sont protégés. D'ailleurs, en ce temps-là le Christianisme
s'appelait «la véritable philosophie».
P.4 Bouche d'Or a lutté
dans la seconde période de sa vie, comme un champion afin d'amener
les hommes dans l'enceinte de l'Église et ensuite il n'a pas cessé
d'élever l'Église avec tous les hommes qu'elle contenait
au-dessus de la terre, plus près du ciel, où les hommes peuvent
respirer dans une atmosphère plus pure, plus digne, plus calme.
Nul ne vient au monde
saint. Jamais personne naquit saint. Un homme le devient. La sainteté
se conquiert.
La naissance de Jean
Bouche d'Or est identique à la naissance de n'importe quel Jean
sur la terre. Elle ne comporte rien d'exceptionnelle. Seul le fait qu'il
soit né de parents riches, est à signaler. Ce privilège
est réservé à un petit nombre de Jean sur la terre.
Son père était général. Il commandait la cavalerie
de l'empire romain en Syrie.
P.5 Le général
aux tempes grises épousa Anthuse, une jeune fille de 16 ans originaire
d'Antioche. Le premier enfant fut une fille. Le général désirait
ardemment avoir un fils. Il l'eut. Le deuxième enfant, né
vers 345-349, fut un garçon, Jean, les grecs ne donnaient
à un homme qu'un seul nom.
Anthuse fut veuve avant
d'avoir 20 ans, elle décida de ne pas se remarier. Elle consacra
le reste de son existence à l'éducation de ses enfants et
à l'administration des biens laissés par le général.
Jean parle ainsi de
sa mère: «Elle me disait: J'ai peu joui,
mon enfant, de la vertu de ton père. Ce bonheur me fut bientôt
ravi par la divine Providence. La douleur de sa mort se joignit à
celles qui avaient accompagné ta naissance. Il te laissa orphelin
et me légua les maux du veuvage; maux que peuvent seulement connaître
les femmes qui les ont éprouvés. Non, il n'est pas d'expression
qui puisse rendre les troubles et les orages auxquels demeure exposée
une jeune fille naguère sortie de la maison de son père,
dénuée de toute expérience, atterrée par un
coup aussi terrible que soudain, et forcée désormais d'accomplir
des devoirs qui ne sont ni de son âge ni de son sexe. Elle doit en
effet corriger l'incurie des serviteurs, et tenir en échec leur
malice, repousser les manoeuvre des parents, se défendre contre
la rapacité des agents du fisc, malgré ses dégoûts
et leurs impitoyables exigences.»
P.6 Bien que très
jeune et dénuée de toute expérience, Anthuse se débrouilla
parfaitement. Elle put déclarer plus tard à son fils «Tu
ne me reprocheras pas d'avoir diminué les biens que t'a laissés
ton père, malgré les difficultés et les dangers que
le veuvage entraîne et qui pour tant d'autres femmes ont eu de funestes
résultats. Je t'ai conservé ces biens dans leur intégrité,
bien que je n'aie rien épargné pour te donner une éducation
solide et brillante».
La mère de Jean
fut donc une mère héroïque, comme le sont normalement
toutes les mères de la terre.
Les biographes du saint
écrivent qu'Anthuse était chrétienne et très
pieuse. Mais même si Anthuse avait été une sainte,
les luttes terrestres de Jean, l'Athlète du Christ n'auraient pas
été moins terribles, parce que la sainteté n'est pas
héréditaire.
P.7 Au temps de Bouche
d'Or les capitales de la culture européenne étaient Alexandrie
et Antioche. Elles étaient plus européennes qu'Athènes.
La tradition grecque y fleurissait.
P.8 Le fait que Bouche
d'Or naquit dans cette grande ville européenne eut une profonde
influence dans sa vie.
A cette époque
Antioche était une des plus belles villes du monde. Elle était
construite sur le bord de l'Oronte, sur sept collines, à environ
1100 kilomètres de Constantinople et à 30 kilomètres
environ du bord de la mer.
Au 4ème siècle
ap. J.C., les contemporains de Bouche d'Or nommaient Antioche «La
ville d'Or», «La perle de l'Orient», «Antioche
la belle», «Antioche la voluptueuse», «Antioche
la plaisante», «Antioche la sensuelle».
La ville d'or avait
environ un demi-million d'habitants; elle avait un éclairage féerique,
des amphithéâtres, des bains, des édifices grandioses.
Elle possédait tout ce qu'une métropole de ce siècle
pouvait posséder. Antioche était une des villes merveilleuses
de l'empire romain.
Tous les empereurs
de Rome la visitèrent et lui offrirent des présents. Titus
orna Antioche la sensuelle de séraphins emportés, comme butin
de guerre, de Jérusalem détruite.
P.9 Dans cette ville
prêchèrent Barnabas, Paul et Pierre.
L'Église d'Antioche
fut créée par les apôtres du Christ eux-mêmes.
Elle était une des capitales chrétiennes du monde. Quelques
années avant la naissance de Bouche d'Or, en 341, un concile d'une
centaine d'évêques eut lieu à Antioche, concile qui
fixa un nombre important de canons de l'Église. Environ 30 autres
conciles eurent lieu dans cette ville, qui était avec Rome, Constantinople
et Alexandrie une des capitales de l'Église. La moitié de
la population était chrétienne.
Les futurs saints subissent
eux aussi les influences de l'époque et du lieu où ils sont
nés, tout comme les autres hommes. L'éclat d'alors de cette
ville s'est gardé, inaltérable, le long des siècles,
dans l'oeuvre du saint. La ville d'or, de marbre a disparu comme toutes
les choses terrestres.
A la place où
se trouvait Antioche se trouve une petite ville turque qui compte 26000
habitants. P.10 A Antakiyah on ne trouve aujourd'hui que 4000 chrétiens.
C'est tout.
Un autre fait important
dans la vie du futur saint fut l'apparition dans Antioche, en 354, d'un
rhéteur célèbre. Il s'appelait Libanius, et avait
40 ans, lorsqu'il réapparut dans la ville d'Antioche. Tout le monde
connaissait Libanius de nom, d'un bout à l'autre de l'empire romain,
d'Angleterre jusqu'à l'Euphrate.
Libanius était
d'Antioche. Après avoir étudié tout ce qu'un homme
pouvait étudier dans sa ville natale, il supplia sa mère
de le laisser partir pour Athènes. Il partit. Il devint un philosophe
célèbre. Il dirigea la plus importante école de rhétorique
de Constantinople. Puis il fut expulsé de cette ville. Il ouvrit
son école à Nicodémie. Quelques temps après
il fut expulsé aussi de Nicodémie. Le revoilà maintenant
dans sa ville natale - expulsé et célèbre. Il ouvrit
une école de philosophie à Antioche. L'école à
peine ouverte, les élèves affluèrent de tous les coins
de la terre. Libanius était le plus célèbre Magister
de ces temps-là.
Comme toutes les mères,
Anthuse ne voulait confier son fils qu'à la meilleure école
du monde.
On peut voir de quelle
renommée jouissait Libanius, l'empereur romain Julien lui écrit:
«J'ai lu hier avant dîner presque tout ton discours et aussitôt
après le dîner j'ai achevé tout d'un trait le reste
de ma lecture. Heureux homme de pouvoir parler et plus encore de pouvoir
penser ainsi. Quelle éloquence! Quelles pensées! Quelle finesse!
Quelle division! Quelle argumentation! Quel ordre! Quels mouvements! Quelle
diction! Quelle harmonie! Quel ensemble!»
P.11 Non seulement
l'empereur, mais les saints eux-mêmes admiraient le philosophe païen
Libanius.
Parmi ses admirateurs
passionnés se trouvait saint Basile le Grand, collègue du
philosophe exilé à Athènes. Julien écrit: «Les
lettres de Libanius sont pour saint Basile le Grand comme la rose dont
les vrais amateurs goûtent même les épines. Il aime
que Libanius lui écrive même pour le querelle... Comment oserait-il
écrire à un tel homme, lui qui passe sa vie en compagnie
de Moïse et Élie, barbares qui lui transmettent, avec la vérité
de leurs oracles, la rudesse de leur langage.»
Le fait que Libanius
fut un païen militant et un ennemi acharné du christianisme
n'empêcha pas le saint évêque Basile le Grand de l'admirer.
Il devait d'autant moins empêcher Anthuse qui voulait donner à
son fils une éducation brillante. Elle envoya donc Jean à
l'école de Libanius.
Au 4ème siècle
la rhétorique était considérée comme la mère
de toutes les sciences. Saint Grégoire de Naziance s'adressant aux
païens leur dit: «Je vous abandonne tout le reste, les richesses,
la naissance, la gloire, l'autorité et tous les biens d'ici-bas
dont le charme s'évanouit comme un songe; mais je mets la main sur
l'éloquence. Et je ne regrette pas les travaux, les voyages sur
terre et sur mer que j'ai entrepris pour la conquérir.» Note
1
P.12 Anthuse demanda
à l'évêque d'Antioche s'il était séant
qu'une chrétienne envoyât son enfant étudier chez un
philosophe païen et un ennemi du christianisme. Sans doute l'évêque
donna à Anthuse le conseil d'envoyer Jean chez Libanius. Les évêques
de ce temps-là envoyaient les futurs prédicateurs chez Libanius
apprendre l'art de parler. Bouche d'Or fut donc l'élève de
Libanius et en peu de temps il en fut le meilleur. Il existe une lettre
de Libanius adressée à Jean:
«J'ai reçu
votre élégant et magnifique discours. J'en ai donné
lecture à des hommes versés dans l'éloquence et d'une
habilité remarquable à composer des oeuvres oratoires. Il
n'en est pas un seul qui n'ait manifesté son enthousiasme par des
trépignements, des cris, et par tous les mouvements spontanés
qui trahissent les transports et l'admiration.»
P.13 Jean devint avocat
et s'inscrivit au barreau d'Antioche, il devint rapidement célèbre.
La vie de Bouche d'Or, avocat à Antioche la belle, n'avait rien
d'un saint.
Bouche d'Or devint
un des meilleurs amis de Libanius. Il était à ce point apprécié
en tant qu'orateur que Libanius avait formé le projet de le désigner
comme son successeur, à la direction de l'école de rhétorique
d'Antioche. Il advint alors quelque chose qui détermina Bouche d'Or
à devenir saint au lieu de devenir le successeur de Libanius. Note
2
Ce fut un événement
crucial dans sa vie. Au mois de juin 362 mourut à Antioche le maître
de l'univers terrestre, l'empereur de Rome Julien l'apostat. L'empereur
Julien était accompagné de l'historien Ammien Marcellin et
d'un groupe de philosophes. L'état-major de cet empereur était
composé de préférence de
philosophes et non
de généraux. La première visite de Julien à
Antioche fut pour Libanius qui avait été son professeur.
P.14 L'empereur Julien
n'appréciait rien tant que la compagnie des philosophes. Même
à l'heure de sa mort, à 31 ans, il chassa de sa tente courtisans
et militaires et resta seul avec les philosophes. Il savait qu'il avait
encore quelques minutes à s'attarder sur cette terre. Julien les
passa à discuter philosophie.
Au moment où
il parut à Antioche, vêtu non de la pourpre des empereurs
romains mais d'une toge usée comme celle de Libanius, les cheveux
et la barbe non soignés, comme Libanius, il provoqua une sincère
admiration. L'empereur allait à pied, fréquentait des hommes
simples qui étaient des philosophes. Fatalement Bouche d'Or, en
sa qualité de premier élève de Libanius, devint à
cette date un des plus proches amis de Julien.
Julien était
un véritable philosophe. Ammien Marcellin écrit: «Ses
yeux étaient beaux et le feu dont ils brillaient décelaient
un esprit qui se sent à l'étroit.»
P.15 Julien mangeait
peu, comme un ascète, dormait peu, méprisait le faste et
le luxe et méprisait toutes les gloires terrestres. Julien vivait
dans la chasteté comme les ermites et le désir de sa vie
était de faire le plus de bien possible. Et pourtant Julien est
un des empereurs les plus dénigrés de toute l'histoire universelle.
Ennemi sincère
du christianisme, il voulait la destruction de la religion chrétienne
et la restauration du culte païen des dieux. C'était le grand
rêve de sa vie. Julien avait de très sérieux
motifs pour haïr le christianisme avec une telle passion. C'étaient
des motifs humains. Mais même un grand philosophe comme l'empereur
Julien n'est qu'un homme et il a des passions humaines. Lorsque Julien
était enfant, l'empereur Constance massacra toute sa famille et
il exila Julien dans un couvent. Il le fit baptiser. Puis il le confia
à la garde des évêques, des prêtres et des diacres
afin de l'élever dans la religion chrétienne. Ensuite,
par ordre de l'empereur Constance, Julien devint chantre, chantre chrétien.
Pour Julien, le couvent était un lieu de bannissement. Celui qui
l'y gardait enfermé et qui avait ordonné qu'il étudiât
les Écritures était l'assassin de ses parents. Les prêtres,
les évêques et les diacres étaient les geôliers.
Un
historien français du siècle dernier, M. Villemain, écrit:
«Un jeune prince, plein d'imagination et d'enthousiasme souffre dans
l'exil la tyrannie ombrageuse de Constance, qui a fait périr toute
sa famille. Constance était chrétien. C'est assez pour que
Julien soit polythéiste. Constance a détruit l'ancien culte
de l'Empire. C'est assez pour que Julien veuille le rétablir.»
Note
3
P.16 Antioche où
Julien venait d'arriver était en majeure partie chrétienne.
Cela n'empêcha pas les Antiochiens d'être enthousiasmés
par les manières de l'empereur philosophe. Mais après un
certain temps l'originalité de l'empereur lassa les Antiochiens
qui étaient des gens raffinés. Ils se lassèrent de
ses manières sobres, de l'absence de cérémonies, du
refus de toutes les invitations. Et les Antiochiens commencèrent
à détester Julien. Puis ils commencèrent à
se moquer de l'empereur, et à écrire des épigrammes
sur les murs. Il était devenu la risée de la ville. Et l'amusement
était d'autant plus grand que Julien n'ordonnait pas à la
police d'arrêter ceux qui le raillaient.
Même les païens
d'Antioche raillaient le zèle de Julien à vouloir ressusciter
l'ancien culte des dieux. Un jour où Julien se rendait au temple
d'Apollon aux abords d'Antioche afin d'accomplir un sacrifice, il ne trouva
qu'un seul sacrificateur et une seule brebis. L'empereur ne se fâcha
point. Il ramassa du bois, alluma le feu et sacrifia seul à Apollon.
Son excès de zèle en matière de sacrifices fit que
les Antiochiens le surnommèrent «l'égorgeur».
Jean rapporte:
«On eût dit qu'il ne régnait que pour exterminer les
troupeaux de l'univers et il égorgeait tant de brebis et de boeufs
sur les autels, que beaucoup de paysans le traitaient de cuisinier et de
boucher.»
P.17 Pendant que Julien
se trouvait à Antioche, le temple d'Apollon fut incendié.
L'immense statue d'Apollon au corps de bois recouvert d'or, aux bras et
aux jambes d'ivoire, aux yeux d'améthyste, à la couronne
d'or massif merveilleusement ciselé, fondit et fut détruite
par le feu.
Au début l'empereur
s'abstint de répondre aux attaques. Il s'abstint d'utiliser la force
contre ceux qui l'insultaient. Pour un empereur, ordonner à la police
et à l'armée de prendre des mesures de représailles,
c'est la chose la plus facile. Tous les empereurs agissent ainsi. Mais
Julien ne tira pas l'épée. il ne jeta pas ses ennemis en
prison. Du moins au début. Il leur répondit par la plume.
Ses ennemis ne pardonnèrent
pas à Julien de ne pas avoir employé la violence. Ils ne
lui pardonnèrent rien. Même le fait de ne pas tuer ses ennemis
dut considéré comme un défaut. «Il
n'utilisait pas la violence contre les chrétiens parce qu'il ne
voulait pas grandir l'Église par le martyre. Si j'entre dans la
voie de la violence, pensait-il, les chrétiens vont voler à
la mort comme les abeilles à la ruche.» dit Bouche
d'Or.
Libanius publia un
livre dans lequel il accusait les chrétiens d'avoir incendié
le temple d'Apollon.
Libanius fut un des
très rares hommes du monde païen qui eut le courage de dire
ce qu'il pensait. Les autres soutenaient l'empereur, mais avec beaucoup
de réserves. Les hommes ordinaires ont le courage de s'engager,
mais seulement après avoir acquis la conviction qu'ils s'engagent
aux côtés de celui qui vaincra. Nous ne connaissons pas l'attitude
de Bouche d'Or. Il n'avait pas encore 20 ans. C'est l'âge où
les jeunes gens sont aussi sensibles que les plaques photographiques. P.18
Il est impossible que Bouche d'Or n'ait pas subi l'influence de Libanius,
même partiellement, et qu'il n'ait pas eu un peu l'admiration de
son maître pour l'empereur philosophe qui allait, vêtu d'une
toge, au lieu de porter le manteau de pourpre de ceux qui gouvernent l'univers.
De tous les contemporains,
c'est Bouche d'Or qui écrivit les paroles les plus cruelles contre
Julien, avec une aversion passionnée, telle qu'on peut l'éprouver
pour quelqu'un que l'on a aimé et qu'on admire peut-être en
secret, au plus profond du coeur, sans même s'en rendre compte.
Le
26 juin 363, l'empereur Julien mourut héroïquement à
la tête de ses troupes dans un combat contre les Perses. A son heure
dernière, il prononça des paroles pleines de sagesse. «Le
moment est venu, mes amis. La nature exige le tribut, un peu tôt
peut-être, mais, en loyal débiteur, je m'empresse de m'acquitter
et sans éprouver, comme on pourrait le croire, ni abattement ni
regret. La philosophie m'a appris à reconnaître la supériorité
de l'âme sur le corps, et, changeant ma condition pour une meilleure,
j'ai lieu de me réjouir plutôt que de m'affliger.» Note
4
La mort de Julien eut
une importance cruciale pour la vie de Bouche d'Or. Julien fut le dernier
empereur qui ait essayé de rétablir l'ancien culte des dieux.
Sa mort, en pleine jeunesse, fut annoncée par les chrétiens
comme une punition céleste infligée à ceux qui luttaient
contre la véritable philosophie, c'est-à-dire le Christianisme.
La foule des païens en fut épouvantée. Ils vinrent aux
portes des églises chrétiennes et demandèrent à
y être reçus.
L'école de Libanius
commença à se vider. Libanius lui-même vit que tout
était perdu. Il voulut se suicider. P.19 Il ne pouvait concevoir
les villes et les villages sans les statues des dieux des sources, sans
les statues en marbre blanc des dieux des forêts, sans temples. Le
vieux philosophe resta seul. Ses disciples se trouvaient maintenant dans
les églises chrétiennes. Il fut presque seul à l'enterrement
de Julien dont il fit le panégyrique.
L'empereur Julien avait
été un de ses derniers élèves fidèles.
tous les autres l'avaient abandonné. Parmi ceux-ci se trouvait aussi
Bouche d'Or. Jean chercha sa voie ailleurs. Instinctivement la jeunesse
n'embrasse jamais les causes perdues. La jeunesse, ainsi que les masses,
possède un formidable instinct de conservation et s'engage toujours
aux côtés du plus fort. La résurrection des dieux de
la Grèce
antique avait échoué.
Le paganisme était mort avec Julien.
En 367, 4 ans après
la mort de Julien, Bouche d'Or devint lecteur à l'église
d'Antioche. A partir de cette date il commence l'entraînement afin
de devenir un athlète du Christ, pour devenir un champion parmi
les athlètes, et enfin un saint.
Chapitre 2
Bouche d'Or accompagné
par Anthuse, sa mère, se présenta à la porte de l'église
d'Antioche et reçut le baptême.
Sans
aucun regret Bouche d'Or tourna le dos à Libanius et au monde païen.
Il n'était pas le seul à procéder de la sorte. Tout
le monde à Antioche faisait de même. Le paganisme était
mort en même temps que Julien. Les temples furent détruits.
Les statues des dieux et des déesses furent jetés en bas
de leurs socles et brisées. Note 5
Les livres des philosophes
et des poètes païens furent brûlés: Platon, Aristote,
Homère, brûlés!
La philosophie ancienne
était, selon Bouche d'Or, «une courtisane
sans beauté naturelle et qui se farde. Le Christianisme a rendu
philosophes les rustres et les illettrés.»
P.21 Parallèlement
à l'écroulement des vieilles croyances, des temples et des
statues, s'écroulait aussi l'empire romain. L'Empire était
extrêmement pourri à l'intérieur (comme toutes les
vieilles choses) il était assiégé à l'extérieur
par les barbares. Pendant que l'empire sombrait, comme un navire, le monde
plus spécialement la jeunesse et les masses cherchaient le salut.
Les
conversions au christianisme s'opéraient journellement par milliers,
en masses compactes. La jeunesse et les masses ne regardent jamais en arrière.
Note
6
Et Bouche d'Or aussi,
une fois devenu chrétien, ne regarda plus jamais en arrière.
P.22 Mais Libanius
aimait Bouche d'Or et il eut de la peine en se voyant abandonné
par son élève le plus aimé. Libanius, d'ailleurs,
était capable de s'élever au-dessus de sa condition de païen
et d'admirer certains côtés du christianisme.
«Un
jour, écrit Bouche d'Or, mon maître fit publiquement l'éloge
de ma mère en disant: "Ah! quelles femmes il y a chez les chrétiennes."
Une autre fois comme on lui demandait qui lui succéderait comme
directeur de son école de rhétorique, Libanius répondit:
"Jean, si les chrétiens ne me l'avaient pas volé!".»
Libanius ne cessa jamais
d'admirer et d'aimer Bouche d'Or, même lorsque celui-ci l'abandonna
et passa dans le camp adverse. Comme il ne cessa d'admirer et d'aimer saint
Basile le Grand, lorsque celui-ci l'abandonna à son tour pour les
chrétiens. Il continua à être l'ami de saint Grégoire
lorsque celui-ci devint chrétien.
Il félicita
même saint Basile le Grand, lorsque celui-ci embrassa la nouvelle
foi et devint ainsi «l'ami de Dieu».
«Tu n'étais
qu'un jeune homme que déjà je te vénérais à
cause de la gravité de tes moeurs, digne de la sagesse des vieillards,
écrit Libanius à saint Basile. Maintenant que te sachant
rentré dans ton pays je me disais: «Va-t-il se livrer au barreau?
Préfère-t-il l'enseignement? Voilà qu'on m'annonce
que tu as pris une route meilleure et que tu cherches plutôt à
devenir l'ami de Dieu qu'à gagner de l'argent, je félicite
les Cappadociens et toi, toi d'avoir pris un parti si beau; eux, d'avoir
pour compatriote un si grand homme.
Libanius.»
P.23 La manière
de procéder de Libanius est conforme à sa situation d'homme
âgé. Un homme âgé s'élève plus
facilement au-dessus des passions. Sa conduite est conforme au métier
de philosophe.
Bouche d'Or lui répondit
en des termes caustiques. Il appelait Libanius «mon
maître, le plus superstitieux des hommes» pour le motif
que Libanius n'avait pas embrassé, lui aussi, «la vraie philosophie».
Libanius a dû comprendre cette intolérance de son ancien disciple.
A 20 ans un homme est
intolérant et ignore les nuances et les ménagements, et Bouche
d'Or, bien qu'il s'acheminât vers la sainteté, avait 20 ans.
Il ne pouvait se comporter autrement.
Après
Libanius, Bouche d'Or se choisit un autre maître. Note
7
Il devint l'élève
de celui que tous les Antiochiens nommaient leur père et qu'ils
vénéraient comme un saint. Il s'appelait Mélèce
et était évêque d'Antioche. Il était de Mélitène
en Arménie. Au cours de sa vie d'évêque il avait connu
trois exils. Non seulement les chrétiens, mais même les juifs
et les païens le considéraient comme un saint et le vénéraient.
Bouche d'Or: «La sainteté respirait
sur son visage. Son visage était une prédication.»
P.24 Un autre saint,
son contemporain, le poète Grégoire de Naziance écrit:
«Homme sans art, de moeurs simples, plein de Dieu, portant dans son
coeur le calme auguste de ses traits.»
Mélèce
faisait partie de cette catégorie de gens qui semblent posséder
la paix dans chaque pore de leur être et dont la seule présence
calme la tempête la plus terrible. Bouche d'Or décrit ces
hommes heureux qui possèdent «une âme pacifique»
comme celle de Mélèce: «Un fer
rouge plongé dans l'eau se refroidit moins vite qu'un coeur rascible
au contact d'une âme pacifique».
Saint Basile le Grand
nourrissait aussi une admiration sans borne pour Mélèce,
le nouveau maître de Bouche d'Or.
Il lui écrivit:
«Si ta piété savait quelle joie tu me procures en m'écrivant,
tu ne manquerais, j'en suis sûr, aucune occasion de le faire. Ne
sais-tu pas quelle récompense le Ciel réserve aux consolateurs
des affligés? Or ici tout est en proie à la douleur et la
seule diversion à nos maux, c'est ta pensée. Aussi quand
je reçois une de tes lettres, je regarde d'abord si elle est longue
et je l'aime d'autant plus qu'elle renferme plus de lignes. Je suis heureux
tant que je la lis. Dès qu'elle est finie je rentre dans ma tristesse.»
Bouche d'Or se mit
à l'école de l'évêque avec toute la passion
de son âge.
P.25 Les philosophes
existentialistes affirment que l'homme est la totalité de ses actes.
Bouche d'Or décrit
le retour de Mélèce à Antioche:
«Il fut reçu dans Antioche avec une joie extrême. Toute
la ville alla au-devant de lui. Les uns baisaient ses mains, les autres
ses pieds. Ceux que la foule empêchait d'approcher, s'estimaient
heureux d'entendre sa voix ou de contempler son visage.»
P.26 Le saint évêque
confia le fils d'Anthuse au professeur de théologie le plus savant
d'Antioche: à Diodore. Diodore devait devenir plus tard évêque
de Tarse. Il nous reste de lui quelques fragments de commentaires des Écritures.
Diodore était un érudit qui interprétait les Écritures
selon la tradition de l'école d'Antioche. C'est-à-dire historiquement
et littéralement. Les théologiens Antiochiens n'étaient
pas des mystiques. Ils se guidaient d'après la lettre de l'Évangile
qu'ils lisaient comme elle était écrite. Pour Bouche d'Or,
cette méthode théologique fut extrêmement utile. Bouche
d'Or apprit de Diodore à lire avec patience chaque mot, chaque lettre,
comme à la loupe. Sans rien omettre. Cette habitude de lire fit
de Bouche d'Or un des meilleurs connaisseurs de la Bible. On voit, d'après
les homélies qu'il prononça plus tard, qu'il connaissait
les Écritures presque par coeur.
Il voulait devenir
un saint, comme Paul. Son admiration pour Paul était sans limites.
Il écrivait: «Le coeur de Paul est le
coeur du Christ. Imitons-le, mes frères, comme il le faisait lui-même.»
Bouche d'Or trouve
même des ressemblances physiques entre Paul et lui! Tous les deux
étaient de petite taille. «Là
Paul n'avait sur moi aucun avantage.»
P.27 Dans sa chambre
il y avait une image de Paul. Même s'il ne réussissait pas
à réaliser sur terre tout ce que Paul avait réalisé,
Bouche d'Or savait qu'ils pouvaient être égaux, car ce ne
sont pas les réalisations, mais les efforts fournis qui comptent.
Il devait donc faire les mêmes efforts que Paul.
«Chacun
sera payé selon la peine qu'il se sera donné dit Bouche d'Or
en citant Paul, 1Co.3:8, c'est-à-dire non en suivant la grandeur
des actes qu'il aura accomplis mais en suivant la grandeur des épreuves
qu'il aura supportées. Voilà pourquoi quand Paul se glorifie,
ce n'est pas tant de ses actions que de ses souffrances. Loin de
se sentir inférieur aux autres ministres des Évangiles, il
croit pouvoir dire qu'il les a surpassés. Ils sont ministres du
Christ, dit-il (évidemment je regrette de ne pas être modeste),
mais je suis plus qu'eux. Et pour le prouver il ne compare pas ses prédications
à leurs prédications, ses bonnes oeuvres à leurs bonnes
oeuvres, mais énumère ses souffrances.»
Ainsi Bouche d'Or est
décidé à égaler Paul. Du moment que la sainteté
d'un homme ne se mesure pas à l'intensité mais au nombre
des souffrances endurées, il obtiendra, avec la grâce, de
devenir un saint. Jean est décidé à tout sacrifier,
et avec tout son enthousiasme il se jette dans le combat.
Dès lors, Bouche
d'Or ne vécut que pour réaliser son idéal. Il étudia
jour et nuit. Il approfondit l'enseignement de Jésus et chercha
à l'appliquer, à la lettre, à sa vie. Il réduisit
son sommeil, il réduisit sa nourriture. Il brisa tous les liens
avec le monde. Il savait toutefois que ces exercices n'étaient qu'un
commencement. Il avait conscience de l'insignifiance des réalisations.
Mais il avait aussi de la patience. Le monde d'Antioche commençait
à l'acclamer.
P.28 Tout Antioche
parlait de Bouche d'Or, de ce jeune homme qui surpassait en vertu tous
ses camarades. Bouche d'Or essaya de se défendre contre la gloire,
sachant que tout ce qu'il venait de réaliser jusqu'à cette
date n'était que le fruit de la grâce. Il clama avec force
qu'il ne méritait aucune attention. «Hier
encore j'étais un enfant qui était emporté dans le
tourbillon des sollicitudes profanes.»
Il dit ne mériter
aucune éloge «pour avoir un moment froncé
le sourcil, m'être drapé d'un manteau noir et couvert le front
d'un masque menteur de modestie.»
Bouche d'Or voulait
devenir réellement un saint. Il savait que la route était
longue. Ceux qui faisaient son éloge, le croyaient déjà
arrivé au but, se trompaient.
La vie vous offre toujours
autre chose que ce que vous désirez. Antioche offrait à Bouche
d'Or, la gloire. Il était, après Mélèce, le
plus célèbre des serviteurs de l'Église. Il était
célèbre en tant qu'orateur. Célèbre par sa
vertu.
Diodore: «Quand
je considère la douceur de ses paroles, j'appelle sa voix une lyre,
mais la force de ses pensées me la fait appeler une trompette guerrière,
telle que celle dont se servirent les Juifs pour renverser les murs de
Jéricho.»
En vérité,
lorsque Bouche d'Or parlait, l'auditoire pleurait, applaudissait, gesticulait
d'émotion, de plaisir.
P.29 La gloire fait
toujours plaisir. Elle est comme le champagne. Elle grise. Mais Bouche
d'Or ne voulait pas la gloire. Il voulait la sainteté. Il ne voulait
que cela, une sainteté authentique comme celle de Paul. Il refusa
les éloges de son maître Diodore avec l'élégance
et la courtoisie orientales: «La couronne de
louanges qu'on m'avait tressée était trop grande pour ma
tête... mon maître Diodore place sur ma tête la couronne
qui convient à la sienne et qu'il n'aspire plus à la reprendre,
permettez-moi de l'enlever à un front indigne de la porter, et d'en
armer de nouveau celui qui la mérite.»
Après ces paroles,
Bouche d'Or relut mot à mot les éloges que Diodore lui avait
adressés, les rendant au maître tel qu'il les avait reçus.
C'est une courtoisie quelque peu théâtrale. Cependant le public
en fut enthousiasmé!
Bouche d'Or était
devenu l'idole des auditeurs. Et parce qu'en Antioche sa gloire augmentait
de plus en plus, et qu'elle était un obstacle sur son chemin vers
la sainteté, il décida de quitter sa ville natale.
P.30 Le plan de Bouche
d'Or de devenir un saint n'était pas nouveau. Il n'était
pas le seul jeune homme d'Antioche à vouloir cela. Dans ce temps-là
à Antioche, c'était un fait divers que d'entendre dire le
matin qu'un commerçant, un magistrat, un officier, ou une dame de
la haute société avait tout quitté au cours de la
nuit, et était parti dans l'inconnu, dans le creux des montagnes
ou dans le désert de sable, afin de devenir un saint, ou une sainte.
Le monde était habitué à de semblables départs.
P.31 Cette fuite et
ce départ vers l'inconnu c'était le plus court chemin qui
menât à la sainteté. Du moins c'est ce que pensaient
les hommes de ce temps-là. Basile le Grand, le saint qui avait le
génie d'organisation d'un gouverneur romain déclare, lui
aussi, que la fuite hors du monde est l'unique chemin qui mène à
Dieu: «Je lus donc l'Évangile et je remarquai qu'il n'y avait
pas d'autre moyen plus propre d'arriver à la perfection que de vendre
son bien, d'en faire part à ceux de nos frères qui sont pauvres,
de se dégager de tous les soins de cette vie, de telle sorte que
l'âme ne se lassât pas troubler par aucune attache aux choses
présentes.»
Bouche d'Or avait projeté
d'oublier le passé, les affections, les intérêts, les
plaisirs; de faire le vide autour de lui, de garder l'esprit libre comme
une plaque de cire sur laquelle tout aurait été effacé.
Après la séparation du monde et après le départ
dans le désert, on pouvait réaliser des choses extraordinaires.
En premier lieu on
pouvait dépasser les conditions humaines. Au 4ème siècle
on racontait des choses sensationnelles sur les performances des solitaires.
La jeunesse surtout ne pouvait résister à cette tentation
de dépasser la condition humaine, de devenir saint, d'accomplir
des miracles. Bouche d'Or a écrit sur les ascètes et sur
leur vie avec une brûlante admiration: «Dans le désert
d'Égypte on voit des choeurs d'anges à forme humaine, des
peuples de martyrs, des communautés de vierges; le ciel avec le
choeur varié des astres brille moins que le désert d'Égypte
où foissonnent les cellules monastiques.»
P.32 «Se
réfugier dans un monastère, écrit Bouche d'Or, c'est
s'enfuir de la terre au ciel.»
Bouche d'Or était
au courant des extraordinaires réalisations des Pères du
désert. Tout le monde les connaissait. Les saints pouvaient tout.
Devenir saint signifiait réaliser l'impossible, avec l'aide de Dieu.
Un ascète nommé
Césarion, par exemple, avait réussi à vivre nu dans
la neige sans avoir froid. A quelques dizaines de kilomètres d'Antioche,
l'ascète Siméon le Stylite avait vécu 48 ans en haut
d'une colonne. Pour un parfait ascète, l'impossible était
monnaie courante. La nature humaine était dépassée.
Un véritable
ascète pouvait traverser le Nil, à califourchon sur un crocodile.
«On racontait que l'anachorète Hilarion arrivant un dimanche
dans une communauté des bords du Nil, s'était étonné
qu'on ne célébrât pas le service divin. C'est, lui
dit-on, que le prêtre qui le célèbre habituellement
réside de l'autre côté du fleuve et qu'on ne peut traverser
l'eau en ce moment à cause d'un crocodile qui infeste le passage.
Qu'à cela ne tienne, dit le solitaire, j'irai le chercher.
Il s'approcha du fleuve
et fit un geste de la main. On vit alors l'horrible animal lui-même
sortir de l'eau et venir présenter son dos au solitaire pour le
porter de l'autre côté du fleuve. Mais arrivé là,
jamais Hilarion ne put décider le prêtre qui était
pourtant un saint cénobite, à revenir avec lui par la même
voie.» - A. de Brogile. L'Église et l'Empire romain au 4ème
siècle.
On racontait partout,
dans ce temps-là, que les saints du désert pouvaient vivre
sans dormir; qu'ils pouvaient vivre sans manger, qu'ils ne sentaient ni
le froid ni la fatigue.
P.33 La vie d'anachorète
était selon la conception de Bouche d'Or, l'échelon le plus
élevé que pouvait gravir un homme. La gloire d'être
moine est incomparablement plus grande que celle d'être empereur.
«De
même qu'un spectateur, sur le haut du rocher surplombant la mer,
voit les navigateurs, ballottés comme des captifs dans la tempête
s'engloutir dans les flots ou se briser sur les écueils, ainsi l'homme
enrôlé au service du Christ, échappant aux vagues tourbillonnantes
de la vie, réside en sécurité sur les rochers.»
«Le
moine, près des fontaines, au sein du calme absolu et de la solitude
profonde, appartenant à Dieu avant toute chose, se sent une âme
ailée, légère, plus pure que l'air le plus limpide.
Les pauvres cabanes monastiques forment un camp beaucoup plus beau que
celui de l'empereur.
Leur
sommeil est beau, c'est un sommeil qui réside à la surface
juste assez pour reposer... Pas de ronfleurs ou de gens qui respirent bruyamment;
pas de dormeurs qui s'agitent et se découvrent, ou qui, plongés
dans un sommeil de plomb, ressemblent à des morts.»
On est assis, lorsqu'on
est moine, sur un lit d'herbe, comme le Christ quand il mangeait dans le
désert. La plupart des moines prennent leur repas, en plein air
avec «le ciel pour plafond, la lune pour lampe
et n'ont besoin ni d'huile ni de serviteurs et c'est pour eux seuls que
cette lune brille là-haut dans sa majesté.»
P.34 Bouche d'Or avait
terminé tous ses préparatifs. Il était sur le point
de quitter le monde et de s'élancer dans la grande aventure. Une
chose entrava au dernier moment la réalisation du projet de devenir
saint, le fait qu'Anthuse, la mère de Bouche d'Or, se mit à
pleurer et à supplier son fils de rester près d'elle.
P.35 «Mon
projet était sur le point de s'accomplir, mais dès que ma
mère trop aimée eut le pressentiment de mon projet de départ,
elle m'aborda, me prit par la main et me conduisit dans sa chambre particulière.
Puis elle s'assit auprès de moi sur la couche même où
j'avais reçu le jour et là, fondant en larmes, elle ajouta
à ses sanglots qui me déchirèrent le coeur, des paroles
encore plus attendrissantes.»
«Attends mon
départ de ce monde. Peut-être aura-t-il lieu bientôt.
A mon âge on n'attend plus rien que la mort. Quand tu m'auras mise
en terre et que tu auras réuni, une fois encore, mon corps à
celui de ton père, pars aussi loin que tu voudras, embarque-toi
pour le plus lointain voyage, lance-toi sur la mer de ton choix: personne
ne te retiendra. Mais tant que ta mère respire encore, souffre,
ne refuse pas de rester avec elle et n'offense pas Dieu, peut-être,
en plongeant inutilement et sans raison dans tant de maux une mère
qui ne t'a fait aucun mal... si tu peux dire que je veux t'embarrasser
des soucis de la vie... foule aux pieds les lois de la nature ou de la
simple décence, ne tiens compte de rien et fuis-moi comme un ennemi
qui te tend des embûches.»
Ce
fait qui se rencontre tous les jours - une mère qui pleure pour
son fils - fut le fait crucial dans le vie de Bouche d'Or. Ce fait allait
décider, irrévocablement, si Bouche d'Or devait devenir ou
non un saint. Pour atteindre la pureté chrétienne,
il faut se retirer hors du monde. Cette retraite est le plus court chemin
vers la sainteté, c'est certain. Note 8
P.36 Mais celui qui
foule aux pieds un être humain en se retirant du monde barre à
tout jamais la route de la sainteté.
Si vous écrasez
l'homme vous pouvez devenir réformateur social, grand chef militaire,
guide des peuples, explorateur, inventeur. Nul ne peut devenir saint en
piétinant des hommes. Ne serait-ce qu'un seul homme.
Le premier pas vers
la sainteté est l'amour des hommes. Celui qui n'aime pas chaque
créature humaine intégralement ne peut même pas atteindre
le premier degré de la vertu chrétienne.
Le chemin de la sainteté
est interdit à tous ceux qui ne se plient pas à cette loi
d'amour.
Bouche d'Or savait,
(il le dit lui-même plus tard) qu'une âme a une valeur égale
ou même plus grande que celle d'innombrables villes et empires. En
broyant le coeur d'Anthuse, Bouche d'Or n'aurait jamais figuré dans
le calendrier. Il prit la première grande décision qui devait
le conduire vers Dieu. Il resta près de sa
mère.
P.37 L'ascèse,
la solitude, la prière, le jeûne, rien ne pouvait égaler
le geste d'amour envers la femme aux cheveux gris qui pleurait et le suppliait
de ne pas partir.
Ce fut certainement
le premier pas de Bouche d'Or vers la sainteté. Mais le chemin de
la sainteté est plus long que le chemin vers les étoiles.
Jean n'est pas parti dans le désert. Mais s'il n'est pas allé
dans le désert, il amena le désert sous le toit maternel.
Il l'amena réellement. Anthuse lui avait demandé une seule
chose: ne pas partir tant qu'il serait en vie. Il obéit. Il resta
à la maison. Mais à dater de ce jour, il mena dans la maison
d'Anthuse la même vie que celle qu'il aurait menée dans le
désert.
Il jeta le lit hors
de sa chambre. Il jeta les meubles. Il renonça à être
servi par les domestiques de sa mère. Il préparait seul tout
ce dont il avait de besoin, à la manière des anachorètes
au coeur du désert. Il réduisit le sommeil le plus possible.
Bouche d'Or ne voyait personne. Il ne sortait pas, et ne recevait pas.
Il préparait sa nourriture - des légumes bouillis - une fois
par jour. Son temps était consacré à l'étude
et à la prière. Il chercha - ainsi que le font les solitaires
du désert - à dominer ses passions, ses instincts. Il vivait
dans une solitude absolue. Il ne voyait que le plafond et les murs de sa
chambre.
P.38
«Sans
doute mes passions ne sont pas éteintes, mais il m'est plus facile
de les combattre... De même que les bêtes féroces bien
nourries et bondissantes terrassent facilement ceux qui les attaquent,
surtout s'ils ne sont ni forts ni habiles, mais si on les exténue
par la faim, leur fureur s'assoupit et leurs forces s'éteignent
en grande partie: ainsi celui qui affaiblit les passions de l'âme,
les soumet au joug de la raison... Enfermés dans ma solitude, j'ai
des efforts à faire pour les dompter. Cependant, par la grâce
de Dieu, je les dompte et je n'entends plus que leurs lointains hurlements.
Voilà pourquoi je garde ma cellule et la tiens close à tout
visiteur». Note 9
Antioche voulut le
tirer de sa solitude et le faire évêque. P.39 Bouche d'Or
chercha à s'esquiver. Le futur saint croyait en la valeur sublime
du sacerdoce mais ne croyait pas avoir atteint une perfection qui le rende
digne de revêtir l'habit sacerdotal. Les Antiochiens n'admirent pas
cet argument. Bouche d'Or en chercha d'autres. Il répondit qu'il
était trop jeune et que les Antiochiens devaient choisir un évêque
qui soit un homme âgé.
«On
exclut de l'élection des hommes dont l'âge et la vertu commandent
le respect et voici que des enfants qui, hier encore, étaient emportés
dans le tourbillon des sollicitudes profanes, pour avoir un moment froncé
le sourcil, s'être drapé d'un manteau noir et couvert le front
d'un masque menteur de modestie, se voient tout à coup élevés
par les pères à cette dignité sublime... Ainsi des
hommes qui, depuis leur enfance, ont consommé toute leur existence
jusqu'à l'âge le plus avancé dans la pratique des choses
saintes, se voient toujours soumis au devoir rigoureux de l'obéissance,
tandis que l'autorité qui commande
est
aux mains de leurs enfants qui ne connaissent pas même l'existence
des lois sacrées par lesquelles sont régies les obligations
du sacerdoce.»
Par ce refus de devenir
évêque, Bouche d'Or fit le second pas vers la sainteté.
Le premier pas avait été l'amour, le deuxième fut
la gravité. La relation entre l'homme et Dieu est l'acte le plus
sérieux que puisse accomplir une créature humaine sur terre.
Comme tout acte sérieux, celui demande de la gravité. P.40
Le sacerdoce implique la profondeur, la maturité, la solennité.
Il ne voulait pas devenir
évêque pour faire plaisir à ses concitoyens, Il voulait
devenir d'abord un vrai athlète du Christ. Il devait avoir, d'abord,
l'immense courage de ne pas être d'accord avec ses concitoyens lorsqu'il
s'agissait de foi et de Dieu. Bouche d'Or avait lu Paul qui avait dit:
«Si
je cherchais à plaire aux hommes je ne serais plus serviteur du
Christ.» Ga.1:10
Telle devait être
la devise de Bouche d'Or pendant toute sa vie sur terre: Ne pas sacrifier
Dieu pour faire plaisir aux hommes.
P.41 Il ne voulait
pas faire plaisir aux amis. Il ne voulait être que serviteur et athlète
du Christ. Avec cette décision courageuse, il quitta Antioche qu'il
vénérait. Cette fois, Bouche d'Or part pour le désert.
C'était en 375. Il semble que sa mère n'était plus
de ce monde. Il pouvait maintenant poursuivre sa route vers la perfection.
Et cette route passait par le désert, par l'ascèse, par toutes
les terribles expériences qu'un homme doit subir afin de s'élever
au-dessus de sa condition humaine et pour s'approcher de Dieu.
Chapitre 3
P.42
De tous les biens amassés par le général Secundus
et administrés avec tant d'adresse par Anthuse, Bouche d'Or ne garda
rien. Il se retira d'abord dans un couvent. Sa seule richesse était
«une robe, une coule, et une natte pour se coucher.» Son renoncement
à tous les biens terrestres était, pour lui, des plus insignifiants.
Bouche d'Or n'avait d'ailleurs jamais eu le désir de posséder
des biens. Maintenant tout avait été distribué aux
pauvres. Il se consacrait uniquement à Dieu. Note
10
En entrant au couvent
il renonçait aussi à la chair et au sang, c'est-à-dire
à tous ses liens avec le monde. Ses seuls frères étaient
les autres moines. C'était tout. Il devait renoncer aussi «à
soi-même» et c'était la chose la plus difficile. Le
moine devait obéir à son supérieur. Bouche d'Or accomplit
ce renoncement comme s'il avait renoncé à ses propres yeux
et à ses sens. Son idéal était de détourner
ses regards des choses extérieures les plus proches et de n'avoir
de regards que pour Dieu et l'éternité.
Jamais un moine ne
devait remarquer qu'un de ses trois objets qu'il possédait - la
robe, la coule et la natte - avait été déchiré,
perdu ou volé (les règlements de saint Macaire).
Si un moine disait
qu'il n'avait plus de natte pour dormir, cela signifiait qu'il se préoccupait
encore des choses extérieures. P.43 Ces choses étaient du
ressort de l'économe du couvent. Seul l'économe devait remarquer
si l'un des frères était sans habit. Même les images
du passé devait être toutes effacées de la mémoire.
Le sommeil ne durait que quelques heures, Le réveil avait lieu immédiatement
après minuit. «Ce qu'est le point du jour pour les autres,
minuit l'est pour les serviteurs de Dieu.» - Saint Basile le Grand.
Le futur athlète
du Christ n'avait jamais la permission de sortir seul. Il ne devait pas
davantage regarder un visage de femme ni même un vêtement féminin.
Il n'avait pas le droit de dire qu'il n'avait pas commis une faute pour
laquelle on lui faisait une remontrance. Même si réellement
il ne l'avait pas commise, il devait
toujours en demander
pardon avec une humilité sincère. Le travail physique était
obligatoire. mais ce travail physique était interrompu au moins
6 fois par jour par des prières en commun, afin que l'atmosphère
intérieure ne souffrît point d'interruption.
L'étude des
Écritures avait lieu en permanence. Le détachement du monde
matériel, de son propre corps, était poussé à
un tel point que le moine ne devait jamais regarder son corps, lorsqu'il
prenait son bain, car même son propre corps faisait partie du monde
extérieur, «des choses visibles», éphémères,
auxquelles il devait renoncer.
Pendant 4 ans Bouche
d'Or vécut détaché complètement du monde et
détaché de sa propre personne.
P.44 Mais après
4 ans, Bouche d'Or qui avait atteint un nouveau degré dans la voie
du détachement de soi, chercha plus loin la perfection. Il quitta
le couvent et se retira seul, dans une caverne.
Palladius, son biographe,
écrit: «Affamé d'obscurité, il se retira seul
dans une caverne; il y resta 3 fois 8 mois en se privant de sommeil presque
sans répit en étudiant à fond le testament du Christ.
Pendant ces 2 années il ne se coucha ni le jour ni la nuit.»
C'est un effort terrible
que seuls les athlètes longuement entraînés peuvent
fournir. Le chemin pour la conquête de la sainteté par la
solitude, le jeûne, la prière et la vertu dura 2 ans. Après
ces 2 ans, Bouche d'Or revint dans le monde. Il revint mais complètement
transformé.
Palladius écrit
que le saint avait quitté sa caverne et était revenu dans
le monde, parce qu'il avait eu les jambes paralysées. Ce fut l'oeuvre
de la Providence divine qui par le moyen d'un mal physique le rendit impropre
aux labeurs de l'ascèse et l'arracha à sa caverne pour le
bien de l'Église.
P.45 Il avait atteint
dans le désert un degré sublime de perfection. Mais il restait
encore un long chemin entre cette perfection individuelle et la sainteté.
Et ce chemin il devait le faire dans le monde, non dans le désert.
Bouche d'Or revint
à Antioche, paralysé, l'estomac complètement démoli
par les jeûnes. Il donnait l'impression de n'avoir plus ni chair
ni sang. «Un corps décharné dont les os tenaient à
peine les uns aux autres.» - St. Jérôme. Il revint du
désert avec une indépendance et un détachement absolu
à
l'égard des choses visibles et avec un amour infini pour Dieu et
pour ses frères les hommes. Toute la vie que Bouche d'Or devait
vivre encore sur la terre devait être marquée par les vertus
acquises pendant les 6 ans dans le désert. C'étaient des
vertus sublimes, mais insuffisantes, Bouche d'Or le dit textuellement:
«Ne
me parlez plus des montagnes escarpées, des vallons tapissés
de taillis, des précipices, des solitudes inaccessibles. Toutes
ces choses qui seules ne suffisent pas à dissiper l'inquiétude
de l'âme. P.46
Pour cela il faut cette flamme que le Christ alluma dans le coeur de Paul.»
C'était une
dimension nouvelle puisée dans l'enseignement du Christ. L'ascèse
et la vertu du saint sont vaines, si elles ne sont pas mises au service
des hommes. C'était la nouvelle conception de Bouche d'Or, une conception
qu'aujourd'hui on nommerait sociale.
«Ce
qui caractérise l'amant du Christ, c'est qu'il s'occupe du salut
de ses frères.»
«Que
tous les moines qui se sont retirés sur les sommets des montagnes
pour se crucifier de mille manières écoutent ces paroles.
Qu'ils aident dans le mesure de leurs forces ceux qui sont à la
tête des églises, qu'ils les encouragent par leurs prières,
leur sympathie, leur affection. Qu'ils sachent bien que si malgré
l'éloignement ils ne soutiennent pas ceux que la grâce divine
a jetés dans le péril et soumis à tant de tracas,
leur vie reste tronquée et leur sagesse mutilée.»
Ces dernières
paroles sont terribles dans la bouche d'un saint. Il mettait en garde ces
hommes qui avaient tout sacrifié pour Dieu contre une vie ratée
et une sagesse mutilée. Venant d'un homme qui avait vécu
toutes les mortifications dans le désert pour obtenir la sainteté,
cette accusation était d'une gravité extrême. Mais
Bouche d'Or avait découvert la dimension ecclésiale du Christianisme.
Il avait acquis la suprême vertu personnelle. Devant lui s'ouvrait
un autre horizon, une nouvelle voie, Il s'y engagea.
Voici donc Bouche d'Or
revenu dans son Antioche natale. Ce qui se passe dans l'empire où
il vit ne l'intéresse pas. P.47 Comment aurait-il pu savoir ce qui
se passe dans le monde, lui qui ne regardait jamais autour de lui, même
pas son propre corps. C'était un coeur pur et il semble que la pureté
du coeur c'est d'avoir une seule idée (Soren Kierkegaard).
Son premier idéal
avait été d'obtenir la vertu personnelle et rien de plus.
Il l'avait obtenue. Cette fois il voulait sauver les hommes en les ramenant
à la vraie et juste foi. «Il est préférable
d'être moins vertueux et de convertir les autres, au lieu de résider
sur les montagnes et de voir ses frères qui se damnent.»
P.48 Saint Basile le
Grand écrit dans les «règles monastiques»: «Nul
ne peut se suffire à lui-même, même pour les besoins
du corps et nous avons tous besoin les une des autres pour les nécessités
de la vie. Dieu qui nous a créés a voulu que nous eussions
besoin les une des autres, afin que nous restions mutuellement attachés.
De plus la charité du Christ ne permet pas qu'un homme ne pense
qu'à lui-même. Or, celui qui vit entièrement seul,
n'a d'autre fin que son propre salut, ce qui est évidemment contraire
à cette foi de charité que suivaient les apôtres lorsqu'ils
cherchaient à s'accommoder à tous afin de sauver un plus
grand nombre...
Enfin, dans une retraite
de ce genre, le solitaire ne reconnaîtra pas facilement ses défauts,
n'ayant personne pour l'en avertir et lui faire une correction fraternelle.
La réprimande, en effet, même venant d'un ennemi, fait naître
chez l'homme généreux le désir de s'amender et un
ami sincère reprend hardiment les fautes qu'il voit chez son ami.
Or, dans la solitude absolue, on n'a pas un tel ami... C'est pourquoi il
est dit: Malheur à celui qui vit seul car s'il tombe il n'a personne
pour le relever. D'autres inconvénients se rencontrent encore dans
la vie solitaire, et le plus grand c'est que celui qui est seul, se complaît
en lui-même. Personne n'étant présent pour juger de
l'oeuvre qui s'accomplit en lui, il se croit arrivé à la
perfection de tous les préceptes. P.49 Ne trouvant par ailleurs
à quoi exercer sa vertu, puisqu'il a éloigné de lui
la matière et l'occasion de tous les commandements de Dieu, il ne
connaît ni ce qui lui manque encore ni les progrès qu'il a
faits. Comment fera-t-il voir son humilité, celui qui ne trouve
personne devant qui s'humilier? et quelle occasion aura d'être compatissant
celui qui ne voit personne qui souffre? Comment s'exercera-t-il à
la patience quand personne ne résiste à sa volonté?
Quand le Seigneur a voulu donner le modèle de la perfection, de
l'amour et de l'humilité, il a ceint ses reins et lavé les
pieds de ses
disciples. Mais vous,
solitaire, de qui laverez-vous les pieds et de qui vous ferez-vous serviteur?
Comment feriez-vous pour être le dernier si vous êtes seul?
La vie commune est
la véritable arène de la perfection, la véritable
voie du progrès, le véritable exercice de la vertu, la véritable
pratique de la loi du Seigneur.»
Les solitaires, ces
éléments utiles, devaient être récupérés
dans leur caverne et mis au service de la collectivité parce que,
selon les paroles de saint Basile, il n'y a de progrès que dans
la collectivité, dans l'Église.
Les réfractaires
devaient être convaincus par des moyens indirects. Le saint poète
Ephrem, le doyen des solitaires de la Haute Asie, dont le génie
impétueux n'avait pu s'assujettir à aucune règle,
fut lui aussi récupéré par la vie collective. Ephrem
a été vaincu par la propagande pendant son sommeil. Il raconta
lui-même qu'un jour en passant dans une ville de Cappadoce (dont
avec son dédain pour les choses profanes, il ne savait pas même
le nom) P.48 il entendit une voix qui disait: «Ephrem, lève-toi,
et viens manger des idées.» «Et où trouverai-je,
Seigneur, cette nourriture?» demanda-t-il. «Dans ma maison,
répondit la voix. Tu y trouveras un vase royal plein de la nourriture
qui te convient.»
Ephrem se rendit à
l'église. Il savait que l'église était la maison du
Seigneur. Là il trouva un prêtre qui lui tint un discours
convaincant sur la rentrée dans la vie commune. Il le fit sortir
de son individualisme et le convertit à la doctrine sociale du Christianisme.
D'innombrables solitaires furent, comme Ephrem, tirés de leurs cavernes
du désert ou des sommets des montagnes. Ils furent réintégrés
dans la collectivité monastique qui à son tour s'intégrait
dans la collectivité ecclésiale. A cette époque Bouche
d'Or quitte, lui aussi, sa caverne.
Il
est certain que le zèle apostolique de saint Paul a dû être
le motif principal. Bouche d'Or voulait imiter l'activité missionnaire
de Paul. Ce doit être certainement son immense amour pour le Christ
et le salut des hommes par le baptême. Note 11
Engagé dans
cette nouvelle voie, Bouche d'Or se consacra à la société
chrétienne, dès 381. Il devint diacre. P.51 Sa mission est
l'aide aux pauvres. En 386 l'évêque d'Antioche Flavien, le
successeur de Mélèce, l'ordonna prêtre.
Chapitre 4
P.53
Le jour où Bouche d'Or fut ordonné prêtre, tout Antioche
vint à l'église. Pour les Antiochiens il n'était pas
seulement le fils d'Anthuse. Il était maintenant un athlète
chevronné du Christ, qui avait mené des combats terribles.
Les marques de ces combats étaient visibles sur tout son être.
Bien qu'âgé seulement de 40 ans il avait presque blanchi.
Il avait perdu ses cheveux. Son corps était petit et décharné.
Vêtu de l'unique vêtement qu'il possédait, il ne devait
pas peser plus de 40 kilos. Il avait réalisé les paroles
de l'apôtre: «Faites mourir vos membres,
les membres de l'homme terrestre.» Il avait fait mourir son
corps. Il était recommandé: «Attachez-vous
aux choses d'en haut, et non à celles de la terre.» Note
12
Pour Bouche d'Or le
ciel seul existait.
P.54 Paul et Bouche
d'Or soutiennent que Jésus a porté la croix, pour la rédemption
des hommes. Si les hommes n'acceptent pas le salut, le sacrifice du Christ
est inefficace.
De façon concrète
il veut convertir au christianisme tout Antioche, jusqu'au dernier homme
et amener chaque chrétien à vivre exactement comme l'avait
demandé Jésus. Telle était son ambition. Il savait
qu'il était petit et en ruines. Lui-même disait que l'abeille,
un des plus petits insectes volants, fait le miel qui est la chose la plus
douce du monde. La foule devine la témérité du prêtre.
La foule sait qu'elle va assister à des combats comme il n'en a
jamais existé en Antioche. Aussi personne ne manque-t-il dans l'église
le jour de l'ordination. Même les païens sont là! Pour
son premier sermon Bouche d'Or est ému. «Je
vois là, maintenant, cette grande ville, ce peuple si nombreux,
cette étonnante multitude qui dirige ses avides regards vers ma
petitesse, comme si quelque chose de remarquable devait sortir de ma bouche».
P.55 Jean savait aussi
- intuitivement - quelle était l'arme avec laquelle il combattrait
et par laquelle il périrait: la parole. Le jour où il fut
ordonné, dans le discours qu'il prononça en tant que prêtre,
il apporta en offrande au Seigneur des paroles. C'est avec la parole qu'il
allait combattre et c'est à cause des paroles sorties de sa bouche
d'or qu'il devait mourir.
«Je
me suis proposé en ouvrant pour la première fois la bouche
dans une église, de consacrer à Dieu les prémices
de ma parole, de ce don qui nous vient de Dieu.» Il dit que
de toutes les offrandes, Dieu aime le plus l'offrande de la parole. Le
prophète Osée s'adressant à des pécheurs qui
voulaient apaiser la colère de Dieu, leur recommanda de donner pour
offrande, non des troupeaux entiers de boeufs, ni d'abondantes mesures
de froment, ni tourterelles, ni colombes, ni rien de semblable enfin, et
quoi donc? Que dit-il? Portez des paroles de louanges.
Il dit aux fidèles,
je veux que vous deveniez parfaits. Il n'existe pour l'homme, sur la terre,
qu'un seul danger: le péché. Il cherche donc à sauver
les hommes du péril du péché.
La foule d'Antioche
est enthousiasmée par les homélies de Bouche d'Or. La foule
applaudit, crie, pleure, agite les mouchoirs... «Je
n'ai pas entrepris ma tâche pour le plaisir de parler et de savourer
les applaudissements enthousiastes, mais pour ramener les égarés
sur le chemin de la vérité». P.56 La foule l'écoutait
comme un joueur de flûte. La foule le vénérait, savourait
chaque phrase, chaque parole. Pour ce qui est des péchés:
l'ivrognerie, le mensonge, le vol, la coquetterie, l'orgueil et tant d'autres,
les Antiochiens remettent l'exécution de ces recommandations à
plus tard.
«Le christianisme,
dit Kierkegaard, est comme une cure radicale pour un malade. Le malade
est convaincu de l'efficacité de cette cure mais aussi longtemps
qu'il peut bouger, qu'il peut continuer sa vie, il retarde le geste héroïque
de commencer cette cure, il le remet au lendemain».
Les Antiochiens écoutaient,
dans le délire, les sermons de Bouche d'Or et étaient tous
décidés de mettre en pratique ses conseils, mais non pas
immédiatement, plus tard. Pour l'instant ils continuaient leur vie
avec leurs petits péchés, décidés à
s'en défaire un jour lointain. Plus tard. Bouche d'Or arriva, de
nombreuses fois, à l'exaspération, en voyant cette foule
qui écoutaient ses sermons, debout, des heures entières,
mais qui ne suivait pas ses conseils.
Bouche d'Or ne s'intéressait
pas à l'atmosphère politique dans laquelle il vivait. Un
saint est au-dessus de l'histoire. P.57 L'Église et les saints ont,
avec les réalités politiques, les mêmes relations que
l'huile avec l'eau: Ils sont dans le même vase mais l'huile reste
au-dessus et l'eau au fond, et ne se mélangent point. L'Église
et la politique ne se mélangent pas, bien que vivant dans le même
espace et à la même époque, contemporaines l'une de
l'autre. Leurs natures sont trop différentes. Elles s'ignorent.
De temps en temps surgissent des événements qui troublent
les éléments, qui les mélangent, pour un temps, on
ne peut plus savoir lequel est l'eau, lequel est l'huile. C'est un mélange
trouble. L'autorité éternelle est mélangée
à l'autorité temporelle. Les saints tombent dans le camp
des soldats, et les soldats dans le monde des saints; nulle plaque indicatrice
ne dit plus où est l'Église et où est la politique.
Tout est mêlé.
Un orage semblable
survint à Antioche en 387, le 26 février. Des affiches officielles
annonçant une augmentation des impôts firent leur apparition
à Antioche. Il est certain que l'impôt n'intéressait
pas Bouche d'Or. Il disait: «Rendez à César ce qui
appartient à César», maintenant il était obligé
de s'occuper aussi des impôts. Le problème n'était
pas simple.
En ce temps-là,
Théodose régnait sur l'empire romain. L'histoire en garde
un fort bon souvenir et l'appelle Théodose le Grand. Il semble qu'il
venait d'avoir 50 ans et préparait pour cet événement
des festivités grandioses. Des festivités qui coûtaient
de l'argent. Il fêtait aussi le 10ème anniversaire de son
avènement. Tout tombait en même temps. A cette occasion Théodose
avait promis à chaque soldat de l'armée impériale
un cadeau: cinq pièces d'or.
P.58 Cette générosité
envers les soldats, qui étaient en majeure partie des barbares,
était absolument nécessaire, parce que les soldats s'étaient
révoltés en divers endroits de l'empire.
Théodose, bien
que l'histoire l'ait appelé «le grand», procéda
comme tous les petits empereurs qui ont besoin d'argent: il créa
un nouvel impôt. Cette nouvelle qui arriva à Antioche provoqua
une panique plus grande que l'annonce d'une invasion de sauterelles ou
l'apparition d'une épidémie de choléra.
La population sortit
dans les rues, désolée, les femmes pleuraient, les hommes
se lamentaient. Une partie de la population partait déjà,
afin de ne pas se faire appréhender par les agents du fisc. D'autres
songeaient à se suicider, considérant le suicide préférable
à un nouvel impôt. Mais la plupart des Antiochiens cherchaient
une solution. Ils cherchaient quelqu'un qui voulût aller trouver
l'empereur et l'implorer de les exempter de cette terrible calamité
qu'était cet impôt nouveau.
Les Antiochiens n'aimaient
pas plus l'argent que les citoyens de notre temps. Il aurait donc
été normal qu'ils se répandent en invectives à
l'égard de l'administration de l'empire et qu'ils payent la nouvelle
taxe. Comme cela se fait de nos jours.
Mais dans ces temps-là,
le paiement d'un impôt signifiait des tortures, des morts, des blessés,
des enfants devenus orphelins, des femmes devenues veuves, des hommes invalides.
Un écrivain
de l'époque, Firmianus Lactantius, écrivit qu'à «la
perception
des impôts on mesurait les champs par mottes de terre, on comptait
les pieds de vigne, on inscrivait les bêtes, on enregistrait les
hommes. P.59 On n'entendait que des coups de fouet, des cris de torture.
L'esclave fidèle était torturé contre son maître,
la femme contre son mari, le fils contre son père. Fautes d'autres
témoignages on les torturait contre eux-mêmes. Et quand ils
cédaient, vaincus par la douleur, on inscrivait ce qu'ils n'avaient
pas dit... A peine se rapportait-on à ces premiers agents; ou on
en envoyait d'autres pour trouver davantage et les charges doublaient toujours,
ceux-ci ne trouvant rien, mais ajoutant au hasard, pour ne
point paraître
inutiles.»
En face d'une nouvelle
taxe, la panique et l'épouvante
P.64 Pendant que les
Antiochiens brisaient les statues impériales, Bouche d'Or préparait
son sermon pour le lendemain. Il n'écrivait jamais ses sermons,
mais il les préparait toujours à fond, étudiant son
sujet, méditant. Lorsque le préfet Tisamène ordonna
le massacre, Bouche d'Or laissa son discours de côté. Il ne
s'agissait plus de sermon pour le lendemain. Il parlait dans toutes les
églises d'Antioche, à tour de rôle, non seulement pour
les fêtes, mais presque chaque jour, afin que le plus grand nombre
de citoyens pût l'entendre.
Bouche d'Or avait dit
dans un sermon: «Bien que les hommes meurent
régulièrement depuis leur apparition sur la terre, l'incertitude
du moment de la mort et la laideur de la mort, font que les hommes ne s'y
habituent jamais. Chaque fois qu'un homme meurt, l'événement
est si grave qu'il semble être la première mort qui arrive.»
P.68 Bouche d'Or avait,
lui aussi, les yeux pleins de larmes. C'était un saint et un saint
souffre avec chaque homme. Pendant son discours le saint pleurait. Il s'adressa
aux hommes et les implora: «Donnez-moi votre
âme... Tâchons de la remettre entre les mains de Dieu... Dieu
prend plus soin de notre salut que nous-mêmes, car il est notre créateur.»
P.69
«Ce n'est pas seulement la parole des saints, c'est leur visage qui
resplendit d'une grâce spirituelle».
P.71 Les paroles prononcées
par Bouche d'Or en ces jours où le préfet Tisamène
noyait la ville dans le sang étaient les seules paroles d'espoir
adressées aux malheureux hommes d'Antioche condamnés à
mort en masse pour avoir brisé quelques statues. Bouche d'Or donnait
aux Antiochiens l'espérance.
Tous les citoyens se
serrèrent autour de lui. Tous les hommes d'Antioche devinrent chrétiens.
Et tous les chrétiens se surpassèrent en vertu. «Toute
la cité paraît être devenue une église. Antioche
ressemble à une dame noble.» dit Bouche d'Or. Les hommes
ne buvaient plus, ne juraient plus, ne mentaient plus. Bouche d'Or avait
demandé aux Antiochiens de pratiquer une des plus difficiles vertus:
aimer leurs ennemis. «Je le dis, je le proclame,
je le publie à haute voix: qu'aucun de ceux qui ont des ennemis
ne s'avance vers la Table Sainte et ne reçoive le corps du Seigneur,
qu'aucun de ceux qui s'en approchent ne conserve en son coeur des sentiments
d'inimitié. Haïssez-vous votre ennemi? N'avancez pas.»
P.72 Cet état
de haute et pure atmosphère chrétienne ne dura pas longtemps.
Le 15 mars 287 les fidèles d'Antioche abandonnèrent Bouche
d'Or. Tous. En foule. Il resta subitement seul. Rien que lui, le saint,
les yeux tournés vers Jésus. Tous ses fidèles lui
tournèrent le dos. Ils tournèrent le dos à l'Église.
Ils tournèrent le dos à Jésus. Tous jusqu'au dernier.
Et le saint se trouva brusquement plus seul que lorsqu'il était
dans la caverne.
P.74 Tisamène
était païen, il vint à l'église et monta dans
la chaire d'où Bouche d'Or prêchait. Il donna sa parole d'honneur
que les deux magistrats ne venaient pas pour démolir la ville mais
seulement pour effectuer une enquête. Les citoyens respirèrent,
soulagés. Les citoyens d'Antioche regardaient Tisamène là,
dans l'église, comme le bon Dieu: avec reconnaissance et vénération.
En regardant Tisamène, le préfet dans la chaire, comme s'ils
regardaient Dieu, les fidèles d'Antioche oublièrent Jésus.
P.75 Ils oublièrent l'église. Ils oublièrent Bouche
d'Or. Pour eux une seule chose comptait: ils ne seraient pas tués
ce jour-là.
Lorsqu'il vit tous
les fidèles le dos tourné à l'autel et toute leur
espérance tournée vers le préfet païen, Bouche
d'Or se mit à pleurer... Il pleura parce que les âmes des
Antiochiens s'offraient à n'importe qui, pourvu qu'ils soient sauvés
de la mort. Les Antiochiens étaient sur le point de se perdre. Pour
Bouche d'Or l'âme d'un homme perdu pour la juste foi était
la plus grande perte qui puisse exister dans l'univers. «Je
pleure la perte d'une âme, dont le prix égale bien celui des
nations ou plutôt le surpasse.»
Les citoyens d'Antioche
qui étaient chrétiens, au lieu d'enseigner aux païens
de ne pas craindre la mort ni la douleur, recevaient des conseils des païens.
«Ce
n'est pas à vous de recevoir de pareilles leçons. C'était
plutôt à vous de servir de maîtres.»
P.76
«Ne me montrez pas l'athlète au milieu de la palestre, montrez-le
moi au plus fort de la lutte. Ne me parlez pas de la piété
qui consiste à écouter, parlez-moi de celle qui se manifeste
dans l'action. Au lieu de vous occuper du messager, il fallait fléchir
le genou, invoquer le Seigneur, gémir ardemment et le Seigneur aurait
écarté le danger.» Au cas où le Seigneur
aurait voulu que les Antiochiens fussent massacrés ils devaient
se laisser faire. Ils devaient se laisser massacrer, le sourire aux lèvres,
et convaincus d'accomplir la volonté de Dieu. P.77 Ils devaient
se laisser massacrer avec grandeur - avec une telle grandeur - que les
soldats et les bourreaux fussent éblouis par cette grandeur des
chrétiens. «Telle est l'âme des
saints. Les saints, lorsqu'un danger les menace, n'examinent point comment
ils pourront en être délivrés, mais ils consacrent
tous leurs efforts à gagner à la cause de la vérité
leurs persécuteurs.»
P.78 Bouche d'Or savait
que cette chose pouvait être réalisée. C'était
dans le pouvoir de l'homme. Ce fait avait été accompli par
saint Paul Ac.26:25.
Amené devant
ses juges Paul fut si digne, si fort dans sa foi, et si grand dans l'endurance
de son supplice que les juges furent stupéfaits par l'attitude du
saint. Bouche d'Or dit aux Antiochiens: «Voyez
ce qui se passe entre Paul et son juge. Paul vient pour se défendre
lui-même. Lorsqu'il se retire le juge est gagné à sa
cause. C'est le juge lui-même qui l'affirme par ces paroles: Peu
s'en faut que tu ne me persuades de me faire chrétien.»
P.79 Bouche d'Or envoya
des émissaires dans le désert où vivaient les anachorètes.
P.83 Un beau jour les
saints firent leur apparition dans les rues d'Antioche. Comme s'ils étaient
tombés du ciel. Ils n'avaient rien d'humain dans leur aspect. Les
uns étaient presque dépourvus de vêtements: ce n'était
que squelettes recouverts de peau brûlée par le soleil.
P.84 Bouche d'Or écrit:
«Eux
qui depuis tant d'années étaient renfermés dans leurs
cavernes... abandonnèrent leurs rochers, leurs cellules et accoururent
ici de toutes parts, semblables à des anges descendus du ciel»
P.85 Bouche d'Or écrit
que les ascètes «étaient comme
des vaillants guerriers qui avant même de rejoindre leurs adversaires
les forcèrent à fuir par leur simple aspect et le son de
leur voix!»
Bouche d'Or écrit
qu'un saint combat, nu, afin que l'adversaire n'ait pas de prise ni rien
à prendre. Le saint est en même temps armé jusqu'aux
dents, comme un guerrier, comme un lion, mais avec des armes spirituelles.
L'un d'eux s'appelait
Macedonius. Il était connu sous le nom de Macedonius le Crithophage,
c'est-à-dire le mangeur d'orge.
Arrivé sur place
il rencontra Hellebicus et Cæsarius qui chevauchaient, accompagnés
d'une escorte puissante, vers le tribunal. Le saint leur barra la route
et leur ordonna de descendre de leurs chevaux. Macedonius donna cet ordre
aux envoyés de l'empereur avec une telle autorité, que ceux-ci
oublièrent qu'ils étaient les maîtres de la cité
et mirent pied à terre, au commandement du saint en haillons.
P.86 Les gardes étaient
ahuris de voir les légats impériaux exécutaient l'ordre
d'un mendiant. Les gardes n'osèrent pas refouler Macedonius.
Après que Hellebicus
et Cæsarius eurent mis pied à terre, Macedonius leur ordonna
de partir pour Constantinople le jour même et de faire savoir à
l'empereur Théodose que tout empereur qu'il était, il n'avait
pas le droit de tuer même un seul homme. Il est vrai que les Antiochiens
avaient brisé quelques statues, dit Macedonius. Ce n'était
pas beau de briser des statues. Mais entre-temps les Antiochiens en avaient
élevé d'autres bien plus belles que celles qui avaient été
détruites. Si l'empereur tuait un homme innocent, il ne pouvait
pas, lui, l'empereur, en construire un autre. L'empereur ne pouvait même
pas fabriquer un cheveu d'homme vivant. Et conclut Macedonius, du moment
que l'empereur n'est pas capable de construire un homme vivant, il n'a
pas davantage le droit de le tuer. L'empereur doit remettre l'épée
au fourreau et ne plus toucher aux êtres humains. Chaque homme est
créé à l'image de Dieu. Chaque homme est une copie
de Dieu.
Macedonius dit ce qu'il
avait à dire et s'en alla. Les deux magistrats ne se fâchèrent
point. P.87 Les envoyés impériaux dirent à Macedonius,
par simple politesse, qu'ils transmettraient à l'empereur ses paroles,
qui étaient fort sages. Après quoi Hellebicus et Cæsarius
se remirent en selle et se rendirent au prétoire. Mais leur zèle
d'enquêteur était moins grand. Les paroles du saint qu'ils
avaient écoutées, au début avec le sourire, leur étaient
restées dans la mémoire. Il existe des vérités
qui obsèdent. Et les paroles du saint ne pouvaient pas s'effacer
de leur esprit.
Les ermites venus sauver
Antioche étaient nombreux. Ils parlaient aux policiers, aux magistrats
et aux accusés d'égal à égal et les appelaient
tous par leur nom.
Bouche d'Or écrit:
«En
les voyant, qui n'eût méprisé la mort?... qui n'eût
dédaigné la vie?... Ils ne craignaient pas d'aborder les
juges et d'intercéder en faveur des accusés en disant qu'ils
étaient disposés à verser leur sang et à sacrifier
leur tête pour arracher les prisonniers aux châtiments, prêts
à les frapper.»
P.88 L'Armée
ne pouvait les repousser, car ils ne craignaient ni les lances des soldats
ni leurs épées.
Ils s'offrirent
pour être exécutés à la place des condamnés
à mort. Ils forçaient les mains des bourreaux à libérer
les victimes et à les tuer eux. Entre-temps ils forcèrent
les juges à leur faire une promesse: nulle image humaine ne serait
plus effacée du livre de la vie. En quelques heures, le tribunal
impérial d'Antioche fut paralysé. Ni soldats, ni juges, ni
bourreaux ne pouvaient plus faire leur métier.
P.89 L'enquête
fut suspendue. Les saints se retirèrent de la ville le soir même
et réintégrèrent leurs ermitages, contents. Les Antiochiens
étaient sauvés. Bouche d'Or avait réussi.
P.90 Flavien dit à
Théodose: «Si les hommes admirent ces
pierres précieuses qui brillent sur votre tête, combien plus
admireront-ils la victoire que vous aurez emportée sur votre coeur...
Car il est facile au maître de sévir contre ses sujets insoumis.
Mais il est rare et difficile de pardonner. Vous donnerez un grand exemple
aux siècles. Voyez, diront-ils encore, quelle est la puissance de
la religion chrétienne. Elle a contenu l'indignation et la
colère d'un homme qui dans l'univers n'a pas d'égal. Je viens
de la part de Dieu vous déclarer que si vous pardonnez aux hommes
leurs fautes et leurs faiblesses, votre Père Céleste vous
pardonnera... Songez à ce jour terrible où nous devrons rendre
compte de nos oeuvres... L'arrêt que vous prononcerez sera votre
propre sentence.» P.91 Tel était le discours que Bouche
d'Or avait rédigé pour Flavien. En même temps que Flavien,
tout le personnel du palais plaidait la grâce d'Antioche.Vinrent
ensuite Hellebicus et Cæsarius, porteurs du mémoire des saints.
Assailli de toutes parts, Théodose signa l'acte de grâce de
la ville d'Antioche.
Chapitre 5
P.93 Saint Nil comparaît
Bouche d'Or «à un fleuve qui coule de l'or». Isidore
de Peluse déclarait que la Grèce n'eut jamais un si grand
orateur et Suidas le comparait aux chutes du Nil. Cependant Bouche d'Or
souhaitait voir ses homélies moins applaudies et ses enseignements
mieux suivis.
Il n'avait presque
plus de cheveux sur la tête. Sa barbe était blanche. Il était
si frêle qu'on s'attendait à le voir s'écrouler au
moindre souffle de vent. Mais ses yeux étaient deux phares brûlants
de foi. Lorsqu'il commençait à parler on ne voyait plus son
corps menu. «Ne louez pas l'homme à
cause de sa beauté et ne haïssez personne à cause de
son aspect, l'abeille est petite parmi les créatures ailées,
néanmoins rien n'est plus doux que le miel qu'elle élabore.»
P.95 L'empereur Arcadius
souhaitait que Bouche d'Or devienne évêque de Constantinople.
Et parce que la population d'Antioche aimait Bouche d'Or comme une idole
et aurait été capable de faire une révolution, l'empereur
avait décidé de faire sortir le saint d'Antioche, dans le
plus grand secret. Sans que personne ne le sache.
Bouche d'Or s'émerveillait
en apprenant que l'empereur le connaissait. L'empereur avait un service
secret, une armée entière de «curieux», qui lui
communiquaient tout ce qui se passait dans l'univers entier.
P.96 La police savait
tout. Jusqu'aux péchés qu'il avait commis. Par exemple la
police savait que Bouche d'Or avait 2 défauts. Il aimait prendre
chaque jour un bain. Ensuite, il aimait les bonbons. Il existait à
Antioche des bonbons au miel. Le saint en avait toujours un paquet dans
sa poche. Mais la police savait que le saint, bien qu'il aimât ces
bonbons et qu'il en aurait mangé à la poignée, comme
les enfants, n'en prenait qu'un seul, une demi-heure avant de faire son
sermon.
P.97 Bouche d'Or savait
qu'il était le serviteur du Seigneur. A cause de cela il acceptait
tout. Il n'avait qu'un seul souci: Garder son «âme
pure, parce que le reste n'avait aucune importance.» Ce que
Dieu recherche «ce n'est ni une éloquence
brillante ni un savant arrangement des mots, mais la beauté des
âmes.» Partout où il se trouvait, il ne devait
être que le serviteur de Dieu. Il ne serait jamais le serviteur de
l'empereur. Ga.1:10. Bouche d'Or voyageait avec cette seule pensée:
ne pas faire plaisir aux hommes, mais plaire à Dieu. C'est tout.
Et il pria le Seigneur de l'assister dans cette résolution. Sans
l'aide de Dieu, l'homme ne peut rien réaliser. Fût-il athlète
comme Bouche d'Or. Les hommes peuvent fréquenter Dieu à toute
heure et en tout lieu.
«Vous
pouvez en tout temps et continuellement vous adresser à Dieu sans
la moindre difficulté. Pour fréquenter Dieu, vous n'avez
pas besoin ni de portier pour vous introduire, ni d'intendant, ni d'administrateur,
ni de défenseur, ni d'amis. Présentez-vous devant Dieu et
il vous écoutera plus que si vous aviez recours à un intermédiaire
pour le prier.»
P.99 Les particuliers
de Constantinople vivaient dans le luxe: «N'ont-ils
pas des amphores, des marmites et d'autres récipients en or? Que
dire de ces femmes (malgré ma honte, il faut en parler) qui commandent
des vases de nuit en argent? Des assiettes en argent, passe encore, mais
des vases ignobles en argent? Quelle aberration! Oui, oui, si cela était
en leur pouvoir, les riches voudraient que tout fut d'or massif, la terre,
les murs, jusqu'au ciel et à l'atmosphère.»
Bouche d'Or, qui conseillait
aux femmes chrétiennes d'Antioche de ne porter nulle parure, était
abasourdi. «Il est défendu à
la femme d'orner sa tête d'or et de perles, quel pardon obtiendra
celle qui emploie l'argent pour un si vil usage?». Telles
étaient les femmes chrétiennes, les nouvelles paroissiennes
du saint, à Constantinople. Bouche d'Or était effrayé
par les manières de ces chrétiennes dont il devait sauver
l'âme et être le pasteur.
«J'ai
bien peur que dans cette course à la folie, les femmes ne tournent
bientôt en monstres. Je crois que leur rêve serait d'avoir
des cheveux d'or, des sourcils d'or, de se faire plaquer tout le corps
de feuilles d'or. Ne pensez pas que je plaisante. Est-ce que maintenant
encore, l'empereur des Perses n'a pas une barbe d'or, des artistes habiles
ayant appliqué sur ses poils, comme une trame, des pellicules d'or?
Un véritable phénomène!»
P.101 L'armée
romaine était en décomposition. Théodose engagea des
officiers et des soldats germains. Les fonctionnaires de l'empire étaient
corrompus. Théodose comptait davantage sur les évêques
que sur les fonctionnaires. Aux postes de confiance il nommait des fonctionnaires
fidèles et honnêtes qu'il revêtait ensuite de la soutane.
C'est ainsi qu'il avait procédé avec Nectaire, le prédécesseur
de Bouche d'Or. Théodose partagea l'empire en deux et donna la moitié
occidentale à son fils Honorius, la moitié orientale à
Arcadius. Honorius et Arcadius reçurent de Théodose le conseil
de compter davantage sur l'Église que sur l'armée. Le christianisme
fut consolidé. Mais Théodose comprenait le christianisme
à la manière des empereurs, c'est-à-dire comme une
institution qui devait être consolidée avec l'aide de la police
et du code pénal. P.102 Celui qui se rendait coupable de sodomie
ou d'autres péchés contre la foi chrétienne était
brûlé vif. En public. Les sectateurs d'Arius étaient
expulsés des villes. Celui qui abandonnait le christianisme perdait
tous les droits civiques. Théodose mourut le 17 janvier 395.
P.104 Le charme d'Eudoxie
et sa féminité exotique étaient si grands, que même
son portrait pouvait ensorceler. Avant même de la voir, l'empereur
avait été amoureux de son portrait. Arcadius l'avait demandée
en mariage uniquement sur une image.
Bouche d'Or fut sacré
évêque le 26 février 398. C'est Théophile d'Alexandrie
qui présida le sacre. Théophile fut un des plus mauvais évêques
que l'Église eût possédé. On le surnommait «le
Pharaon chrétien». Il était cruel comme un pharaon,
aussi amoureux d'or et de pierreries qu'un pharaon et, comme un pharaon,
méprisait les hommes. Théophile n'aimait pas Bouche d'Or.
Après son intronisation, conformément à l'usage, Bouche
d'Or envoya une lettre au pape de Rome, Sirice, ainsi qu'aux autres patriarches.
Bouche d'Or avait un grand respect pour Rome, parce qu'à Rome, étaient
morts Pierre et Paul. Bouche d'Or vénérait les successeurs
des apôtres. Il vénérait le pape. P.105 Il n'avait
dans sa chambre que l'image de saint Paul, au-dessus de la table de travail.
P.105 L'aristocratie
fut amusée en apprenant que le saint ne mangeait qu'une fois par
jour - vers 6 heures du soir - et qu'il prenait son repas seul dans sa
cellule. Le menu était toujours le même: des légumes
et de l'eau. Après le repas, le saint travaillait jusque près
de minuit. Il ne dormait pas plus de 3 heures par nuit.
P.107 Des personnes
de la haute société s'irritent, considérant comme
une offense le fait que le nouvel évêque n'invitait jamais
personne. On se mit à colporter différentes légendes...
on dit que Bouche d'Or faisait des orgies, à lui tout seul, des
orgies de Cyclope. D'autres disaient que le saint avait un défaut,
une infirmité, et qu'il mangeait d'une si vilaine manière
qu'il ne pouvait pas manger en public. Tous ces bruits étaient communiqués
à Bouche d'Or par son diacre Sérapion, l'administrateur de
l'évêché. Le saint ne s'en irrita pas. Un saint est
plus fort que la calomnie. Il menait une vie austère afin de plaire
à Dieu. Il s'occupait des âmes humaines, et il n'avait pas
de temps à perdre dans des réceptions. Le fait que l'aristocratie
était mécontente ne le dérangeait pas. Il savait qu'il
ne pouvait pas plaire aux hommes et en même temps à Dieu.
P.109 Bouche d'Or était
impressionné par la conduite vertueuse de l'impératrice Eudoxie.
«Marie célébrait la liberté des juifs, vous,
vous donnez une couronne à l'Église... Vous êtes Grande,
ô reine!»
Eudoxie était
devenue la plus fervente fidèle de Bouche d'Or. Elle éleva
des églises, dessinant les plans de sa propre main. Elle construisit
des asiles pour les vieillards et les pauvres. L'unique préoccupation
de l'impératrice jeune, blonde et belle, était l'Église.
L'homme qu'elle écoutait et respectait le plus était Bouche
d'Or. P.110 Tout son argent allait à l'Église, aux pauvres,
aux malades.
Beaucoup de prêtres,
évêques ou diacres avaient dans leur maison une femme qui
tenait leur ménage. En Occident, ces femmes qui habitaient avec
le clergé étaient appelées mulieres subintroductæ
ou «femmes sous-introduites».
En Orient elles portaient
un nom plus beau Agapethè, Agapè étant l'Amour de
Dieu en opposition avec Éros qui est l'amour terrestre. P.111 Le
prêtre prenait chez lui une orpheline ou une jeune fille qui voulait
se consacrer à l'Église, la déclarait soeur agapethè
et la gardait comme ménagère toute sa vie. Bouche d'Or n'aimait
pas cette vie commune des moines et des jeunes filles. il était
persuadé que Dieu n'aimait pas cette cohabitation, si chaste fût-elle.
La vie avec une femme dans la même maison était déjà
une volupté. C'était malsain pour un moine d'avoir tout le
temps près de lui la présence d'une jeune femme. «Dans
ma pensée, la vie commune avec une femme, n'est pas sans volupté,
volupté en dehors même de l'union conjugale et de tout commerce
charnel.» Le saint s'excuse avec candeur de ne pas le savoir
exactement n'ayant jamais essayé de vivre sous le même toit
qu'une femme, mais il s'imagine que le simple fait de vivre dans la même
maison, toutes portes fermées, avec une femme, était une
volupté.
«L'union
avec une femme légitime n'ayant aucun empêchement, dissipe
les désirs; souvent même engendre le dégoût et
met un terme aux emportements.» Une femme légitime
qui a des enfants, est parfois malade, vieillit et les infirmités
qui résultent des naissances «flétrissent
rapidement la fleur de la jeunesse, brisent l'aiguillon de la volupté...
La vierge n'est sujette à rien de tout cela; point de commerce charnel
qui déprime et tue les forces de la nature, ni les souffrances ni
l'épuisement de la maternité qui précipite les rides;
on la voit conserver longtemps la vigueur du jeune âge... Celui qui
touche le corps d'une vierge est plus tourmenté par le contact que
par la vue...
Notre
siècle a vu beaucoup d'hommes qui se liaient le corps avec des chaînes,
se couvraient d'un sac, se retiraient au sommet des montagnes; ils vivaient
dans des veilles et des jeûnes continuels, donnant l'exemple de la
discipline la plus sévère, interdisant à toute femme
de franchir le seuil de leur humble toit, et, malgré ces rigueurs
exercées sur eux-mêmes, c'est à peine s'ils pouvaient
réprimer les fureurs de la passion.»
En plus du péché,
il y aussi le scandale provoqué à l'extérieur par
ces cohabitations. Bouche d'Or ordonna à ces vierges de quitter
sur-le-champ les demeures des prêtres. Il leur donna le conseil de
se marier si elles voulaient vivre avec un homme. La cohabitation avec
les prêtres étant plus condamnable que la conduite des courtisanes.
Le prêtre est un athlète du Christ. «Saint
Paul disait: Ne soyez pas esclaves des hommes.
Moi
je vous dirai: cessons d'être esclaves des femmelettes qui nous entraînent
avec elles à la perdition. Le Christ veut que sa milice recrute
des soldats vaillants, des athlètes vigoureux que la lutte laisse
debout et il ne nous a pas munis d'armes spirituelles pour que nous vivions,
serviteurs de filles misérables, parmi les laines et les fuseaux.»
P.113 Bouche d'Or parlait
rarement en chaire, il parlait devant les portes impériales ou bien
se tenait au milieu des fidèles afin d'être plus près
du peuple.
Dans l'Église d'Orient l'autel
n'est pas visible. Il est séparé du reste de l'église
par une cloison ouvragée, décorée de scènes
de la vie du Christ et du saint patron de l'église. Trois portes:
deux latérales et une porte centrale à deux battants donnent
accès à l'autel. Les portes centrales qui s'ouvrent pour
laisser passer le prêtre suivant les étapes de l'office, s'appellent
«les portes impériales» - Note du traducteur.
Sa voix n'était
pas forte. A cause de cela, il préférait être le plus
près possible des auditeurs. Juste en face de lui, pendant qu'il
prêchait, se trouvait le groupe des dames du palais, appartenant
à l'aristocratie. A leur tête se tenaient les trois amies
de l'impératrice qui se nommaient Marsa, Castricia et Eugraphia.
Bouche d'Or avait l'impression, chaque fois qu'il voyait ces femmes à
l'église, qu'elles offensaient Dieu et l'Église. Plus spécialement
Eugraphia qui était la plus âgée de ces 3 femmes. P.114
Elle se fardait comme une idole égyptienne. Elle se teignait violemment
les cils et les sourcils, se fardait le visage et portait des toilettes
extravagantes.
Il les regarda dans
les yeux et leur dit: «A quel prix estimez-vous
donc vos excréments pour les retenir dans de l'argent?» Sa
voix devint énergique: «Veuillez prêter
l'oreille. Je n'exhorte plus, je commande impérativement. Libre
à vous d'obéir ou non. Si vous persistez dans cette erreur,
je ne le tolérerai pas et vous interdirai l'église. Les païens
se moquent de nous et traitent notre religion de fable. Je vous ordonne
donc de vous défaire de ces parures, de ces vases et d'en donner
le prix aux pauvres, de ne pas persévérer dans cette folie.
Résistez si vous voulez, protestez contre moi; je ne reculerai devant
personne. Quand je rendrai mes comptes au tribunal du Christ, serrez-vous
là pour me défendre? Quoi! tant de pauvres assiègent
l'Église, et celle-ci, dont tant d'enfants sont riches, se voit
incapable de les secourir? L'un reste repu, tandis que l'autre meurt de
fin. L'un laisse tomber des excréments dans de l'argent et l'autre
manque de pain. Folie! Férocité!.»
Selon Palladius Bouche
d'Or dit à Eugraphia: «Pourquoi voulez-vous
contraindre votre corps à rajeunir quand il ne le peut pas? Vous
rabattez vos boucles de cheveux sur votre front à la manière
des prostituées pour tromper ceux qui vous voient mais croyez-le
bien, vous ne faites par là que confesser vos rides.»
P.115 Nulle femme ne
pouvait pardonner cette offense. Même une chrétienne. Eugraphia
ne pardonna pas.
En regardant leurs
décolletés il dit que les femmes qui excitent les hommes
dans la rue, au palais, sont des criminelles. Ces femmes doivent cesser
de montrer leurs décolletés. C'est un attentant contre les
hommes qui les regardent.
«Je
vois dans votre attentat un degré d'horreur et de perversité
que ne comporte pas même le crime de l'empoisonneur et de l'assassin.
Car l'assassin et l'empoisonneur ne détruisent que le corps de leur
semblable, tandis que ces femmes en détruisent l'âme. C'est
à l'image de Dieu que vous donnez la mort.»
De plus, un assassin
tue dans une intention quelconque: pour se venger, pour voler, tandis que
les femmes qui par leurs décolletés excitent les hommes,
commettent une mauvaise action gratuite, sans aucun profit. Elles commettent
le crime pour le crime. Bouche d'Or sait qu'il est violent: «Mon
discours je le sais froisse bien des susceptibilités. Je n'y puis
rien. Les préceptes du Seigneur sont là... Je n'ai pas pris
le langage du maître impérieux mais celui de la tristesse
et de la douleur. Pardonnez-moi, je ne voudrais pas manquer à la
bienséance en parlant de ces choses, mais j'y suis contraint.»
La haute société
ne lui pardonna pas cette vérité.
P.116 Avec le même
acharnement qu'il avait mis à débarrasser le palais épiscopal
de ses meubles luxueux, Bouche d'Or voulut extirper le péché
de la société de Constantinople. «Les
riches dit-il, offensent en permanence le Seigneur. La sainte écriture
nous enseigne: on ne vole pas uniquement en enlevant le bien d'autrui;
on vole en ne distribuant pas ce qu'on possède.»
Un riche est comme
un fauve. «Un riche n'a rien s'il n'a pas tout,
un riche n'est pas un homme, son visage même atteste la bestialité
de sa nature. Mêmes les bêtes sont moins impitoyables, leurs
ongles sont moins déchirants.»
Bouche d'Or sait qu'il
a déclenché un grand scandale en attaquant les riches. Il
dit: «Beaucoup m'accusent de toujours attaquer
les riches, mais c'est parce que ceux-ci attaquent toujours les pauvres.
Oui, j'attaque les riches, c'est-à-dire non précisément
les riches, mais ceux qui usent mal de leur richesse!»
«Les
riches sont mes enfants et les pauvres sont aussi mes enfants.»
Il leur dit qu'il veut les sauver: «Je t'arrache
à l'avarice, je te rends sympathique à tous et je t'assure
le royaume des cieux. Je t'aime... Quel autre te parlera de ton vice? Je
désire ton salut, je suis ton médecin. Je ne crains qu'une
seule chose: le péché.»
Après cette
homélie de l'évêque, les riches cessèrent de
venir à l'église.
P.117 L'idéal
du saint est la destruction du péché en lui-même et
dans ceux qui l'entourent, sur toute la surface de la terre. Le péché
des hommes fait souffrir un saint comme le ferait une blessure de sa propre
chair. Bouche d'Or le dit, pathétique: «Je
ne veux pas me sauver et que vous soyez perdus. Ah! si je pouvais vous
montrer quel amour j'ai pour vous, vous ne me reprocheriez pas de vous
parler durement. Rien ne m'est plus cher que vous, même cette lumière.»
P.119 400 ans étaient
passés depuis la naissance du Christ et pourtant les hommes n'étaient
pas encore convaincus qu'ils étaient tous égaux; un esclave
était considéré comme une créature à
chaînes.
P.130 «Les
embûches ne me font pas trembler... que personne ne me reproche d'avoir
failli, et que l'univers entier me déclare la guerre. Car une telle
guerre me peut que m'honorer. Voila le principe dans lequel je veux vous
élever. Ne redoutez pas la colère de l'homme puissant, ne
craignez que la tyrannie du péché. L'homme ne peut
pas vous nuire. Vous seuls le pouvez.»
Chapitre 6
P.135 Eudoxie s'occupait
de toutes les questions de l'empire. Elle était secondée
par ses 3 amis intimes qui accumulaient des fortunes fabuleuses, se livrant
au trafic d'influences et nul ne pouvait leur résister. Ces trois
femmes avec l'impératrice avaient leurs aides de camp. Eudoxie avait
le comte Jean. C'était l'amant de l'impératrice.
Un seul homme s'opposait
ouvertement à l'équipe du palais: c'était l'évêque
Bouche d'Or. Il demandait à l'impératrice et à ses
dames d'être vertueuses, comme il le demandait à tous les
chrétiens.
Chapitre 7
P.140
Je tremble qu'après avoir annoncé l'Évangile aux autres,
je ne sois moi-même réprouvé. Cette phrase de
saint Paul, Bouche d'Or l'avait citée dans son premier discours
de prêtre. Et tant qu'il vivra, il aura cette phrase devant l'esprit.
Il s'efforçait de ne pas commettre de faute en sa qualité
de Père spirituel, car maintenant il était responsable envers
Dieu, non seulement de ses propres péchés mais aussi de ceux
de tous ses fidèles. C'était une lourde responsabilité.
P.144 «Seriez-vous
entourés de glaives, pourvu que vous n'ayez pas de péchés,
Dieu saura bien vous en soustraire. Mais si vous êtes pécheurs,
seriez-vous dans le paradis, vous seriez exclus.» dit Bouche
d'Or. Pour ne pas être pécheur devant Dieu, le saint enfreignit
les coutumes. Un saint respecte Dieu, non les coutumes.
P.145 Il n'exista pas
un plus grand ennemi du théâtre que Bouche d'Or.
P.146 Le peuple aimait
passionnément Bouche d'Or et il aimait passionnément le peuple:
«Je
vous aime comme vous m'aimez, que serais-je sans vous? Vous êtes
mon père, vous êtes ma mère, vous êtes mes frères,
vous êtes mes enfants, vous m'êtes tout le monde. Je n'ai ni
joie ni douleur qui ne soit vôtre et quand l'un de vous périt,
je péris avec lui.» Lorsqu'elle entendit ces déclarations
la foule fut en délire.
Dans tout l'empire
il n'y avait pas un homme aimé d'un plus grand amour par le peuple
que Bouche d'Or. Cet amour passionné devait déclencher des
drames. Car toutes les passions aboutissent à des dénouements
dramatiques.
Chapitre 8
P.150 Le plus grand
destructeur de temples fut Théophile d'Alexandrie, surnommé
le pharaon chrétien. P.151 Théophile dirigeait lui-même
le pillage des temples et le supplice des païens. Il possédait
des collections inestimables d'idoles, d'objets païens et s'en était
fait un trésor. Et parce que celui qui aime les pierres avec passion
arrive fatalement à mépriser l'homme, Théophile n'aimait
plus du tout les hommes. Il était cruel. C'est ce pharaon qui entra
en connivence avec Eudoxie pour attaquer Bouche d'or. Il était tout
indiqué pour le faire. Théophile était un spécialiste
en démolitions, en destructions et en exterminations.
P.157 Un véritable
chrétien doit savoir supporter même les injustices.
P.161 Chaque fois qu'il
rencontrait la méchanceté, Bouche d'Or était surpris,
nous dit Palladius, parce qu'il était un homme pur.
Chapitre 9
P.169 Bouche d'Or invita
Tigrios à venir auprès de lui et le fit diacre. Puis il l'ordonna
prêtre. Un esclave, même affranchi, ne devait pas recevoir
le sacrement du sacerdoce. Mais Bouche d'Or savait que tous ceux qui avaient
la foi pouvaient le recevoir, et nul, parmi tous ceux que Bouche d'Or avait
rencontrés, n'avait la foi de Tigrios.
Les paroles de Bouche
d'Or étaient le pain des pauvres.
P.171 «Ne
souscrivez pas, mais communiez avec mon successeur. Communiez pour ne point
faire de schisme.» Tel était le dernier souci
de Bouche d'Or: que ses amis, après sa mort, ne se séparent
pas de la véritable Église, de l'Église des apôtres.
Pour cela ils devaient communier avec n'importe quel évêque
qui viendrait après lui.
Chapitre 10
P.178 Le saint aimait
les pauvres, parce que, selon la parole de Jésus, pour être
chrétien, il faut d'abord être pauvre. P.179 Les véritables
chrétiens, ce sont les pauvres. C'est pour cela que le saint les
aimait; parce qu'un saint aime la vertu.
«Le
pauvre débarrassé des attaches qui font du riche un esclave
plutôt qu'un maître de la terre, est un lion qui souffle du
feu par ses narines. Élevé au-dessus des choses du monde
il n'est rien que le pauvre n'entreprenne et n'exécute pour le bien
de l'Église». La pauvreté est la première
condition de la vertu et de la foi.
Chapitre 11
P.189 L'empire avait
conservé certains usages de l'époque où il était
païen. C'est ainsi que les statues impériales possédaient
un caractère sacré, parce qu'elles représentaient
l'«Oint du Seigneur». C'était un vestige christianisé
de l'ancien culte impérial. Antioche, pour avoir brisé quelques
statues, aurait été rasée jusqu'aux fondations si
Bouche D'Or, aidé par les ascètes, ne l'avait pas sauvée.
L'épouse, les enfants, les parents de l'empereur étaient
vénérés, eux aussi, mais non dans leurs statues. Eudoxie,
pour sa part, se sentit lésée. Elle exigea que l'on vénérât
ses statues.
P.189 De même
que les mortelles ordinaires se commandent le plus de robes possible lorsqu'il
leur échoit une somme d'argent sur laquelle elles ne comptaient
pas, Eudoxie, après avoir été déclarée
déesse, se commanda des statues. Elles les commanda aux plus grands
sculpteurs de l'époque, comme si elle avait commandé des
robes chez les plus grands couturiers. Ceci est dans la nature des femmes,
et Eudoxie était une femme. Et puisqu'elle n'était pas seulement
femme, mais aussi déesse, Eudoxie ne commanda pas des robes mais
des statues. Des statues, que tous les citoyens étaient obligés
d'adorer et devant lesquelles ils devaient déposer des fleurs et
des offrandes. Chaque ville devait posséder au moins une effigie
de l'impératrice. Constantinople devait en avoir une aussi, plus
haute et plus coûteuse que celle des autres villes. De là,
vint la nouvelle querelle d'Eudoxie et de Bouche d'Or. P.190 La statue
devait s'élever en face de la cathédrale de Bouche d'Or.
Bouche d'Or était
un saint miséricordieux, indulgent. Il n'était pas d'accord
en ce qui concernait le culte des statues impériales, mais il ne
pouvait pas seul changer tout d'un coup. Il savait que les cultes païens
seraient abolis dans l'avenir. Dans ses homélies, il préparait
les fidèles à devenir des vrais chrétiens, les empereurs,
s'ils étaient chrétiens, à ne plus exiger d'être
adorés comme des dieux, et les chrétiens à ne plus
adorer les statues impériales. P.191 Il fit un sermon dans lequel
il dit tout ce qu'il pensait des statues, des personnes qui se commandaient
des statues, des festivités païennes exigées par l'impératrice
pour l'inauguration de son effigie et termina par une citation de la Bible,
comparant Eudoxie à Salomé. Bouche d'Or dit au peuple qu'il
savait qu'à la suite de ce discours Salomé (c'est-à-dire
Eudoxie) demanderait la tête de Jean, pas la tête de Jean-Baptiste,
mais celle de Jean Bouche d'Or. Quant à lui, il ne craignait pas
la mort. Il était de son devoir de stigmatiser le péché.
Ce qui se passait, à cause de cette statue, devant la porte de l'église,
c'était un scandale, c'était infernal; c'était un
amas de péchés qui insultaient le Ciel. P.192 Bouche d'Or
n'eut pas tort. Le lendemain même, Eudoxie fit le nécessaire
afin de faire décapiter Jean Bouche d'Or.
P.193 De même
que les meilleurs connaisseurs du code pénal sont les plus grands
transgresseurs du droit commun, le plus grand connaisseur des canons de
l'Église de cette époque était Théophile qui
enfreignait ces canons.
P.197 A la fin, l'empereur
fut forcé d'ordonner que Bouche d'Or fût exilé. P.200
«Je
ne veux pas quitter l'église. J'ai reçu cette église
de Dieu même, mon Sauveur, pour prendre soin de mon troupeau. Je
ne la déserterai pas.» L'empereur ne voulait pas tacher
de sang ses mains le samedi de la Passion. L'empereur craignait Dieu, comme
il craignait Eudoxie, sa belle épouse. Il ne voulait pas mécontenter
Dieu et utiliser la force dans l'enceinte de l'église. Mais les
deux évêques Antiochus et Acace, qui avaient condamné
Bouche d'or à mort étaient moins chrétiens que l'empereur.
Ils assurèrent Arcadius qu'ils étaient en étroite
relation avec Dieu. Les deux évêques expliquèrent à
l'empereur qu'ils fréquentaient journellement Dieu «pour des
raisons de service». Ils conseillèrent à l'empereur
d'employer la force: «Nous prenons la condamnation sur nos têtes.»
En ce cas Arcadius
n'avait plus rien à perdre. P.201 Il ordonna le massacre dans l'enceinte
de l'église et malgré tout il pourrait se présenter
devant Jésus les mains propres, sans une tache de sang, car le péché
et le sang ne souilleraient que les mains et les âmes des évêques.
En conséquence il donna l'ordre d'arrêter le saint et d'arrêter
ceux qui s'opposeraient à son arrestation.
La troupe et la police
furent déclarées en état d'alerte comme à la
guerre et armées de lances, de glaives et d'épées.
L'armée partit prendre la cathédrale d'assaut.
En dehors des fidèles
qui assistaient à l'office, se trouvaient encore dans la cathédrale
Sainte-Sophie en ce samedi de Pâques où l'assaut de l'église
avait été ordonné, quelques milliers de catéchumènes,
de blanc vêtus qui attendaient pour être baptisés. Au
moment où parurent les soldats, armés jusqu'aux dents, une
partie des catéchumènes, hommes, femmes, enfants, étaient
déjà dans l'eau du baptistère. Là où
apparaissent les soldats, avec l'ordre d'employer la force, le sang coule,
il y a des meurtres, des pillages, des cadavres piétinés.
Maintenant de tels faits se passaient à l'intérieur même
de l'église. Les soldats envahirent le baptistère. Les prêtres,
vêtus de leurs habits sacerdotaux, furent jetés dans l'eau
du baptistère et exterminés et «les
eaux de la régénération des hommes, furent rougies
de sang humain», écrivit Jean dans sa lette au pape
Innocent.
P.202 En peu de temps
l'église de Sainte-Sophie se vida d'hommes vivants. Les fidèles
se cachèrent dans des caves. Certains ne se cachaient nulle part:
ils voulaient que la messe suivit son cours et les catéchumènes
voulaient recevoir le baptême, en dépit du massacre et de
la terreur ordonnés par l'empereur.
Pendant que les soldats
sortaient de l'église saint Bouche d'Or en le traînant, selon
leur manière, comme un criminel, les catéchumènes
se rassemblaient aux bains publics de la ville afin d'y recevoir le baptême.
Certains de ceux qui se trouvaient en ce moment aux thermes portaient des
blessures toutes fraîches, des coups d'épées, des coups
de lances, des traces de coups de poing ou de coups de botte. Mais
ils voulaient devenir chrétiens, ils tenaient à recevoir
le baptême du Christ. Et ils chantaient tous des cantiques à
la gloire du Seigneur au point que toute la ville en résonnait.
P.203 Les évêques
se rendirent chez le préfet de la ville Anthemius et lui demandèrent
de continuer l'action ordonnée par l'empereur, des ennemis étaient
encore en vie et continuaient à se faire baptiser aux thermes. Le
préfet hésita. En effet, Anthemius craignait Dieu. Le préfet
n'était pas un évêque qui pouvait tout se permettre
envers Dieu.
P.206 Dans ce temps-là,
la cérémonie du baptême durait plusieurs jours, comportant
des veillées, des jeûnes et tout un cérémonial
compliqué.
Chapitre 12
P.211 Les évêques
assurèrent Eudoxie et ses aristocrates amies que l'assassinat de
Bouche d'Or ne fâcherait pas Dieu. D'abord Dieu avait assisté
à tant d'assassinats commis sur la terre que pour lui, le Père
Céleste, l'assassinat était un événement banal.
Ensuite, Dieu était, de par son essence divine, miséricordieux.
Puisque Dieu pardonnait tout, il pardonnerait bien aussi cette mort.
P.217 Arcadius voulait
à tout prix arriver au Paradis où règne la tranquillité
et où l'on peut se reposer sans être dérangé
sans cesse par les évêques, les ministres et les courtisans...
Le 7 juin 404 le saint
fit ses prières et attendit calmement que s'accomplît la volonté
de Dieu. L'évêque invita tous les évêques,
prêtres et diacres qui étaient présents à l'accompagner
à l'église: «Venez, prions et
prenons congé de l'ange de cette église». Puis
le saint pénétra à Sainte-Sophie. C'était la
dernière fois que Bouche d'Or priait dans cette église. Patricius
lui avait transmis l'ordre de partir pour l'exil. Mais le saint savait
que l'exil n'était qu'un prétexte. L'impératrice Eudoxie
voulait le faire tuer pendant le voyage. P.220 L'évêque Palladius
écrit que, «l'ange de l'église partit avec lui.»
Chapitre 13
P.222 Ce n'était
pas seulement les chrétiens qui étaient venus sauver bouche
d'Or; les Juifs et les païens étaient accourus dans l'église,
eux aussi, pour participer au sauvetage du saint et à la lutte contre
l'armée. Bouche d'or était le protecteur de tous les prolétaires
de Constantinople. Il lui importait peu qu'ils fussent juifs ou païens.
Pendant le combat qui
se déroulait dans la cour de la cathédrale... une tempête
s'éleva soudainement, si violente qu'elle arrachait les toits des
maisons. Pendant ce temps éclata aussi un incendie. La chaire, d'où
prêchait Bouche d'Or prit feu. Puis l'église toute entière
fut transformée en cendres. Porté par le vent, les
flammes dévoraient la moitié de Constantinople.
P.227 Le saint avait
attendri le coeur des gardiens. A chaque halte, les officiers et les soldats
de l'escorte, malgré les ordres sévères de l'impératrice
de persécuter le saint jusqu'à ce que mort s'ensuive, cherchaient
de l'eau, du pain et du lait pour le prisonnier, au lieu de se reposer.
La bonté et la sainteté de l'évêque Jean avaient
stupéfié les soldats, et les soldats devinrent des hommes.
Transformer un policier en homme est un miracle aussi rare que la transformation
de l'eau en vin. Sur le chemin de l'exil, Bouche d'Or venait d'accomplir
un miracle, que seul jusqu'alors avait accompli le saint apôtre Paul:
il avait converti les geôliers et les policiers envoyés pour
le persécuter. Il avait changé des policiers en hommes.
Chapitre 15
P.252 Dieu vint au
secours d'Olympias et des johannites et les encouragea. Dieu commença
à punir, l'un après l'autre, ceux qui avaient condamné
le saint évêque Jean Bouche d'Or. La première personne
que Dieu punit pour avoir exilé le saint fut Eudoxie. La belle impératrice
mourut le 6 octobre 404, 3 mois et demi après qu'elle eut décrété
l'exil de Bouche d'Or. Dieu punit Eudoxie de mort, d'une mort terrible.
L'impératrice était grosse pour la 5ème fois. L'enfant
qu'elle devait mettre au monde mourut dans son sein. Ni les médecins
ni les sages-femmes ne parvinrent à la débarrasser du cadavre
qu'elle portait. L'enfant pourrit dans ses flancs. Elles avait des douleurs
terribles et nul ne pouvait la secourir. Mais la décomposition s'étendait,
comme le feu P.253 En même temps que son enfant, les entrailles de
la belle impératrice commencèrent à pourrir, contaminées
par le petit cadavre qu'elle portait en elle. C'était une punition
atroce. Et comme toutes les punitions terribles, elle durait. Eudoxie se
débattit sans fermer les yeux, des semaines durant, gardant en elle
son enfant mort, pendant que ses entrailles se décomposaient. Puis
elle mourut, rendue hideuse par la souffrance, elle qui tenait tant à
sa beauté!
Eudoxie fut enterré
le 12 octobre 404. Les foules savaient que Dieu l'avait punie. Les ennemis
de Bouche d'Or soutenaient toutefois que la terrible mort d'Eudoxie n'avait
aucun rapport avec l'Exil de Bouche d'Or. Alors Dieu continua à
frapper les ennemis du saint l'un après l'autre, afin de les convaincre
qu'il ne s'agissait pas de coïncidences, mais bien de punitions venant
d'En-haut. Tous les membres de la conjuration qui avaient envoyé
Bouche d'Or à Cucuse furent frappés de peines spectaculaires.
Arcadius était
inquiet. Il avait peur que la terre s'entrouve pendant un séisme
et l'engloutisse vivant. L'empereur avait peur d'être dévoré
par les vers, ou de tomber de cheval, ou d'avoir la langue enflée,
ou de voir pourrir ses pieds comme cela s'était passé avec
les ennemis de Bouche d'Or.
L'empereur se débattait,
pris de panique. Il appela, pour l'aider et le défendre devant Dieu,
saint Nil qui, à l'époque, vivait au fond du désert.
Saint Nil avait été
un des hommes les plus riches et les plus élégants de l'empire
romain. P.254 il avait été préfet d'orient sous Théodose.
Il avait épousé une des plus belles femmes de cette époque
et avait eu deux garçons. Un jour, il prit l'un de ses fils et se
retira au fond du désert sur le mont Sinaï, abandonnant tout.
L'empereur y envoya ses émissaires et le supplia de venir à
Constantinople afin de l'aider un peu et prier Dieu d'épargner Arcadius,
de ne pas le punir.
Saint Nil répondit
à Arcadius: «Comment veux-tu que j'ose prier pour une
ville qui mérite, par tant d'actes coupables, la justice de Dieu
qui la menace? Constantinople est une ville où le crime s'appuie
sur l'autorité des lois, et elle a banni le très heureux
Jean, la colonne de l'Église, la lampe de la vérité,
la trompette du Seigneur. Tu demandes que je prie pour elle, mais tu le
demandes à un esprit trop accablé d'affliction par l'excès
des maux qu'elle a commis..»
L'empereur envoya encore
une fois des émissaires implorer Saint Nil qui répondit:
«Tu as banni Jean, la plus grande lumière de la terre, sans
avoir aucune raison, et pour t'être laissé aller trop légèrement
à suivre les mauvais conseils de quelques évêques dont
l'esprit n'était pas sain. Songe donc à toi, et après
avoir privé l'Église catholique des pures et saintes instructions
qu'elle recevait de lui, reconnais au moins ta faute et repens-toi.»
Arcadius pouvaient
s'appuyer au moins sur trois patriarches d'Orient qui approuvaient sa politique:
Arsace de Constantinople, Porphyre d'Antioche et Théophile d'Alexandrie.
P.257 Bouche d'Or avait
renoncé à toutes les choses terrestres, ou comme disait saint
Paul, à toutes les choses visibles, parce que ces choses visibles
n'ont qu'un temps. Bouche d'or vivait sur terre uniquement par l'Esprit.
Il était comme un esprit libéré du corps. Malgré
cette performance, Bouche d'Or ne réussit pas à faire abstraction
de l'hiver qui était arrivé à Cucuse. Dans cette région
l'hiver est terrible. Il fut plus fort que la force du saint. Bouche d'Or
était un homme du sud, un Syrien. Lorsque l'hiver s'abattit sur
Cucuse, le vieil exilé fut terrassé. Il le dit lui-même:
«Je
suis allé jusqu'aux portes de la mort et durant deux mois je n'ai
eu de vie que pour sentir les maux.» Il ne quitta plus la
maison. L'air froid de Cucuse était une boisson trop forte pour
sa poitrine et ses poumons.
P.260 Il voulait christianiser
l'Asie. Les deux moitiés de l'empire romain pensaient à Bouche
d'Or. Il était le symbole de l'héroïsme chrétien.
Les preuves, les témoignages d'amitié arrivaient à
Cucuse de tous les coins du monde. Les missionnaires qui travaillaient
sous ses ordres devenaient de plus en plus nombreux.
P.263 Aux yeux de la
jeunesse chrétienne de l'époque, Bouche d'Or symbolisait
l'apogée de la vertu et de la foi. Il existait des milliers de jeunes
qui voulaient venir l'écouter et se nourrir de son enseignement,
de la «véritable philosophie», ainsi qu'on appelait
alors l'enseignement de Jésus.
P.264 A cette époque,
la gloire du martyre de Bouche d'Or était passée dans la
légende et le monde entier priait pour lui.
Chapitre 16
P.265 Bouche d'Or n'était
pas un doctrinaire, mais il savait que l'Église du Christ était
une et apostolique sur toute la surface du globe. Bouche d'Or savait que
le gouvernement de cette Église était confié aux évêques
et que nulle personne laïque n'avait le droit de les supplanter. Lorsque
l'empereur d'Orient s'en mêla, Bouche d'Or s'adressa au pape Innocent.
P.266 A cette époque, Rome n'avait pas le prestige qu'elle détient
aujourd'hui. Mais à Rome les évêques avaient moins
à craindre les interventions impériales.
Les conseillers du
pape Innocent, Augustin et Jérôme lui donnèrent le
conseil de ne pas prendre la défense de Bouche d'or, parce que cette
immixtion dans les affaires de l'Élise d'Orient pourrait avoir des
conséquences fatales. Le pape Innocent qui appréciait au
plus haut point Jérôme et Augustin refusa leurs conseils.
Il dit qu'il n'existait pas une Église orientale et une Église
occidentale, mais une seule Église, celle du Christ. Il dit qu'il
était le successeur des apôtres, le gardien des clefs de saint
Pierre et que son devoir était de défendre l'Église
du Christ là où elle était en péril et sans
tenir compte des frontières.
P.271 Arcadius accepta
que les saint fût tué afin de mettre fin à cette intervention
de Rome. Les évêques furent à ce point enchantés
de la décision impériale, qu'ils promirent de tuer Bouche
d'Or avec une telle discrétion que, même Dieu, le Père
Céleste, ne s'en apercevrait point!
P.274 Bouche d'Or devait
être contraint à marcher jusqu'à ce que mort s'ensuive.
Car telle était la mission des policiers. Alors il se passa une
chose inexplicable: le saint ne se fatiguait pas. Le saint marchait, plus
infatigable que les jeunes policiers qui l'escortaient. Bouche d'Or supporta
la faim, la soif, mieux que ses gardes. Cela étonna tellement les
policiers que l'un d'entre eux crut que c'était un miracle et essaya
de ménager l'évêque. Le 2ème était irréductible.
Il savait que si le prisonnier ne mourait pas en chemin, il ne recevrait
ni argent, ni avancement, ni congé. Pensant à tout cela,
il espaça les haltes au risque de tomber lui-même malade.
P.275 Bouche d'Or marchait
courageusement. il savait qu'il marchait vers le ciel. Bouche d'Or marchait
sur la route de la sainteté depuis son enfance et il savait que
cette route était rude.
Dieu avait demandé
à Jean Bouche d'Or les mêmes sacrifices qu'à Job. Jean
lui avait tout donné avec foi. Et maintenant Dieu était satisfait
de la résistance de son athlète Jean. Dieu ne voulut plus
rien demander à cet athlète qui avait subi toutes les épreuves.
Jean venait d'avoir 58 ans. Il n'avait plus que la peau et les os. Jean
aurait combattu encore, parce qu'il ne refusait aucun combat. Dieu, dans
sa charité, estima que Bouche d'Or avait droit au repos.
P.276 Dieu lui envoya
saint Basilisque. L'Évêque Jean Bouche d'Or dormait près
de l'église consacrée à saint Basilisque, martyr qui
avait été supplicié en ce lieu. Saint Basilisque se
présenta à Jean dans son sommeil et lui dit qu'il avait subi
toutes les épreuves terrestres qui menaient au ciel. «Courage,
frère Jean, car demain nous serons ensemble.» Saint Basilisque
se présenta ensuite au prêtre qui prenait soin de l'église
et lui dit: «Prépare une place pour mon frère Jean,
car voici qu'il arrive.»
Une fois rendu à
l'église de saint Basilisque, il se déshabilla. Il donna
ses bottes aux pauvres. Puis Bouche d'Or leur donna son vêtement
usé; il donna sa chemise; il donna le mouchoir avec lequel il avait
essuyé la sueur de son front. Il donna aux pauvres tout ce qu'il
possédait. P.277 Tout pour les pauvres, il ne garda qu'une longue
chemise blanche. Et après qu'il eut tout donné, il s'étendit
sur les dalles qui pavaient l'église. Il demanda la communion. Tout
cela avec calme. Puis il dit: «Gloire à
Dieu en toutes choses. Amen.»
Et Bouche d'Or, vêtu
de sa chemise blanche, étendu sur les dalles de l'église,
mourut. Il passa au ciel comme si rien n'était arrivé. Serein.
Comme s'il avait dit Amen.
Épilogue
P.278 Le pape Innocent
lutta jusqu'à la fin de ses jours pour la réhabilitation
de Jean Bouche d'Or. Les prêtres et les évêques qui
s'étaient déclarés contre le saint martyr furent éloignés
de la communion avec Rome. Atticus de Constantinople accepta lui-même
que le nom de Jean fût rétabli dans la liste des évêques.
En 438 les restes de
Bouche d'Or furent transférés de Comane à Constantinople.
La foule des pauvres et des loqueteux était agenouillée et
pleurait, appelant Bouche d'Or comme s'il avait été encore
en vie. A cette cérémonie assistait, versant des larmes,
Théodose II, le fils d'Arcadius et d'Eudoxie, les assassins du saint.
P.279 Jean entra dans l'histoire, comme un martyr, et aussi comme le plus
grand des orateurs chrétiens. De là son surnom de Bouche
d'Or, en grec Chrysostome. En 1908 Rome proclama Bouche d'Or patron des
orateurs chrétiens.
Yvan
Rheault: «On est rendu loin de Paul qui disait qu'il n'avait pas
parler avec éloquence, mais amenait les hommes au salut par la démonstration
de la puissance de Dieu par des révélations des mystères,
des miracles et par une vie sainte.
1Co
1:17 Ce n'est pas pour baptiser que Christ m'a envoyé, c'est pour
annoncer l'Évangile, et cela sans la sagesse du langage, afin que
la croix de Christ ne soit pas rendue vaine. 19 Aussi est-il écrit:
Je détruirai la sagesse des sages, Et j'anéantirai l'intelligence
des intelligents. 20 Où est le sage? où est le scribe?
où est le disputeur de ce siècle? Dieu n'a-t-il pas convaincu
de folie la sagesse du monde? 21 Car puisque le monde, avec sa sagesse,
n'a point connu Dieu dans la sagesse de Dieu, il a plu à Dieu de
sauver les croyants par la folie de la prédication.
1Co.2:
4 et ma parole et ma prédication ne reposaient pas sur les
discours persuasifs de la sagesse, mais sur une démonstration d'Esprit
et de puissance, 5 afin que votre foi fût fondée, non
sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu.
1Co.4:19
Mais j'irai bientôt chez vous, si c'est la volonté du Seigneur,
et je connaîtrai, non les paroles, mais la puissance de ceux qui
se sont enflés. 20 Car le royaume de Dieu ne consiste pas
en paroles, mais en puissance.
2Co.11:6
Si je suis un ignorant sous le rapport du langage, je ne le suis point
sous celui de la connaissance, et nous l'avons montré parmi vous
à tous égards et en toutes choses.
Comme dans le temps
de Jean Bouche d'Or, aujourd'hui on forme dans des séminaires avant
tout des prêcheurs, on leur donne des cours d'homilétique
afin qu'ils apprennent à faire des beaux sermons et puissent convaincre
l'intellect de leurs auditeurs, la puissance de Dieu est rendue dans les
paroles au lieu d'en être distincte, car en dehors des discours persuasifs
de la sagesse chrétienne, il n'y a plus aucune puissance pour convaincre
les gens de la vérité. Mais gloire à Dieu, c'est en
train de changer. Les chrétiens redécouvrent que l'homme
n'a pas seulement un esprit, mais aussi une âme et un corps qui ont
besoin d'être restaurés, et Jésus redevient le Sauveur
de l'homme tout entier, celui qui sauve l'esprit de la perdition éternelle,
l'âme de ses péchés et le corps de ses maladies».
retour
Yvan
Rheault: «Jean aurait pu aspirer à la plus haute gloire des
hommes, étant le maître dans la profession la plus estimée
de son temps, il aurait pu devenir immensément riche, mais devant
la splendeur de Christ toutes ces choses allaient devenir pour lui comme
de la boue». retour
Yvan
Rheault: «Constance avait été une occasion de chute
pour Julien, comme le mauvais comportement des chrétiens l'avaient
été pour Gandhi. «Malheur à celui qui scandalise
un seul de ces petits qui croient en moi» dit Jésus. Julien,
comme Gandhi, n'a toutefois pas passé le test de l'épreuve
de la foi, il n'avait pas de communion intime et réelle avec Dieu
ou bien il ne l'a pas chéri au-delà de tous les affronts
que les chrétiens indignes de ce nom lui ont fait subir».retour
Yvan
Rheault: «Paroles consternantes de la part de quelqu'un qui a choisi
de se faire aveugler par la méchanceté de certains chrétiens
pour devenir la proie de la vaine philosophie des hommes Col.2:8. Il sera
jugé selon ses oeuvres Ro.2:6, et ne pourra échapper à
la colère de Dieu Jn.3:36, Ro.1:18-32 après avoir négligé
un si grand salut Hé.2:3». retour
Yvan
Rheault: «Cela fait penser à l'écroulement de l'Union
soviétique, quand ils déboulonnaient les statues de Lénine
et de Staline et qu'ils démolissaient le mur de Berlin.»retour
Yvan
Rheault: «Cela rappelle le début de l'Église quand
il y avait eu aussi des conversions par milliers. Ac.2:41, Ac.4:4, Ac.18:10,
Ac.21:20. Ne pas regarder en arrière, Lu.9:62, Ph.3:13, on brûle
les livres pour marquer un changement définitif, Ac.19».retour
Yvan
Rheault: «On a perdu un peu l'importance de former des disciples
comme Jésus l'a fait, en les ayant toujours avec lui pour qu'ils
apprennent non seulement la doctrine mais aussi le caractère, la
sainteté. Celui qui veut avancer dans le Seigneur a intérêt
à se trouver quelqu'un qui est plus avancé que lui et s'y
attacher. C'est ce que les apôtres ont fait, c'est ce que Paul recommande
à Timothée et à l'église, c'est ce que Jack
Deere a fait en suivant Paul Cain, et Zeb Bradford Long en suivant Archer
Torrey. Car nos mentors ne peuvent nous donner que ce qu'ils ont et c'est
pourquoi nous devrions profiter des occasions, quand elles se présentent,
de faire comme Élisée avec Élie et lui demander une
double portion de son esprit; ce qui peut être possible tant qu'on
reste avec lui, en Jésus. Comme Paul a communiqué aux romains
ses dons spirituels, Archer Torrey l'a fait avec Brad Long et Paul Cain
l'a fait avec Jack Deere, comme il est écrit dans 2Ti.1:6
C'est pourquoi je t'exhorte à ranimer le don de Dieu que tu as reçu
par l'imposition de mes mains. 7 Car ce n'est pas un esprit de timidité
que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d'amour et de sagesse.
1Ti.4:
12 Que personne ne méprise ta jeunesse; mais sois un modèle
pour les fidèles, en parole, en conduite, en charité, en
foi, en pureté. 13 Jusqu'à ce que je vienne, applique-toi
à la lecture, à l'exhortation à l'enseignement.
14 Ne néglige pas le don qui est en toi, et qui t'a été
donné par prophétie avec l'imposition des mains de l'assemblée
des anciens. 15 Occupe-toi de ces choses, donne-toi tout entier
à elles, afin que tes progrès soient évidents pour
tous. Et pour paraphraser une parole bien connue de Paul: "Comment
donc croiront-ils aux dons spirituels s'ils ne les ont jamais vu se manifester
et s'il n'y a personne qui les aient reçus pour les manifester?»retour
Yvan
Rheault: «Telle était la mentalité à l'époque,
Jésus prie plutôt son Père de ne pas les retirer du
monde mais de les préserver du mal Jn.17:15. Paul lui-même,
le modèle de Jean 1Co.5:9 Je vous ai
écrit dans ma lettre de ne pas avoir des relations avec les impudiques,
- 10 non pas d'une manière absolue avec les impudiques de
ce monde, ou avec les cupides et les ravisseurs, ou avec les idolâtres;
autrement, il vous faudrait sortir du monde. 11 Maintenant, ce que
je vous ai écrit, c'est de ne pas avoir des relations avec quelqu'un
qui, se nommant frère, est impudique, ou cupide, ou idolâtre,
ou outrageux, ou ivrogne, ou ravisseur, de ne pas même manger avec
un tel homme. Une lumière n'a son utilité qu'où
des hommes peuvent la contempler et être réchauffé
par sa chaleur. Comparez cependant Jn.5:35 où Jean-Baptiste, l'archétype
des anachorètes, fut une lumière témoignant de Jésus
à tous ceux qui venaient à lui. A l'époque de Chrysostome,
plusieurs allaient dans les déserts pour chercher une lumière,
une direction divine auprès des ascètes; comme les «haut-placés»,
sans jeu de mots, qui allaient voir Siméon le Stylite pour recevoir
des conseils sur la façon de se comporter dans telle ou telle situation.»
retour
Yvan
Rheault: «Comme Paul dit, en n'ayant pas soin de satisfaire les convoitises
de la chair mais en se revêtant des sentiments qui sont en Jésus
Ro.13:14, Ph.2:5, on cesse de mettre du bois dans le feu des passions.
Moins que les sens sont stimulés plus il est facile de contrôler
nos émotions et de marcher par l'Esprit. La méthode de Jean
était pour le moins drastique mais elle a été certainement
efficace dans son cas. 1Pi.4:1 Ainsi donc, Christ ayant souffert dans la
chair, vous aussi armez-vous de la même pensée. Car celui
qui a souffert dans la chair en a fini avec le péché, 2
afin de vivre, non plus selon les convoitises des hommes, mais selon la
volonté de Dieu, pendant le temps qui lui reste à vivre dans
la chair. 3 C'est assez, en effet, d'avoir dans le temps passé
accompli la volonté des païens, en marchant dans la dissolution,
les convoitises, l'ivrognerie, les excès du manger et du boire,
et les idolâtries criminelles.» retour
Yvan
Rheault: «Cette attitude de Bouche est presque impensable aujourd'hui
tellement le matérialisme a imbibé notre société
occidentale et pourtant elle est selon l'interprétation littérale,
chère à l'école d'Antioche, des paroles de Jésus
lui-même: Lu.14: 26 Si quelqu'un vient
à moi, et s'il ne hait pas son père, sa mère, sa femme,
ses enfants, ses frères, et ses soeurs, et même sa propre
vie, il ne peut être mon disciple. 27 Et quiconque ne porte
pas sa croix, et ne me suit pas, ne peut être mon disciple. 33
Ainsi donc, quiconque d'entre vous ne renonce pas à tout ce qu'il
possède ne peut être mon disciple. »
Gospel According to
Jesus par John MacArthur P.139 «Ceux qui ont eu un aperçu
de la valeur du royaume donneront alors avec joie tout ce qu'ils ont pour
l'obtenir. Notez la grande joie de l'homme qui avait tout vendu après
avoir trouvé le trésor Mt.13:44. C'était rien pour
lui de sacrifier toutes ses possessions en échange de quelque chose
de bien plus grande valeur. Pour lui, c'était un prix joyeux à
payer de que céder toutes ses autres possessions afin d'acquérir
une fortune si immense.
C'est comme cela avec
le salut. Paul est l'illustration par excellence de celui qui a compris
la joie d'abandonner toutes choses pour obtenir un gain additionnel. Ph.3:7-8.
Le vrai prix du salut
Doit-on littéralement
vendre tout ce que nous possédons et faire un voeu de pauvreté
avant de pouvoir être sauvés? Non. Ces paraboles n'enseignent
pas non plus que les pécheurs doivent se débarrasser eux-mêmes
de leurs péchés avant de venir à Christ. Ce qu'elles
veulent dire c'est que la foi salvifique ne retient aucun privilège.
Elle ne s'accroche à aucun péché chéri, aucune
possession gardé préciseusement, à aucune indulgence
personnelle. P.140 Elle est une reddition inconditionnelle, un désir
de faire tout ce que le Seigneur demande». retour
Yvan
Rheault: «Nous autres, évangéliques, avons l'habitude
de mettre l'accent sur le salut par la foi Ep.2:8 plutôt que le salut
par le baptême. Mais ces deux expressions ne n'excluent pas mutuellement
Mc.16:16, Mt.28:19, Ac.2:38, car le salut par la foi implique bien plus
que l'acceptation d'un credo, il implique la repentance qui est le renoncement
aux oeuvres mortes, le pardon des péchés, la conversion qui
est l'obéissance aux commandements de Jésus, dont le baptême
fait partie. En fait le baptême suit logiquement la foi, car c'est
poser un geste obéissant de foi que de vouloir se faire baptiser
au nom de Jésus, on s'identifie alors publiquement à sa mort
au monde et au péché Ro.6. Bien entendu le baptême
sans la foi n'a plus sa raison d'être n'étant plus l'expression
extérieure de la réalité intérieure Ac.8:36-37.»retour
Yvan
Rheault: «L'apôtre Jean dit aussi cependant: Sois en bonne
santé comme prospère ton âme 3Jn.2. Ce que Paul encourage
à faire mourir ne sont pas les membres du corps physique comme les
bras et les jambes mais les actions du corps Ro.8:13, comme l'impudicité,
la colère, etc. Lewis et Roberts montrent comment les esprits mauvais
parviennent à séduire les chrétiens désireux
de progresser dans la sanctification en les convaincant de s'abstenir du
mariage et de viande, comme Chrysostome l'a fait, les marques de l'ennemi
étant visible dans tout son corps décharné. Mais ce
qui aurait dû être la preuve que cela ne venait pas de Dieu
était plutôt une gloire pour les chrétiens de cette
époque. Paul ne se privait pas volontairement, il savait vivre dans
l'abondance, il ne la voyait pas comme une entrave à sa sanctification,
il savait aussi accepter la disette et s'en contenter, mais Chrysostome
et ses contemporains se plongeaient volontairement dans la disette à
l'encontre de ce que Paul recommande dans 2Co.8:13-15 12 La bonne
volonté, quand elle existe, est agréable en raison de ce
qu'elle peut avoir à sa disposition, et non de ce qu'elle n'a pas.
13 Car il s'agit, non de vous exposer à la détresse
pour soulager les autres, 14 mais de suivre une règle d'égalité:
dans la circonstance présente votre superflu pourvoira à
leurs besoins, afin que leur superflu pourvoie pareillement aux vôtres,
en sorte qu'il y ait égalité, 15 selon qu'il est écrit:
Celui qui avait ramassé beaucoup n'avait rien de trop, et celui
qui avait ramassé peu n'en manquait pas. L'erreur vient d'une
mauvaise interprétation de 1Co.9:27 où Paul parle qu'il traite
durement son corps, ce qui fut compris par l'exercice de la mortification
du corps alors que le contexte du chapitre montre que Paul parlait de son
attitude de se faire tout à tous afin d'en sauver le plus grand
nombre, étant prêt jusqu'à subir des privations pour
faire avancer la cause de l'évangile. Ces privations n'étaient
donc pas une fin en soi pour obtenir la sanctification mais un moyen pour
faire avancer l'oeuvre de Dieu.»
War on the Saints -
Lewis et Roberts: «P.15 C'est le caractère des esprits qui
est décrit dans 1Ti.4:1-3, pas celui des hommes. P.16 Le danger
de l'Église à la fin des temps, vient alors des êtres
surnaturels
hypocrites qui prétendent
être ce qu'ils ne sont pas, qui apportent des «enseignements»
qui apparaissent contribuer à une plus grande sanctification, en
produisant un ascétisme sévère de la «chair»,
mais qui sont eux-mêmes pervers et impurs, et apportent en ceux qu'ils
séduisent la fétidité de leur propre présence.
Où ils séduisent ils prennent possession; et alors même
que le croyant séduit pense qu'il est plus «saint» et
plus «sanctifié», et plus délivré des
désirs de la chair, ces esprits hypocrites polluent celui qui est
séduit par leur présence, et sous le couvert de la sainteté
ils tiennent leur terrain, et cache leurs agissements. Le danger touche
chaque enfant de Dieu, et aucun chrétien spirituel n'ose dire qu'il
est exempt du danger. La prophétie du St-Esprit déclare que
1° «quelques
uns s'écarteront de la foi
2° la raison de
leur chute sera qu'ils auront écouté des esprits séducteurs,
c'est-à-dire que la nature de leurs oeuvres ne sera pas reconnue
comme étant mauvaise, mais ce sera une séduction, qui recouvrera
leur action. L'essence de la
séduction est
que l'opération sera considérée comme étant
sincère et pure.
3° La nature de
la séduction sera une doctrine de démons, c.à.d. que
la
séduction sera
dans la sphère doctrinale.
4° La manière
que la séduction est apportée sera que les «doctrines»
seront enseignées avec hypocrisie, c.à.d. énoncées
comme si elles étaient vraies.
5° Deux indications
de l'effet de ces doctrines inspirées par des mauvais esprits sont
données:
a) la défense
de se marier
b) l'abstention de
viande; les deux, Paul dit sont «créés par Dieu».
Par
conséquent
leur enseignement est marqué par l'opposition à Dieu, même
dans Son oeuvre de Créateur.»
P.48 Est-ce que des
«âmes honnêtes» peuvent être séduites?
Une idée prévalente
que de tels croyants ont enraciné profondément dans leur
pensée, est que des «honnêtes chercheurs de Dieu»
ne seront pas permis d'être séduits. C'est un des mensonges
de Satan, qui attirent de tels croyants dans une fausse position de sécurité.
Parmi de tels croyants
dévoués, les esprits menteurs ont travaillé sur leur
détermination à obéir littéralement aux Écritures,
et par leur mauvaise utilisation de la lettre de la Parole écrite,
ils les ont poussés dans des stades de vérité débalancée,
ce qui a résulté à des pratiques erronées.
Plusieurs de ceux qui ont souffert à cause de leur adhérence
aux «commandements bibliques», croyaient fermement qu'ils étaient
des martyrs souffrant pour le Christ.
Le monde appelle ces
dévots des excentriques, des fanatiques religieux, et cependant
ils donnent l'évidence de la plus haute dévotion et du plus
grand amour pour la personne du Seigneur, et pourraient être délivrés,
s'ils avaient seulement compris pourquoi les puissances des ténèbres
les avait séduits, et la façon qu'ils pouvaient être
libérés de leur puissance. retour