Discours prononcé à Lausanne, place de Montbenon,
le dimanche 5 mars 1922, à 3 heures.
Jean 14,21 : Celui qui a reçu mes commandements et qui les garde,
c'est celui-là qui m'aime.
Et celui qui m'aime sera aimé de mon Père, je l'aimerai et
je me ferai connaitre à lui.
Connaissance incomplète de Jésus-Christ.
Il ne se fait pas connaître à chacun, mais seulement à
ceux qui y sont préparés et cherchent la vérité
de tout
leur cœur. Il ne veut pas se révéler à nous dans
l'impatience et le tourbillon de la vie. Nous lisons dans Marc
8, 22 , qu'un jour où notre Sauveur se trouvait dans la ville
de Bethsaïda, entouré de la foule, il y avait là un
aveugle venu d'un village des environs, que ses amis amenèrent
à jésus, afin qu'Il le guérit. Christ alors,
prenant l'aveugle par la main, le fit sortir du village.
Il ne voulait pas le guérir au milieu de la foule, qui aurait
pu être une entrave à 1'œuvre qu'il désirait
accomplir. Le Seigneur fit alors une chose que, sans doute, vous n'aimeriez
pas du tout : Il mit de la salive
sur les yeux de cet homme. Si certains d'entre nous avaient été
là, ils auraient perdu la foi. Nous n'aurions
pas aimé cette salive et nous aurions dit : «.Mais ne
peut -il pas le guérir d'un mot, sans même toucher le
malade ? » Pourtant, il y avait une cause déterminée
à cet acte. La salive ne contenait aucune médecine,
aucun remède, mais Christ désirait se rendre compte de
la foi de l'aveugle : « S'il ne fait pas d'objection, je
le guérirai ». Cet aveugle avait de la foi, certainement,
mais il y avait encore quelque difficulté; sa foi n'était
pas entière, il y avait un déficit dans sa foi, aussi
ne reçut-il qu'une demi-guérison. Christ lui demande s'il
voit quelque chose, et il répond : « je vois des hommes
qui marchent et qui sont comme des arbres... »
Mais les hommes ne sont pas comme des arbres! Ses yeux n'étaient
qu'à demi-ouverts; il ne pouvait pas
voir les choses clairement, aussi Christ dut- il toucher ses yeux de
nouveau. Au commencement, il n'avait
pas assez de foi pour que Christ pût le guérir et il ne
reçut qu'une demi-vue, mais ensuite sa foi augmenta, il
crut entièrement et reçut alors une guérison complète.
Il y a, aux Indes, des gens qui ressemblent à cet aveugle. Leurs
yeux sont ouverts, mais ils n'ont reçu qu'une
demi-vue, ils ne voient pas distinctement. De même que cet aveugle
vit des hommes qui étaient comme des
arbres, de même beaucoup de chrétiens, aux Indes, ne réalisent
pas, ne voient pas Christ. Ils pensent qu'il
n'a été qu'un homme et ne voient pas qu'Il est Dieu.
L'agitation, le manque de prière et le péché empêchent
de connaître Christ comme Sauveur.
Pour pouvoir donner à cet aveugle une vue entière, Christ
le fit sortir de la foule. Si nous consacrons du
temps à la prière, dans une retraite tranquille et solitaire,
nous recevrons une vue entière. Ici, en Europe, les
gens sont tellement occupés qu'ils n'ont pas le temps de voir
leur Dieu. C'est très bien de travailler, mais il
est nécessaire d'avoir un peu de temps pour être seul
avec Dieu, sinon nous ne pouvons pas voir Dieu, nous
ne pouvons pas comprendre les choses de l'ordre spirituel.
Cependant, il y en a aussi en Europe qui connaissent vraiment Christ
comme le Sauveur vivant et qui
partent comme missionnaires. D'autres, qui ne peuvent pas partir eux-mêmes,
aident par leurs dons ceux qui
s'en vont afin que les contrées qui n'ont pas encore eu l'occasion
de recevoir l'Evangile puissent à leur tour
en entendre le message. Mais nous ne pouvons rien faire pour les autres
si nous n'avons pas premièrement
compris et réalisé nous-mêmes qui est Jésus-Christ.
Beaucoup d'entre nous le connaissent comme le Fils de
l'homme, ainsi que c'était le cas pour l'aveugle-né.
Cet homme aurait dû être infiniment reconnaissant car,
enfin, il était né aveugle et ses yeux furent miraculeusement
ouverts; mais, bien qu'il eût reçu la vue, il y
avait une chose des plus importantes qu'il ignorait encore. Sans doute,
lorsque ses connaissances
l'interrogèrent, lui demandant comment il avait trouvé
la guérison, il rendit ce témoignage : « Jésus-
Christ
m'a guéri. » Mais, quand jésus, l'ayant rencontré
de nouveau, lui demanda : « Crois-tu au Fils de Dieu ? »,
il ne savait pas du tout de qui il était question. Il connaissait
le Fils de l'homme, mais il ne savait pas que
jésus, le Fils de l'homme, est aussi le Fils de Dieu, de sorte
que, ayant reçu la vue de ses deux yeux, il avait
reçu jésus comme le Fils de l'homme; n'ayant pas reconnu
que ce même jésus est le Fils de Dieu, il n'avait
pas reçu la vue de l'Esprit. Combien de chrétiens, dont
les yeux paraissent être ouverts, ne voient Christ que
comme un grand homme, un homme parfait, sans discerner en Lui le Christ
vivant, Dieu incarné. La vue
des yeux du corps ne suffit pas; il faut posséder la vue spirituelle.
Ce sont nos yeux spirituels qui doivent
s'ouvrir et alors nous voyons, en Jésus-Christ, le Fils de Dieu
Lui-même.
Beaucoup de chrétiens sont comme Marie, qui aimait Jésus-Christ
et allait le voir dans son tombeau lorsqu'Il
ressuscita des morts. Elle aimait jésus de toute son âme
et pourtant, quand elle le vit sorti du tombeau elle
ne le reconnut pas. Sa vue était troublée par les larmes,
il y avait devant ses yeux comme un brouillard qui
l'empêchait de le reconnaître; elle crut que c'était
le jardinier. C'est ainsi pour beaucoup de chrétiens, ils
aiment jésus sans reconnaître en Lui le Sauveur qui se
leva d'entre les morts, le Christ vivant. Ils ne peuvent
pas le reconnaître à cause du brouillard du péché
et de l'erreur; ils ont des larmes de tristesse plein les veux.
Mais, quand ils ouvrent leur cœur à Christ, alors ils le reconnaissent.
Marie reconnut sa voix. Si nos cœurs
sont remplis de sa présence, nous le reconnaissons partout.,
dans le jardin, dans les lieux solitaires, lui,
jésus, le Sauveur du monde. Il s'est fait homme pour nous et,
parce qu'il a vécu comme un homme, nous ne
pouvons pas croire qu'il est Dieu.
Parabole du propriétaire de moutons déguisé.
Il y a quelques années, dans les montagnes de I'Himalaya, je
rencontrai un homme qui possédait plusieurs
centaines de moutons. Ayant perdu quelques- uns de ces animaux, égarés
ou malades dans la montagne, il
demanda à ses serviteurs d'aller à leur recherche; ils
refusèrent, par crainte des bêtes féroces. Voyant que
ses serviteurs avaient peur, le maître décida d'aller
lui-même à la recherche de son troupeau perdu, pour le
sauver. En réfléchissant à la chose, il se dit
: « Si je vais tel que je suis, les moutons ne me reconnaîtront
pas. Ils connaissent mes serviteurs qui les ont conduits au pâturage,
mais moi ils ne me connaissent pas. Ils
faut que je ressemble à un mouton et ils me suivront ! »
Cet homme fit alors une chose bien extraordinaire :
Il se couvrit d'une grande peau de brebis et sortit ainsi vêtu,
en s'efforçant de marcher comme un mouton.
Les moutons ne s'effrayèrent pas du tout en voyant arriver cet
être qui leur ressemblait tellement, et il put
ainsi les ramener au bercail. Tout heureux d'avoir sauvé tous
ses moutons égarés, le maître enleva la peau
de brebis. Le troupeau dut alors être très surpris, car
il croyait avoir à faire à une brebis et voilà que
c'était
un homme. Il était devenu pareil à une brebis, afin de
sauver ses brebis perdues, par amour pour son
troupeau. Jésus-Christ, qui est Dieu, s'est fait homme par amour,
afin de sauver ceux qui étaient perdus.
Les aveugles spirituels croient qu'il n'est qu'un homme, mais le temps
viendra où ils comprendront qu'il n'est
pas un simple homme, qu'Il est le Fils de Dieu, qui s'est fait homme
pour sauver l'humanité perdue. Ceux
qui mettent du temps à part pour la prière ne sauront
pas cela au dernier jour seulement, mais le
comprendront déjà dans ce monde. Ils sauront que, bien
qu'il ait été semblable à nous et qu'il ait vécu
en
Palestine comme un simple homme, il était Dieu. Cela, le monde
ne peut pas le reconnaître; les hommes de
prière seuls arrivent à le réaliser. Il y a quelques
années, moi aussi je ne le connaissais pas tel qu'il est; je
pensais qu'il n'était qu'un grand homme.
Le Christ vivant est apparu à Sundar Singh lors de sa conversion.
J'aimerais redire ici comment je me suis converti, comment je suis devenu
chrétien. Beaucoup d'entre vous
ne savent pas que j'étais un ennemi de Jésus-Christ.
je déchirais l'Evangile et je le jetais au feu; je pensais :«
C'est une religion fausse; notre hindouisme est la seule vraie religion
». Quand, tout jeune encore, je ne fus
plus satisfait par ma religion, je ne voulus pourtant pas croire à
Jésus-Christ et je pensai à me suicider.
Un matin, je me levai de très bonne heure, je pris un bain froid
et me mis à prier, demandant que, si Dieu
existe, Il vînt me montrer le chemin du salut. A cinq heures
du matin, un train devait passer et j'avais décidé
de me suicider en me mettant sur les rails, si je n'avais pas auparavant
trouvé la paix. je priais donc pour
que Dieu se révélât à moi, sinon j'irais
me suicider, afin de le rencontrer dans l'autre monde. Au bout d'une
heure et demie de prière, je vis quelque chose de merveilleux
que je ne compris pas tout d'abord. Là, dans
ma chambre, le Christ glorieux m'apparut et me dit d'une voix pleine
de douceur : « jusqu'à quand me
persécuteras-tu ? je suis mort pour toi; je suis le Sauveur
du monde ». je ne m'y serais jamais attendu.
C'était le 18 décembre 1904, et trois jours auparavant
j'avais brûlé la Bible ! Alors, la puissance du Christ
vivant me pénétra et je trouvai mon Sauveur, mon tout.
Lorsque je me relevai, Il avait disparu, mais la paix merveilleuse qui
remplissait mon coeur ne m'a pas
quitté. Il faisait encore nuit quand j'allai réveiller
mon père, qui dormait dans une autre chambre, et lui
racontai ce qui m'était arrivé. je lui dis : «
Maintenant, je suis chrétien ». Il ne pouvait pas le croire
: «
Comment ! Avant-hier tu brûlais la Bible et aujourd'hui tu serais
chrétien ! C'est impossible ! » je répondis :
« C'est vrai ! je connaissais Jésus-Christ par les livres,
mais maintenant je Le connais, Lui, le Christ vivant,
parce que je l'ai vu et je sais qu'Il est Dieu. Je l'ai haï aussi
longtemps que j'ai cru qu'il n'était-qu'un homme,
mais maintenant Il s'est révélé à moi,
je veux le servir ».
Si je n'avais pas vu le Christ vivant, je n'annoncerais pas l'Evangile
que je brûlais il y a quelques années.
Cependant, je ne suis pas ici pour prêcher, mais pour rendre
témoignage de ce que Jésus-Christ peut faire.
S'il peut se révéler d'une manière si magnifique
à un ennemi, combien plus peut-Il se révéler à
vous, qui le
connaissez depuis votre enfance ? Il ne suffit pas d'avoir entendu
parler de Jésus-Christ; il faut le connaître
lui-même, personnellement. je suis certain que, par la prière,
il se révélera aussi à vous; alors, vous le
connaîtrez tel qu'll est, et non seulement il se révélera
à vous, mais il viendra lui-même vous donner la
puissance, la joie, la paix, pour surmonter les tentations. C'est ma
propre expérience.
Nécessité de prier chaque matin et de rendre témoignage.
je ne vous dirai pas tout ce qu'il a fait pour moi, car vous ne pourriez
pas le comprendre. Les hommes ne
croient pas à ces choses, parce qu'ils ne les comprennent pas
et ils ne les comprennent pas, parce qu'ils n'en
ont pas fait l'expérience. Si vous priez, si, chaque matin,
vous savez réserver un moment de prière tranquille
avec le Seigneur, vous verrez des choses magnifiques, car tout est
possible avec Dieu et vous devez devenir
ses témoins.
Il est probable que je ne vous reverrai jamais, mais je veux encore
vous dire que, si vous ne consacrez pas
du temps à la prière et ne rendez pas témoignage
au Christ vivant, vous serez blâmés au jour du jugement.
je vous ai donné mon témoignage, je vous ai dit les choses
merveilleuses que le Seigneur a faites pour moi;
j'ai fait mon devoir. A vous maintenant de faire le vôtre. Il
ne suffit pas de s'appeler chrétien et d'entendre
parler de Christ, il faut apprendre à le connaître comme
son Sauveur personnel. Ce n'est que lorsque nous
sommes en relation intime avec Lui que nous, le connaissons et le servons;
alors, nous ne pouvons plus
nous taire; nous allons dire à d'autres que Jésus-Christ
est le Christ vivant.
Avant de quitter les Indes, je rencontrai un homme qui avait vu un enfant
né avec deux têtes. C'est une
chose extraordinaire qu'un enfant avec deux têtes, et cet homme
avait besoin de raconter cela. Eh bien, celui
qui a vu le Créateur luimême, comment pourrait-il se taire
? Ceux qui se taisent, ceux qui ne savent pas
ouvrir la bouche pour parler de Christ, ne l'ont pas vu, car si nous
l'avons vu, nous ne pouvons plus nous
taire, l'amour pour notre Sauveur nous contraint à parler; nous
devons dire : « Venez et voyez Celui qui est
le Christ vivant ». Il veut faire de grandes choses pour vous
aussi, si vous lui en donnez l'occasion. Il vous
demande de Lui consacrer quelques instants chaque jour pour vous recueillir
avec lui dans la prière, afin
qu'il puisse se révéler lui-même à vous,
mais vous n'avez pas le temps, vous êtes trop occupés !
Si vous n'avez pas de temps pour la prière, vous ne le connaitrez
jamais. C'est la prière seule qui peut vous
faire voir Jésus-Christ et alors il parlera à vos âmes.
Que Dieu nous aide à le connaître, et quand nous le
connaîtrons, nous aurons la puissance d'être ses témoins.
Hommage à la Mission.
Je désire ajouter quelque chose que j'ai oublié de vous
dire. J'ai rendu mon témoignage, mais je voudrais
aussi rendre témoignage à ces serviteurs du Christ, qui
sont venus d'Europe aux Indes pour annoncer
l'Evangile et dont j'ai vu le travail à Calicut et ailleurs.
Quelques-uns ont donné jusqu'à leur vie pour amener
les païens à Christ. Au dernier jour, Christ vous demandera
: « Qu'as- tu fait pour moi ? » Il y a peut-être
parmi vous des égoïstes, qui ne s'inquiètent pas
du salut des autres et ne pensent qu'à leur propre salut. Si
Christ avait pensé ainsi, il n'aurait jamais quitté le
Ciel pour descendre sur la terre, afin de nous sauver.
C'est notre devoir d'aider aux autres. Vous ne pouvez pas partir tous
comme missionnaires, mais tous vous
pouvez aider en priant et en donnant de l'argent. Si vous aimez Jésus-Christ,
c'est votre devoir d'aider les
serviteurs de Dieu dans leur travail missionnaire. Si vous ne faites
rien pour les autres, vous serez punis à
cause de votre égoïsme. Le monde est une grande famille.
Nous devons nous aider les uns les autres. Nous
devons être les témoins de Christ et aider ceux qui s'en
vont au loin porter leur témoignage; les aider de nos
prières et de notre argent.
- Saddhou Sundar Singh