EN EUROPE
SÉJOUR EN SUISSE
Je n'ai pas eu la pensée de savoir parmi vous
autre chose que Jésus-Christ etJésus-Christ crucifié.
Saint Paul.
En gare de Lausanne, le Sadhou fut reçu
par les membres du bureau de la Mission aux Indes. Le jeune
pasteur Francis Joseph avait été à sa rencontre
entre Marseille et Genève, et allait lui servir de secrétaire
durant son séjour en Suisse.
Sundar Singh portait, comme aux Indes, sa robe de
Sadhou jaune safran, descendant en longs plis
jusqu'à ses pieds qu'il avait nus dans des sandales ;
sur sa tête un turban de même couleur safran et, pour
tout bagage, un grand sac de cuir jaune.
Élancé, d'une stature au-dessus de
la moyenne, d'une beauté physique remarquable, il avait un visage
au
teint olive, entouré de cheveux et d'une barbe noirs,
caractéristiques de sa race, dont il était l'un des plus
nobles représentants. Sa démarche harmonieuse,
ses mouvements un peu lents, son regard profond, serein
et bienveillant, reflétaient la paix de son âme.
Sa personnalité si spéciale arrêtait immédiatement
l'attention
et suscitait sur son passage l'admiration de tous.
Une automobile le conduisit à
Chailly sur Lausanne où la maison du Dr et de Mme Pierre de Benoit
lui
était ouverte. En leur absence (ils étaient alors
aux Indes pour un travail missionnaire), nos enfants nous
avaient demandé, à M. van Berchem et à moi-même,
de les remplacer pour recevoir le Sadhou à leur
foyer. Ce fut pour nous un très grand privilège,
car il est impossible d'être en contact avec un homme qui
vit dans une telle communion avec Dieu sans en recevoir une bénédiction.
Lorsque je vis pour la première fois le Sadhou,
à son arrivée dans le salon de Chailly, je fus saisie par
son extraordinaire rayonnement. Sa belle physionomie, son maintien
calme et digne, la paix profonde de
son regard laissant deviner la pureté de son âme,
son humble simplicité, son amour rayonnant faisaient
penser au Maître qu'il servait. Les paroles de l'apôtre
s'imposèrent aussitôt à mon esprit : « Ce n'est
plus
moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi ». Il n'était
pas nécessaire de les entendre de ses lèvres, car tout en
lui rappelait l'image de Celui avec lequel il vivait dans une
constante intimité.
Beaucoup, en Suisse ou ailleurs, petits
ou grands, furent frappés de la sainteté émanant de
cet homme
qui ressemblait tant à son Maître ; témoin
les deux faits suivants :
En Angleterre, allant rendre visite à une
dame, le Sadhou sonne à la porte et donne son nom à la servante
qui vient lui ouvrir. La jeune fille le regarde avec étonnement,
puis, courant vers sa maîtresse : « Quelqu'un
désire vous voir, Madame, je n'ai pas compris son nom,
mais il est pareil à Jésus-Christ ! »
En Amérique, au cours d'une réunion,
une fillette de 4 ans, assise au premier banc, ne peut détacher
ses
yeux de ce mystérieux personnage à la longue robe
safran. Et quand il a fini de parler, de sa voix claire, la
petite fille demande à sa mère : « Est-ce
Jésus ? »
Pour nous cette impression du premier moment ne
s'effaça pas.
Le soir même de son arrivée, le comité
de la Mission aux Indes se réunit pour exposer au Sadhou son
plan d'évangélisation préparé avec
soin : deux réunions ici ; trois là ; les dix jours prévus
étaient tous
également remplis. Sundar hoche la tête. - Non,
dit-il, je ne puis accepter qu'une réunion par jour, deux
peut-être le dimanche, mais point le samedi. Il faut beaucoup
de prière avant et après chaque séance, si l'on
veut en retirer un bienfait spirituel. Il me serait aussi facile
de multiplier les réunions que de jeter des lettres
à la poste, mais vous n'en auriez aucune bénédiction.
Les organisateurs se regardent, fort
perplexes : tout était déjà organisé, annoncé
dans les journaux, les
temples et les salles retenues. Il était cependant impossible
d'insister. Il fallut écrire, télégraphier,
bouleverser les programmes.
Dès sa venue, le Sadhou me pria de ne recevoir
pour lui aucune visite : il serait débordé et n'aurait plus
un instant à lui. Déjà il était fort
occupé à dépouiller, avec son secrétaire, le
nombreux courrier qui lui
arrivait journellement.
Quelle déception pour tous ceux qui auraient
voulu le voir, et qui souvent venaient de loin. Un jour une
dame insista ; elle désirait lui poser une question lui
tenant fort à coeur : Que pensait-il du ministère de la
femme ? je lui offris de transmettre sa demande dès que
j'en aurais l'occasion.- Dites-lui, répondit Sundar,
que le premier grand message missionnaire de la résurrection
fut confié par Jésus à une femme (*).
Lorsqu'une femme a reçu une révélation de
la part du Seigneur, elle a le droit et le devoir de la proclamer.
Mais, ajouta-t-il avec malice, « il
y en a qui parlent trop... »
Une autre question lui fut posée
au sujet du retour du Seigneur. Quels seront ceux qui seront enlevés
à
sa rencontre dans les airs, selon 2 Thess 4. 16-17 ? Sera-ce
tous ceux ayant reçu le pardon de leurs péchés
; ou comme quelques chrétiens le pensent, seulement les
vainqueurs, dont il est parlé dans les lettres aux
sept Églises de l'Apocalypse ; ceux qui ont réalisé
la plénitude du salut que Christ a apporté par sa mort sur
la Croix, c'est-à-dire le pardon, mais aussi la délivrance
du péché ; ceux qui auront été sanctifiés
entièrement, esprit, âme et corps, et conservés
irrépréhensibles, selon 1 Thess. 5. 13 ?
Le Sadhou répondit par une image
:- Lorsque vous approchez un aimant d'une aiguille, elle est aussitôt
irrésistiblement attirée à lui par une force
invisible, parce qu'elle est de même nature que l'aimant. Ainsi
lorsque Christ reviendra, il attirera à lui tous ceux
qui auront reçu la nature divine, soit la vie de Christ en
eux. Ceux-là seront enlevés dans les airs à
sa rencontre par une irrésistible attraction. Rien ne pourra les
retenir sur la terre.
Durant ses longues journées solitaires dans
l'Himalaya, les facultés d'imagination du Sadhou avaient libre
cours. Il se représentait avec intensité les choses
célestes et, vivant le grand drame de l'Apocalypse, voyait
la Sainte Cité descendre du ciel. Il n'est pas étonnant
qu'il ait pris « à la lettre » la Parole de Dieu en
ce qui
concerne le retour du Christ. « Voici, il vient sur les
nuées, et tout oeil le verra, et ceux qui l'ont percé. »
- Quand les gens parlent du retour de Christ, dit-il,
ils déclarent que c'est une chose absurde. Ainsi, des
centaines d'ouvriers travaillèrent à la construction
de l'arche sans prendre au sérieux le jugement à venir.
Quand Christ réapparaîtra, il en sera de même
qu'au jour de Noé : combien de ministres qui bâtissent
l'arche, symbole de l'Église, n'aiment pas à entendre
parler de ce retour et pensent que Christ est déjà venu
« spirituellement » ! Mais la Bible dit : «
Ce Jésus qui a été enlevé au ciel du milieu
de vous, viendra de la
même manière que vous l'avez vu allant au ciel.
»
- Son retour est proche ; nous pouvons discerner déjà
les signes des temps. Auparavant l'humanité
passera encore par de grandes souffrances. La guerre (1914-1918)
n'a été qu'un faible châtiment ; une
profonde détresse régnera sur le monde entier,
et plus spécialement sur l'Europe.
Ces paroles ont été prononcées
en Suisse par le Sadhou, en 1922.
Le Sadhou, levé avant l'aube,
passait beaucoup de temps en prière et en méditation. Son
amour de la
solitude provenait du désir profond qu'avait son âme
d'être seule avec Dieu. Il avait demandé qu'on
l'appelât à l'heure des repas ; c'était sans
doute une contrainte à laquelle il s'était soumis en Europe,
mais
qu'il ne connaissait pas aux Indes.
Absorbé qu'il était par ses propres
pensées, l'effet d'une remarque de sa part était d'autant
plus frappant
par le silence qui l'avait précédé. Il voyait
toutes choses du point de vue spirituel et admirait les beautés
de
la nature plus que l'oeuvre des hommes.
Un jour, après le repas, assis sur la terrasse
devant la maison, nous entendîmes un avion qui bientôt
passa sur nos têtes avec un grand bruit. Après un
moment de silence :- Vous avez remarqué le bruit qu'a
fait cet avion ? c'est l'oeuvre des hommes. Mais observez le
vol d'un oiseau, la croissance d'une fleur,
votre pouls dans vos artères, c'est l'oeuvre de Dieu.
Elle est silencieuse, mais celle des hommes est
bruyante.
En effet, la voix de Dieu est un «
son doux et léger », qui ne peut être perçu que
dans le silence et la
tranquillité. Dans notre Europe agitée, bruyante,
où tant de voix discordantes se font entendre, il est difficile
de trouver une retraite paisible pour écouter Dieu, et
l'on comprend la nostalgie qu'avait le Sadhou du
silence des grandes solitudes.
Dans de simples entretiens en un cercle d'amis,
Sundar nous a parlé avec amour de son oeuvre au Tibet,
de la petite école d'évangélistes qu'il
put y former et qui lui tenait tant à coeur. Il nous a conté
ses visites à
l'ermite de Kailash et la vie de prière de cet homme de
Dieu qui intercède pour les saints répandus dans le
monde et que Dieu lui fait voir en esprit. Avant l'arrivée
du Sadhou, il le connaissait par une révélation
divine.
Ceci peut paraître étrange à
nos mentalités actuelles. Absorbés que nous sommes par les
choses visibles,
par les mille préoccupations de la vie moderne, nous restons
insensibles aux inspirations de l'esprit.
Pourtant les vues étroites et matérialistes du
siècle dernier sur l'univers, commencent à s'élargir
et un
horizon plus étendu s'ouvre devant nos yeux. Ne devons-nous
pas reconnaître humblement notre ignorance
en face des lois spirituelles qui dépassent notre entendement
et admettre que Dieu peut donner des visions
qui nous sont inconnues, à ceux qui, détachés
de la terre et de ses contingences, s'absorbent dans les
choses de l'esprit ?
A plus d'une reprise le Sadhou nous parla
de sa mort. Il avait l'intuition qu'il donnerait sa vie en martyr
au Tibet. Dans une de ses prédications, il dit ceci :-
je n'éprouve aucune crainte à la pensée de mourir
au
Tibet. Quand ce jour viendra, je l'accueillerai avec joie. Déjà
peut-être, l'année prochaine vous apprendrez
que j'ai perdu la vie là-bas. Ne pensez pas : il est mort,
mais
dites : il est entré dans le ciel et dans la gloire éternelle,
il est avec Christ dans la vie parfaite.
De tous les pays que visita le Sadhou, la Suisse
semble être celui qui ait été le plus près de
son coeur. Le
panorama des montagnes, avec leurs neiges éternelles,
lui rappelait l'Himalaya. Il consacra une journée à
l'Oberland bernois. Dans le Pays d'En-Haut, la neige couvrait
la vallée et un train spécial amena les
montagnards, qui se groupèrent graves et recueillis dans
la petite église de Gessenay. Il semble que le
Sadhou se soit senti là chez lui plus que partout ailleurs.-
J'aime les Suisses, dit-il a son retour.- Il préférait
la simplicité des villages aux grands rassemblements des
villes.
Partout sa présence attirait les
masses, et ses auditeurs étaient conquis d'emblée. Les temples
étaient
trop petits. A Tavannes, dans le jura, bien que ce fût
le 1er mars, il fallut se réunir en plein air. Il y avait
des centaines de gens, les directeurs de fabriques d'horlogerie
ayant donné congé ce jour-là à leurs ouvriers.
Un rayon de soleil brilla pendant la durée de l'allocution,
puis, dès que la foule fut dispersée, une giboulée
de neige vînt blanchir la contrée.
La ville de Morges eut son temple bondé,
les gens étant accourus de tous les environs.
A Lausanne, il fallut quitter l'Église
Saint-François et improviser une réunion de plus de 4000
personnes
sur la place de Montbenon. La grande salle de Tivoli dut fermer
ses portes bien avant l'heure fixée. Les
gens escaladèrent les fenêtres et, par centaines,
écoutèrent du dehors. Le silence était impressionnant
; la
voix du Sadhou et celle de son traducteur, le pasteur F. de Rougemont,
s'entendaient de partout. Ma voix,
dit le Sadhou, ne vous sera pas d'une grande utilité si,
rentrés chez vous, vous n'écoutez pas celle du
Sauveur.
A la cathédrale, une des plus
vastes de Suisse, les moindres recoins étaient occupés, et
ce fut
impressionnant d'ouïr cet authentique Hindou, dans sa robe
de Sadhou, proclamer du haut de la chaire, le
message du salut.
Il nous est impossible de suivre le Sadhou dans
toutes ses pérégrinations. Après Lausanne, ce fut
Genève, Neuchâtel, le jura bernois, La Chaux-de-Fonds,
Le Locle, puis la Suisse allemande, Zurich,
Saint-Gall, Aarau, Schaffhouse, Thoune, Berthoud, Berne, Bâle,
etc., où partout il fut accueilli avec le
même empressement.
Sundar Singh parla souvent avec admiration et avec beaucoup d'affection
des missionnaires envers lesquels
l'Inde a une grande dette de reconnaissance.- Ces hommes et ces
femmes sont le sel de la terre, et ma
gratitude envers eux est profonde. J'en ai vu quelques-uns venus
de Suisse travailler aux Indes. Ils y font
une belle oeuvre. D'aucuns ont donné leur vie pour amener
les païens à Christ ; d'autres ont donné leur fils
ou leur fille. Personne dans ce monde ne pourra leur rendre ce
qu'ils ont fait pour nous : Dieu seul peut les
récompenser.
Il y a peut-être parmi vous des
égoïstes qui ne pensent qu'à leur propre salut, et ne
s'inquiètent pas de
celui des autres. Il est vrai que vous ne pouvez tous partir
comme missionnaires, mais, tous, vous pouvez
prier pour eux et donner de votre argent. Le monde est une grande
famille ; nous devons nous aider les uns
les autres. Si vous aimez Jésus, votre devoir est de soutenir
ses serviteurs dans leur travail. Ce n'est qu'à
cette condition que nous méritons d'être appelés
disciples de Celui qui a donné sa vie pour le salut du
monde.
L'impression que le Sadhou fit en Suisse fut très
profonde, et ceux qui eurent le privilège de l'entendre
n'oublieront pas son message. C'était une chose unique
d'écouter ce prophète du pays des Védas proclamer
avec puissance que Christ est le chemin, la vérité,
la vie ; de l'entendre reconnaître ouvertement que les
récits sacrés de son pays ne peuvent donner la
paix, que la Bible seule est la Parole de Dieu, et que c'est
par la prière que nous maintenons notre contact avec le
ciel. Rien d'étonnant à ce qu'il fût écouté
par des
foules recrutées dans toutes les classes de la Société.
Un pasteur écrivait : « Il m'a fait
une profonde impression, à vrai dire la plus forte impression que
j'aie
reçue de ma vie. » Et combien d'autres peuvent dire
la même chose
Des théologiens, retenus à l'avance
par une certaine réserve envers lui, étaient gagnés
à la première
rencontre. Des hommes indifférents ou hostiles au christianisme,
furent changés par le pouvoir de sa
personnalité. En Angleterre, un professeur agnostique
lui dit : « Ce n'est pas votre prédication qui m'a
converti, c'est vous-même. Vous, un Hindou, êtes
si semblable au Christ dans votre attitude et dans votre
esprit, que vous êtes un témoin vivant de la personne
du Sauveur.
Des milliers de coeurs, en Europe, allaient
encore être touches par sa prédication. Partout il laissa
une
impression indélébile, un stimulant pour une vie
chrétienne renouvelée.
De la Suisse, le Sadhou se rendit en Allemagne,
puis il visita la Suède, où il fut l'hôte de l'évêque
Soederblom, la Norvège, le Danemark, la Hollande, parlant
dans toutes les grandes villes. Dans quelques
localités, d'immenses auditoires lui rappelèrent
les rassemblements de l'Église syrienne aux Indes. Il refusa
de pressantes invitations venues de Finlande, de Russie, de Grèce,
de Roumanie, de Serbie, d'Italie, du
Portugal, d'Amérique, de Nouvelle-Zélande et d'autres
pays encore.
En juillet, il débarqua en Angleterre,
mais il refusa de parler, si ce n'est à la Convention de Keswick,
pour tenir une promesse faite dès longtemps. Il était
fatigué à l'extrême de cet incessant labeur, et de
cette
vie si différente de celle qu'il menait aux Indes. Ayant
un grand besoin de repos et de tranquillité, il resta
quelque temps chez des amis dans l'île de Wight. Là
il lui fut possible de refaire ses forces avant de
s'embarquer, en août 1922, pour rentrer dans son pays afin
d'y reprendre son travail au nord de l'Inde.
Le succès extraordinaire que le
Sadhou remporta en Europe, les éloges de la presse, l'adulation
des
foules qui le considéraient comme un saint, auraient pu
éveiller chez lui quelque satisfaction personnelle.
Mais il domina cette tentation et sa profonde humilité
resta intacte.- Ce n'est pas pour prêcher que je suis
venu en Europe, vous avez assez de prédicateurs, je ne
veux être qu'un témoin de la puissance et de
l'amour de mon Sauveur.
Un ami lui demanda s'il n'était pas fier
d'être célèbre et de recevoir de si grands honneurs.
Il répondit par
l'image suivante :- Quand Jésus entra dans Jérusalem,
le peuple jeta ses vêtements sur son chemin et coupa
des branches devant lui pour l'honorer. Mais Jésus était
monté sur un âne, et ses pieds ne touchèrent pas la
route décorée en son honneur. Ce fut l'âne
qui marcha sur les vêtements et les branches, mais il aurait bien
été insensé de s'en enorgueillir. Ce serait
aussi insensé à ceux qui apportent le Christ aux hommes de
retenir
pour eux l'honneur qui n'appartient qu'à Dieu.
En Europe, le Sadhou n'a pas cherché
à plaire à ses auditeurs.
- Lorsque je pense à tant de chrétiens de
nom, disait-il, je me sens triste. Ils savent beaucoup de choses
sur Jésus-Christ, mais ne le connaissent pas, lui. Plusieurs
ne le connaissent que par la théologie ou du
point de vue historique, mais n'ont point de temps à passer
avec lui.
Le Sadhou n'a pas hésité à
laisser voir son désappointement en face de la déchristianisation
de l'Europe,
et à parler sévèrement de l'amour de l'argent,
de la recherche du plaisir, du confort, du luxe, et de
l'indifférence religieuse de la plupart des gens. En Suisse
romande, il dit entre autres :- Ce que je vais vous
dire ne vous plaira pas, mais je dois obéir à ma
conscience et vous donner le message que j'ai reçu :
- Ayant vu l'amour de Dieu dans le coeur de ceux qui nous
ont apporté l'Évangile, je pensais que les
habitants de vos contrées étaient tous des gens
admirables ; mais en voyageant parmi vous, j'ai trouvé les
choses bien différentes. J'ai rencontré, il est
vrai, de sincères serviteurs du Christ, les plus nobles chrétiens
se trouvent en Europe et en Amérique comme aux Indes,
et je désire m'asseoir à leurs pieds ; mais un
grand nombre n'est chrétien que de nom. je me mis à
comparer les habitants des pays païens à ceux des
pays dits chrétiens. Les uns sont païens parce qu'ils
adorent des idoles faites de main d'homme, les autres
ont une pire idolâtrie : ils s'adorent eux-mêmes.
J'ai réalisé qu'aucune contrée européenne ne
peut en vérité
être appelée chrétienne, mais qu'il n'y a
que des chrétiens individuels.
-Aux Indes on me dit souvent : Vous appelez les pays d'Europe
chrétiens ! pourtant Christ a dit: «
Aimez-vous les uns les autres » et là-bas il se
font la guerre ! Le christianisme a donc fait faillite en Europe
?- je réponds : Ce n'est pas lui qui a fait faillite,
mais beaucoup de chrétiens, parce qu'ils n'ont pas compris
le christianisme. Christ n'est pas à blâmer, seuls
le sont ceux qui se disent ses disciples et ne veulent pas le
suivre comme leur Maître.
- Les gens nous appellent païens, dit-il à
l'archevêque d'Upsal. Quoi ma mère, une païenne ? Si
elle était
en vie, elle serait certainement chrétienne ; mais même
lorsqu'elle avait la foi de ses ancêtres, elle était si
religieuse que le terme de païenne me fait sourire. Elle
priait, servait, aimait Dieu bien plus profondément
qu'un grand nombre de chrétiens. Autant que je puis m'en
rendre compte, il y a bien plus de gens aux Indes
qu'en Europe qui mènent une vie religieuse bien qu'ils
ne connaissent pas Jésus-Christ. Ils vivent selon les
lumières que Dieu leur a données. Ici, en Europe,
vous avez le Soleil de justice ; mais où sont ceux qui se
soucient de lui ? Les chrétiens ont reçu un don
sans prix : Jésus-Christ. Et cependant beaucoup d'entre eux
ne veulent pas renoncer à leur vie mondaine pour le trouver.
Leurs coeurs et leurs mains sont pleins des
choses de la terre.
-Vous songez à satisfaire tous les désirs
de vos coeurs. Vous avez découvert la science et la philosophie
;
vous avez appris à vous servir de l'électricité
et à voler dans les airs. Les Hindous, eux, qui n'ont pas reçu
le trésor de l'Évangile, cherchent anxieusement
la vérité, souvent pendant des années et dans de grandes
souffrances. Ils sont prêts à abandonner le monde
et à renoncer à eux-mêmes pour trouver la paix. Vous
chrétiens, vous êtes fatigués de chercher
Dieu au bout de dix minutes !
L'amère déception qu'éprouva
ce messager de l'amour divin fit de lui un prophète annonçant
les
jugements de Dieu :
- Les peuples de l'Occident, dit-il, qui ont reçu
tant de bénédictions du christianisme, les ont perdues
parce qu'ils ont mis leur confiance dans les choses matérielles
et dans tout ce que le monde peut donner.
C'est pourquoi au jour du jugement, les païens qui n'ont
pas entendu parler du Christ, seront traités moins
rigoureusement que les habitants de ces contrées qui ont
ouï son message et l'ont rejeté. Le temps est
proche où Christ va revenir et où il dira : «
Je ne vous connais pas parce que vous ne m'avez pas connu. »
Lorsque vous le verrez dans sa gloire, vous vous lamenterez de
n'avoir pas cru en lui, et de vous être
laissés détourner par des non-croyants, des intellectuels
incrédules qui niaient sa divinité. Alors ce sera trop
tard pour vous repentir ; c'est maintenant que l'occasion vous
en est offerte. Peut-être en ce jour,
l'entendrez-vous dire : « Un homme est venu à vous
d'une contrée païenne, il me rendait témoignage ayant
fait l'expérience de ma puissance, et cependant vous n'avez
pas voulu venir à moi. »
Le Sadhou voyait que dans une large mesure
les Européens avaient rejeté le message du Christ,
enchaînés qu'ils sont par un travail incessant à
la poursuite des biens terrestres, qui ne leur laisse ni le
temps, ni le désir de s'approcher de Dieu et de trouver
la vie véritable.
Le Sadhou quitta l'Europe avec la ferme
résolution de n'y pas revenir.- C'est la première et la dernière
fois que vous m'entendez- dit-il à maintes reprises a
ses auditeurs.
Désormais il va se tourner vers
son peuple et reprendre ses périlleux voyages au Tibet, heureux
de
donner sa vie- de mourir peut-être- pour annoncer l'amour
insondable de Celui qui est venu chercher et
sauver ceux qui sont perdus.
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(*) jean 20. 17-18.
RETOUR AUX INDES
ENSEIGNEMENT DU SADHOU
Il leur parla en paraboles sur beaucoupde choses.
Matth. 13. 3.
Quel a été le motif qui
poussa le Sadhou à quitter son oeuvre aux Indes pour venir en Europe
?
Tout d'abord un acte de simple obéissance.-
J'ai dû obéir, Dieu m'a conduit contre ma volonté.
je ne
suis jamais à l'aise dans les grandes villes, ni aux Indes,
ni ailleurs. - Sundar voulait voir lui-même si
l'accusation de certains Hindous était justifiée
: l'Europe était-elle encore chrétienne ? N'avait-elle pas
perdu
la sève de l'Évangile et son influence dans le
monde ?
En réponse à une question
qui lui fut posée à Genève a ce sujet, il répondit
Mon premier but en venant
ici a été de rendre témoignage à
Jésus-Christ et à sa puissance. Puis, je désirais
remercier les vrais chrétiens
de ce qu'ils ont fait pour mon pays ; les Hindous ne sont pas
des ingrats. Enfin je voulais pouvoir réfuter
nos étudiants venus s'instruire en Europe et qui, n'ayant
pas rencontré de vrais chrétiens, combattent le
christianisme à leur retour aux Indes et décrient
le travail des missionnaires.
- Dire que le christianisme est un échec
en Europe et en Amérique est une grave erreur et n'est pas basé
sur l'expérience. Pourtant, dans mes voyages en Occident,
j'ai trouvé les gens si occupés par leur travail,
leurs affaires, leur bureau, leur commerce, qu'ils n'ont plus
de temps pour prier et recevoir les bénédictions
de l'Évangile. Quelques-uns m'ont confessé que
leur vie est devenue si compliquée et si remplie, qu'ils en
sont fatigués. Si un homme s'affaiblit parce qu'il n'a
pas pris de nourriture ou d'eau, pouvons-nous dire que
la faute est imputable aux aliments ? Certes pas. La négligence
de cet homme seule est la cause de sa
faiblesse.
Mais les Européens qui, de, tout
leur coeur, ont accepté le christianisme et en ont reçu les
bénédictions,
ont réveillé le monde de son sommeil de mort et
travaillé à son salut.
Il est intéressant de noter l'impression
de deux Hindous non chrétiens connaissant l'Occident :
Rabindranath Tagore et Gandhi. Le premier déclare : «
Vous ne pouvez prêcher le christianisme avant
d'être devenu semblable au Christ. Quand vous le serez,
vous ne prêcherez plus le christianisme, mais
l'amour du Dieu qu'il révèle. »- Gandhi répondit,
à Lausanne, à ceux qui lui demandaient ce qu'il fallait
faire pour que le christianisme devienne une force aux Indes
: « Il faut que vous, missionnaires, viviez
comme Christ a vécu. Le christianisme est bon, mais beaucoup
de chrétiens sont mauvais. »
Le Sadhou, parlant de ces deux hommes
qu'il connaissait personnellement, dit : - Tagore et Gandhi
seraient probablement devenus chrétiens s'ils n'avaient
visité l'Europe. Aux Indes nous ne manquons ni de
religion, ni d'enseignement théologique ou philosophique,
mais nous avons besoin de Christ. Nous voulons
des hommes qui non seulement prêchent, mais manifestent
Christ dans leur vie et leur conduite. L'Inde ne
sait que faire de missionnaires qui ne voient dans le Christ
qu'un grand Maître et ne croient pas à sa
divinité. Ceux-là, gardez-les chez vous et ne vous
laissez pas égarer par le modernisme et la critique
biblique.
Si le Sadhou n'est pas ennemi de la connaissance,
il s'élève avec énergie contre ceux qui veulent lui
donner la première place et contre l'erreur de l'intellectualisme
religieux. Il n'est pas le premier à découvrir
que « ces choses sont cachées aux sages et aux intelligents
et révélées aux enfants ». Le coeur est
au-dessus de la raison.
- je ne condamne pas la science théologique, ni
tous les théologiens dont plusieurs sont des saints. je ne
suis pas opposé aux études, mais celles-ci sans
la vie obscurcissent la vision spirituelle. Une théologie sans
prière est une fontaine sans eau. J'ai appris bien des
choses utiles dans mes études, mais l'enseignement de
l'Esprit Je l'ai reçu aux pieds du Maître.
De retour aux Indes, Sundar se rendit
à Sabathou. Son père insista pour lui faire construire une
maison,
ce qui modifia sa vie de Sadhou en ce qu'il avait désormais
« un lieu où reposer sa tête ». Il acheta une
vieille maison de la Mission, donnant d'un côté
sur un quartier commerçant, sale et bruyant, de l'autre sur
les collines d'alentour avec une vue magnifique au loin. Cette
demeure était comme le symbole de la vie de
Sundar, en contact à la fois avec le monde des affaires,
souvent sordide, et avec la solitude de la nature,
calme et inspiratrice.
La maison était occupée
par un docteur de ses amis, travaillant dans l'asile des lépreux
de Sabathou. Le
Sadhou jouissait là de la vie de famille. Un des traits
de son caractère était son amour pour les enfants, et il
aimait à jouer avec ceux du docteur. Il pensait à
l'accueil que Jésus faisait aux plus petits d'entre eux, les
donnant en exemple : « Si vous ne devenez comme de petits
enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume
des cieux.- Quiconque sera humble comme un petit enfant, sera
le plus grand dans le royaume des cieux. »
La chambre de Sundar, très sobre,
contenait une petite bibliothèque avec des livres de mystiques,
de
psychologues et de savants, et des photographies de ses amis.
S. F. Andrews, ami personnel du Sadhou,
donne des détails sur cette période de sa vie. Ce fut pendant
les mois tranquilles que Sundar passait à Sabathou, qu'il
écrivit plusieurs de ses livres.
Depuis que l'anglais lui était
devenu familier, il lisait davantage. Un gros volume de science moderne,
souligné avec soin, témoignait de l'intérêt
qu'il avait pris à sa lecture.
Ce fut une révélation
pour ses amis de découvrir, en feuilletant les pages si minutieusement
annotées,
un des côtés encore inconnu de l'âme du Sadhou.
Il gardait toujours une attitude de l'esprit humble et
enfantine, mais sa puissance intellectuelle s'était réveillée
et mûrie. Il s'était efforcé de pénétrer
dans cet
autre domaine de la pensée humaine, si différent
du sien. Il avait une grande admiration pour l'intelligence
des hommes et ne combattait pas la valeur de leur jugement et
de leurs découvertes, mais croyait
fermement aux lois ignorées du domaine spirituel.
Il resta toujours fidèle au principe
fondamental qui dictait ses actions : son entière dépendance
de
Christ, le commencement et la fin de toute science : «
Le mystère de Dieu dans lequel sont cachés tous les
trésors de la sagesse et de la science. »
La Bible était pour lui la Parole
même de Dieu.- Elle est mon guide, ma lumière, la nourriture
de mon
âme. L'expérience a prouvé qu'il n'y a pas
un autre livre dans le monde qui puisse répondre aux besoins
spirituels des hommes. La difficulté du langage, des traductions,
la critique des textes n'ont pu me voiler les
vérités qu'elle renferme, ni atténuer son
influence sur mon coeur, parce que son but unique est de nous
faire connaître le Christ.
- En ouvrant la Bible j'ai trouvé des richesses
insondables et éternelles, et en les partageant avec d'autres,
elles n'ont fait que s'accroître pour moi et pour eux.
Sans ce livre je n'aurais jamais connu l'amour infini de
Dieu, révélé à la Croix. La puissance
d'attraction de la Bible n'est sensible qu'à ceux qui l'étudient
sincèrement et avec prière. Trop de gens lisent
des ouvrages sur la Bible au lieu de la lire elle-même.
Sundar avait toujours avec lui son Nouveau
Testament en ourdou. Pendant des années ce fut le seul
livre qu'il lût. Il parlait constamment de la joie intense
qu'il y trouvait et savait par coeur les Évangiles.
L'histoire de Jésus était un exemple vivant devant
lui.
Il cherchait à obéir littéralement
aux instructions données aux disciples. Quand Christ dit : «
Les renards
ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids,
mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête »,
Sundar trouvait dans ces paroles la confirmation de sa vie de
Sadhou. A l'ordre : « Ne prenez ni bourse, ni
bâton, ni deux tuniques », il obéissait à
la lettre, voyageant dans le monde entier sans aucun argent avec lui.
Nous voyons dans sa vie la Bible non seulement prêchée,
mais vécue avec toutes ses austérités, ses
richesses et ses miracles. Ce qui peut nous paraître un
idéal inaccessible se trouve réalisé d'une façon
peu
commune par cet humble disciple du Sauveur.
La nature aussi était pour lui
un livre ouvert, écrit dans un langage spirituel par le Saint-Esprit.
Les
éléments, l'eau, le feu, les nuages, la mer, les
rivières, les montagnes, les arbres, les plantes, les animaux,
comme aussi les scènes variées de la vie humaine
sont autant de paraboles, d'illustrations, d'images qui
animent sa prédication. Dans sa vie fatigante, il trouvait
un grand repos à contempler la nature et à y
découvrir partout de nouveaux enseignements. C'est là
qu'il lit « en lettres majuscules », selon son
expression, les oeuvres du Créateur. « Les cieux
racontent la gloire de Dieu et l'étendue manifeste l'oeuvre
de ses mains. »
Sundar avait une foi enfantine dans
la protection divine, et croyait qu'une puissance angélique l'entourait
à l'heure du danger. Il fut l'objet de grandes délivrances,
et en fit souvent le récit dans ses discours publics
afin de fortifier la foi des chrétiens en la toute-puissance
de Dieu.
- Beaucoup de gens déclarent que les
miracles ne sont que des fables, dit-il, et refusent d'y croire parce
que, n'ayant point fait d'expériences, ils ne comprennent
pas. Ainsi dans le sud de l'Inde il ne fait jamais
froid. Parlant aux habitants de cette contrée, je leur
racontai que j'avais vu un « pont d'eau sur de l'eau ».
C'est impossible ! disaient-ils. je leur expliquai que la surface
liquide étant gelée on pouvait y marcher en
toute sécurité, et qu'il n'y avait là rien
de contraire aux lois de la nature. Les habitants des pays froids n'en
sont pas surpris, mais comment ceux qui n'ont point quitté
les régions chaudes saisiraient-ils ? Tels qui
vivent dans le monde ressemblent à. des hommes qui ne
sont jamais montés sur les hauteurs d'où ces ponts
extraordinaires peuvent être vus ; seuls ceux qui mènent
une vie de prière peuvent comprendre. Et
lorsqu'on m'interroge au sujet des miracles, je réponds
que J'en ai fait l'expérience. je sais que Christ est
une force.
- Mais ce n'est pas en allant au théâtre
que vous verrez des miracles ! Si vraiment vous désirez connaître
les merveilles de la puissance de Dieu dans vos vies, consacrez
du temps à la prière. Christ n'accomplit rien
dans le but de satisfaire la curiosité, mais il veut satisfaire
l'âme qui chaque jour s'approche de lui et fait sa
volonté.
Tous les miracles extérieurs,
même les délivrances les plus inexplicables sont d'un ordre
inférieur
comparés à la rédemption d'une âme
qui, par la nouvelle naissance, est passée de la mort à la
vie. Qu'un
pauvre humain pécheur, impur, misérable, sans repos,
puisse recevoir le pardon, la délivrance et la paix,
dépasse toute compréhension. C'est là le
miracle central du christianisme. Si un homme a vécu cela, il ne
s'étonne plus : il sait que tout est possible à
Dieu.
Parlant de sa délivrance du puits
de Razar, Sundar dit :- Peut-être était-ce un ange ? ou Jésus
lui-même
qui m'a libéré, mais le plus grand miracle fut
cependant la paix qui remplit mon coeur pendant les trois
jours passés dans cet horrible charnier. Elle fit de ma
prison le ciel sur la terre. Souvent la présence de
Christ était radieuse comme le soleil à son midi,
et ce sentiment s'est élevé parfois jusqu'à une triomphante
allégresse. Aucun doute ne pouvait traverser mon esprit.
C'est une paix cachée qu'il m'est
impossible de décrire. je ne trouve pas de mots pour l'exprimer.
C'est
« la paix qui surpasse toute connaissance », dont
parle saint Paul.
En l'évoquant, la figure irradiée
du Sadhou était une prédication vivante, et l'on devinait
quel trésor il
avait trouvé en Christ.
Au contact du péché et de la souffrance, son âme
était douloureusement émue, mais au fond de son être
la
paix demeurait immuable.
- Mon âme est comme la mer, il peut y avoir vagues
et tempêtes à la surface ; dans les profondeurs règne
un calme inaltérable.
Notre coeur a été créé pour recevoir
cette paix, c'est pourquoi il ne peut être en repos avant de l'avoir
trouvée.
- Si tout le monde ne peut aller au Tibet, être
attaché à un arbre ou jeté dans un puits, chacun peut
goûter
le repos que j'ai trouvé en Christ. Mais il ne dépend
ni des choses terrestres, ni de la puissance ou de la
richesse, sinon tous les hommes riches seraient heureux et satisfaits.
Peu de chrétiens ont fait une
expérience aussi profonde et en ont témoigné avec
autant de certitude, que
cet apôtre venu d'un pays dans lequel la recherche de la
paix de l'âme a été depuis des siècles le but
suprême de la religion. Ceux qui ont vu ces longs cortèges
de pèlerins se rendant à quelque lieu sacré, ne
peuvent oublier l'intensité de leur désir de trouver
Dieu.
Le Sadhou ne faisait pas de compromis
; le sel en lui n'avait pas perdu sa saveur. Dans son
enseignement il insista fréquemment sur la nécessité
de la repentance et sur la certitude du jugement après
la mort.
- Il en est beaucoup qui se rassurent en pensant : «
Dieu est amour ; il nous sauvera et nous rachètera au
dernier moment ! » Ceux qui parlent ainsi seront déçus.
Écoutez ce que dit le Sauveur : « Si quelqu'un
entend mes paroles et ne les garde point, ce n'est pas moi qui
le juge, car je ne suis pas venu pour juger le
monde, mais pour le sauver. Celui qui me rejette et qui ne reçoit
pas mes paroles a déjà son juge. La parole
que j'ai annoncée, c'est elle qui le jugera au dernier
jour. »
- Une fois, je soulevai une grosse pierre, recouvrant
d'innombrables insectes. Dès qu'ils aperçurent la
lumière, terrifiés, ils coururent en tous sens,
en proie à une vive agitation. La pierre remise en place, les
insectes reprirent leur tranquillité. Lorsque se lèvera
pour nous le Soleil de justice, ceux qui vivent dans les
ténèbres du péché regarderont, dévoilées,
les fautes qu'ils ont commises en secret : « Car il n'y a rien de
caché qui ne doive être découvert, ni de
secret qui ne doive être connu. »
- Nous savons quelle est la puissance du péché
et la force de Satan, mais notre Sauveur est plus fort que
lui. Un jour, assis sur un rocher, Je vis au-dessous de moi un
oiseau volant lentement. Observant ses
mouvements, j'aperçus un gros serpent qui le regardait.
Le pauvre oiselet attiré dans
la gueule de la mort, était sans force pour résister. J'essayai
de lui sauver la
vie en jetant des pierres, mais inutilement, et j'assistai à
cette scène tragique : au moment où l'oiseau
s'approchait de la bouche du reptile, il fut englouti d'un coup.
C'est ainsi que Satan, le « serpent ancien »,
attire à lui jeunes et vieux. Nul n'a en lui-même
le pouvoir de résister au mal, et nous allons au-devant de la
mort. Mais, regardons à Jésus-Christ qui peut nous
attirer à lui et nous délivrer de Satan.
- « Tu n'es pas loin du royaume de Dieu »,
disait Jésus à un scribe. Il dut être ravi de s'entendre
adresser
cette parole devant tous. Pourtant il aurait dû être
attristé de savoir qu'il ne possédait pas le royaume de
Dieu. Cela ne sert pas à grand-chose d'en être près,
il faut y être entré. Pensez aux vierges folles, devant la
salle des noces, mais n'y pouvant pénétrer...
Être presque sauvé, c'est
être perdu.
- Dans une épaisse jungle de l'État du Bouthan,
l'on chasse le tigre. Les chasseurs ont sur eux la clef d'un
refuge construit pour servir d'abri en cas de danger. Un jour
l'un d'eux prit son fusil et sortit. Apercevant un
tigre, il le visa, tira et le manqua ; l'animal se mit aussitôt
à le poursuivre. L'homme croyant pouvoir
atteindre la cahute, se sauva en jetant son fusil. Sur le seuil
il chercha la clef : il l'avait oubliée ; alors le tigre
bondit et le tua ; entre le refuge et le chasseur il n'y avait
que l'épaisseur de la porte ; et cependant l'homme
perdit la vie par son insouciance. Il serait mort s'il avait
été à dix lieues de la cabane ; il n'en mourut pas
moins tout près.
N'étant pas loin du royaume de
Dieu, beaucoup en négligent la clef, qui est la repentance et la
prière
persévérante.
- Il y a un danger de perdre les dons et les grâces
que nous avons reçus. Si ce n'était pas, le Seigneur ne
nous aurait point adressé cet avertissement : «
je viens bientôt, tiens ferme ce que tu as, afin que personne
ne prenne ta couronne. » C'est pourquoi: « Veillez
et priez ». Dieu est amour. Il nous donne l'occasion de
nous repentir. Si nous la dédaignons, nous n'en aurons
pas d'autre après la mort. Christ ne serait pas
descendu sur la terre si une chance nous était offerte
d'être sauvés plus tard. Il serait resté au ciel.
Le Sadhou insiste maintes et maintes
fois sur l'impossibilité qu'il y a à se sauver soi-même.
Aucun effort
personnel, aucune bonne oeuvre ne peut nous obtenir la grâce
du pardon. La justification et la paix de
l'âme sont des dons immérités de la miséricorde
de Dieu qu'il nous faut tout simplement recevoir par la
prière dans l'humilité, la repentance et la foi.
- Mais le pardon des péchés n'est pas le
salut complet. Il ne suffit pas de couper les rejetons d'un arbre
pour le détruire, il faut en arracher les racines, et
tout le terrain à l'entour doit être renouvelé. La
rédemption implique la transformation de l'être
tout entier ; c'est une nouvelle naissance totale. Il peut
arriver que même après avoir obtenu le pardon, nous
mourrions dans notre péché. La chose essentielle qui
importe plus que tout, c'est d'être affranchi de la domination
du péché. Jésus-Christ n'est pas venu
seulement pour nous pardonner, mais pour nous délivrer.
- Une jeune fille enlevait chaque jour les toiles d'araignée
dans sa chambre. « Ma fille, lui fut-il dit, à quoi
cela sert-il d'enlever ces toiles qui reviennent constamment
! Il vaudrait mieux détruire l'insecte qui les tisse.
Si tu tues l'araignée, il n'y aura plus de toiles. »
De même il ne suffit pas que nos péchés journaliers
soient
sans cesse pardonnés ; il faut faire mourir en nous le
vieil homme qui les commet.
Bien des gens se trompent en croyant
qu'il suffit que leurs péchés soient remis pour qu'ils soient
sauvés.
Tant que leur nature pécheresse n'a pas été
transformée, ils sont encore perdus.
En ce qui concerne la rédemption,
Sundar Singh attache une importance primordiale à la sanctification.
- Le but ultime de l'incarnation de l'amour divin est
d'amener l'humanité à la ressemblance du Fils de
Dieu. «Soyez parfaits comme votre Père céleste
est parfait. » Croire en Christ, c'est revêtir Christ, devenir
« un » avec lui, vivre de sa vie. Il y a certains
insectes dont la couleur et la forme ressemblent à s'y
méprendre aux feuilles des arbres sur lesquels ils vivent
et dont ils se nourrissent. Ainsi ceux qui vivent au
contact de Jésus-Christ sont transformés en son
image.
- Satan sème le doute dans le coeur des enfants
de Dieu, mais par sa grâce, le juste échappe à cette
emprise. Écoutez ce récit : Avant d'être
converti, un saint avait commis plusieurs crimes. Mais ensuite, il
servit sans cesse le Seigneur et mena une vie sainte. Lorsqu'il
fut sur son lit de mort, Satan lui tendit la liste
de ses fautes passées et dit Voilà tout ce que
tu as fait ; tu n'es pas digne d'entrer au ciel, ta place est en
enfer.- Le saint répondit :- Mon Sauveur ne jettera point
dehors celui qui vient à lui. « Si nous confessons
nos péchés, il est fidèle et juste pour
nous les pardonner et pour nous purifier de toute iniquité. »
Cependant Satan continua à le troubler. Mais le saint
persévéra résolument dans la prière. Et un
doigt
apparut, barrant la liste des péchés. Le saint
se réjouit et loua Dieu. Mais Satan lui dit :- Ne te réjouis
point,
tu peux atteindre le ciel, mais ton péché sera
toujours visible à tous les yeux, et tu auras honte devant tous.-
Le saint pria de nouveau. Alors une goutte du sang de Christ
tombant sur la page, se répandit partout
effaçant l'écriture et rendant le papier immaculé.
Et le saint, rempli d'une paix divine, put se présenter
devant son Dieu.
-Tant qu'un homme est sur la terre, il ne comprend pas
la gloire de la félicité céleste, qui est son
immortelle destinée. Il est comme le poulet qui, dans
sa coquille, ne peut se figurer la beauté du monde
dans lequel il entrera. S'il déclarait que rien n'existe
en dehors de son oeuf, sa mère aurait beau l'assurer
qu'il y a des prairies, des montagnes, un ciel bleu ; lui, ne
voyant rien, ne peut y croire. Lorsque sa coquille
cédera, il verra que sa mère avait raison. II en
est de même pour nous, qui ne pouvons discerner ni le ciel,
ni l'enfer. Mais lorsque se brisera notre enveloppe terrestre,
ce qui est invisible deviendra visible.
Cependant certaines choses nous permettent
d'entrevoir notre état futur. Comme le poussin a des yeux
et des ailes dont il ne pourra se servir qu'une fois libre, ainsi
il est en nous des désirs et des aspirations qui
ne seront jamais satisfaits ici-bas. Il doit donc y avoir une
vie future où ils se réaliseront. C'est la vie
éternelle. Mais de même que l'oiseau doit être
tenu au chaud aussi longtemps qu'il est dans sa coquille, tant
que nous sommes dans le monde, il faut que la présence
et le feu du Saint-Esprit nous couvent et nous
réchauffent.
PARABOLES, ILLUSTRATIONS
Nous voudrions relever ici, parmi un
grand nombre, encore quelques paraboles, illustrations,
enseignements ou propos, que le Sadhou tirait de la nature et
des événements de la vie journalière, et qui
sont frappés au coin de sa personnalité.
- « Il est étonnant- lui disait-on- que vous
ne soyez pas enorgueilli par les louanges et la popularité dont
vous êtes l'objet », tant il est vrai que l'adulation
de l'Église constitue un danger plus grand peut-être que
l'hostilité du monde.
- je donne le message que Dieu m'a confié, répondait-il,
et louanges ou blâmes ne me touchent pas.
Prenez une pièce de vingt francs. Si quelqu'un s'exclame
: « Elle est magnifique ! » cela n'en modifiera pas
le taux, elle ne vaudra pas vingt-et-un francs. Si un autre s'écrie
: « Cette pièce est affreuse ! » son prix
n'en sera point diminué. Ce que les gens disent ne peut
changer la valeur de votre témoignage. Nous
devons suivre Christ les oreilles closes et les yeux fixés
sur lui. Sinon, nous risquerions d'entendre, d'un
côté des paroles flatteuses qui pourraient nous
infatuer de nous-mêmes, et de l'autre, des critiques propres
à nous décourager.
Le Sadhou ne prenait aucun argent avec
lui. Une fois, cependant, suivant le conseil de ses amis, il
consentit à en emporter quelque peu ; mais bientôt
il y renonça.- je n'aime pas à placer ma confiance dans
ma poche, où il peut y avoir des trous, et il existe aussi
des voleurs. Mais, lorsque je me confie en Dieu, je
suis en sécurité.
Un riche Américain, étonné
qu'il pût circuler sans argent, lui offrit de lui en donner. Il refusa.-
je
voyage, dit-il, dans le royaume de mon Père céleste
qui pourvoit lui-même à tous mes besoins. J'ai
parcouru le monde sans avoir jamais manqué de rien.
A un ami qui lui demandait pourquoi
il ne se mariait pas, Sundar répondit :- je suis uni à Jésus-Christ,
et
goûte un bonheur plus profond dans l'amour de mon Seigneur.-
Se fondant sur les paroles de saint Paul, il
semblait éprouver la crainte que le mariage ne le portât
à chercher à plaire à sa femme, l'empêchant
de
consacrer toutes ses énergies à Dieu. Mais il ne
conseillait pas aux autres le célibat et affirmait qu'on peut
servir Dieu tout aussi fidèlement en étant marié.
A travers la souffrance et le renoncement
à soi-même, le Sadhou a conquis cette admirable douceur et
cet esprit d'humilité qu'il manifesta toujours. Comme
Moïse, il avait appris, à une dure école, à être
l'homme le plus doux de la terre. Mais il savait à l'occasion
être impérieux, lorsque la direction intérieure de
sa vie lui disait qu'une chose était juste. Il balayait
alors, avec une grande décision, toute opposition.
D'autres fois, il se rangeait immédiatement à l'opinion
de ses amis.
Il espérait mourir à l'âge
même où Jésus fut crucifié. Il n'en parlait
pas, sauf à de rares amis intimes,
mais une ombre de tristesse semblait l'avoir envahi, quand il
vit que le Seigneur tardait à le reprendre à lui.
Je ne suis, dit-il, ni un philosophe,
ni un théologien, mais un humble serviteur de Dieu dont la joie
et les
délices sont de méditer sur son amour et sur les
grandes merveilles de sa création.
Sundar Singh est pleinement convaincu
de la merveilleuse puissance de la Bible.- J'ai éprouvé qu'elle
est
bien la Parole vivante de notre Sauveur.- Sundar prenait toujours
avec lui, dans ses voyages missionnaires,
des exemplaires du Nouveau Testament et des portions des Évangiles,
les distribuant à ceux qu'il
rencontrait, et aux ermites retirés dans les grottes de
l'Himalaya, espérant ainsi leur apporter quelque
lumière.
Dans une allocution, prononcée
à la Société biblique britannique et étrangère
à Londres, le Sadhou
raconta l'histoire suivante :- Au cours de l'un de mes voyages
aux Indes, j'annonçai le Sauveur à des non
croyants, et terminai en leur demandant s'ils n'aimeraient pas
lire eux-mêmes le Livre parlant de
Jésus-Christ ? Il se trouvait là un grand ennemi
de la religion chrétienne. En sortant, il acheta un exemplaire
de l'Évangile de jean, dont il lut deux ou trois pages.
Puis, le déchirant en mille morceaux, il les lança par la
fenêtre du wagon dans lequel il se trouvait.
Deux ans plus tard j'appris ce qui suit
: Au moment même où le lecteur avait jeté l'Évangile,
un homme
passait sur le quai. C'était une âme cherchant depuis
sept ans la vérité, sans l'avoir trouvée. Remarquant
ces fragments de papiers il en ramassa un, et lut ces deux mots
: « Vie éternelle ». Sur un autre, « Pain de
vie ». Désirant savoir ce que cela signifiait, il
montra ces paroles à un passant. Celui-ci répondit : «
C'est un
livre chrétien, ne le lisez pas, car vous seriez souillé.
» Mais l'homme ne se laissant point arrêter, s'en alla
acheter un Nouveau Testament. Il le lut avec avidité,
trouva son Sauveur, et, en lui, paix et joie. C'est ainsi
que ces pages, mutilées par le premier, devinrent pour
le second le véritable Pain de vie.
Un jour que je voyageais dans un pays
aride, j'étais fatigué et la soif me brûlait. je montai
sur une
colline, et regardai autour de moi, cherchant de l'eau. La vue
d'un lac, à une certaine distance, me remplit
de joie ; enfin, j'allais pouvoir calmer ma soif ! je marchai
longtemps sans atteindre l'eau, et je compris
qu'elle était un mirage, une simple apparence causée
par la réfraction des rayons du soleil. C'est ainsi que
j'ai parcouru la terre en quête d'eau vive. Les biens de
ce monde, fortune, situation, honneurs, bien-être,
m'apparaissaient comme un lac dans lequel j'apaiserais la soif
de mon âme. Mais jamais je n'ai pu trouver
une goutte d'eau capable de l'étancher. Quand mes yeux
spirituels s'ouvrirent, je vis un fleuve d'eau vive
qui jaillissait du côté percé du Christ !
J'en bus, et fus désaltéré. Depuis lors, j'ai toujours
puisé à cette
source et n'ai plus connu la soif dans le désert du monde.
Mon coeur est un hymne de joie.
La présence du Christ me donne
une paix qui surpasse toute intelligence, et cela, en toute occasion.
Quand sévissaient les persécutions, Il était
là. Avec Lui la prison devenait le ciel, et la croix était
changée en
sujet de bénédiction. Au milieu des dangers, des
tentations, des péchés et des tristesses de ce monde, je
suis sauvé par Celui qui donna sa vie pour moi.
Si nous voulons entendre ce que les autres
nous disent, il faut commencer par nous taire, et pour les
comprendre, il faut leur prêter notre attention. Il en
est de même pour percevoir la voix de notre Père
céleste ; il est de toute nécessité que
nous gardions le silence devant lui et fermions nos oreilles aux voix du
monde. Notre esprit et notre coeur doivent rester fixés
en lui, car il ne se révèle qu'à ceux qui le cherchent
vraiment. Marie se contentait de s'asseoir aux pieds du Seigneur
et d'écouter sa parole. Elle choisit la bonne
part qui ne lui fut point ôtée.
Un pasteur tomba malade. Couché
sur son lit de souffrances, il entendit la voix de Dieu :- « Maintenant
tu auras le temps de parler avec moi. En bonne santé,
tu étais si occupé à parler aux autres, que tu n'avais
pas le temps de m'écouter. »
Comme la source remplit, jusqu'à
le faire déborder, le vase placé au-dessous d'elle, ainsi
l'Esprit de
Dieu remplit le coeur de celui qui s'abaisse pour le recevoir.
Après être monté
dans la solitude de la montagne de la prière, notre devoir est de
retourner dans le
monde des hommes et d'y porter la puissance nouvelle que nous
avons reçue, afin d'accomplir l'oeuvre qui
nous est demandée.
Saint Paul dit : « Dieu nous a fait asseoir avec Christ
dans les lieux célestes. » Il ne dit pas, après la
mort
seulement, mais déjà dans cette vie terrestre.-
J'étais un jour sur une haute montagne, lorsqu'un terrible
orage éclata. Mais je ne courais aucun danger, car l'orage
se déchaînait au-dessous de moi. J'étais à l'abri
dans la calme clarté du sommet, tandis que les éclairs
sillonnaient les nues. Il en est ainsi pour l'enfant de
Dieu. Tant qu'il est avec Christ « dans les lieux célestes
», Satan ne peut rien contre lui. Ce n'est que
lorsqu'il quitte les hauteurs de cette communion, que la tentation
et le péché peuvent avoir prise sur lui.
Rien ne peut ébranler ma foi.
Quand un homme a soif et qu'on lui offre de l'eau, il boit et il est satisfait.
Qu'on vienne lui dire :- Ce n'était pas de l'eau. Il répondra
: Insensé ! je suis sûr que c'en était, car,
assoiffé, j'ai bu et je suis désaltéré.
Ainsi je sais que Jésus est vivant et qu'il donne la vie.
Bien des gens prétendent être
chrétiens et n'ont pas la paix : ils ne connaissent pas Jésus-Christ.
Ils
savent son histoire, mais il ne vit pas en eux. Ils ignorent
que Christ seul peut répondre aux désirs de leur
coeur. Ils ont cherché le bonheur ailleurs et ne l'ayant
pas trouvé, beaucoup sont tombés dans la
désespérance, voulant parfois se donner la mort
pour mettre fin à leur angoisse.
Les vrais chrétiens ne sont jamais
réduits au désespoir, parce que, dans l'acte même de
leur
renoncement au monde, ils obtiennent la paix dans la communion
avec Dieu.
L'homme ne trouve qu'en Dieu la satisfaction
de ses aspirations les plus profondes, mais il a également
besoin de l'amitié et de la sympathie de ses semblables.
Si ce souhait n'est pas exaucé, Christ, lui, peut y
répondre et rassasier l'âme affamée. Ayant
souffert comme l'un de nous, il peut comprendre toutes les
peines et secourir les fils des hommes dans toutes leurs afflictions.
La douleur, les tentations, la souffrance,
sont des étapes nécessaires au développement de notre
vie
spirituelle et concourent à notre bien futur. Nous devons
accepter joyeusement tout ce qui nous arrive, et
ne jamais permettre que le moindre doute s'élève
dans nos coeurs, sinon nous mettons une barrière entre
Dieu et nous. L'écharde dans la chair, dont parle saint
Paul, a été permise pour l'accomplissement de
quelque plan grand et sage. Il est absolument nécessaire
que nous passions par des temps d'épreuves, pour
parvenir au but éternel, pour lequel nous avons été
créés.
Comme les diamants et les pierres précieuses
mettent des milliers d'années à se former, devant être
comprimés et pressurés dans les laboratoires de
la nature avant d'atteindre leur perfection de beauté, ainsi il
nous faut passer par la douleur et la souffrance pour être
rendus parfaits.
Il nous est impossible d'atteindre en
un seul jour un état de perfection qui ne laisserait subsister aucun
défaut en nous. Ce n'est qu'en vivant continuellement
en la présence de notre Père céleste, et aussi près
de
lui que possible, que nous deviendrons parfaits comme il l'est
lui-même.
Un jour, je m'assis sous le porche d'une
maison. Un vent violent s'était mis à souffler, un petit
oiseau
s'abattit, chassé par la rafale. Un faucon, venu de la
direction opposée, fondit sur lui pour en faire sa proie.
Menacé de deux côtés à la fois, l'oiseau
tomba sur mes genoux. En général il n'aime pas à s'approcher
de
l'homme ; mais, au jour de l'adversité, il chercha refuge
auprès de moi. C'est ainsi que le vent violent de la
souffrance nous pousse dans le sein de Dieu.
Une fois, au cours de l'un de mes voyages,
je vis un berger faisant passer son bétail de l'autre côté
d'une rivière. Tout le troupeau traversa, à l'exception
d'une vache et d'un veau, qui paraissaient ne pas
vouloir franchir l'eau. Craignant qu'en les abandonnant, les
bêtes sauvages ne les dévorent, le pâtre se mit à
les battre pour les faire obéir, mais sans succès.
Puis il essaya de les attirer en leur présentant un peu de
foin : ce fut tout aussi inutile. je lui suggérai alors
de porter le veau sur l'autre rive. Ce qu'il fit... et la vache
les accompagna.- Il en est de même lorsque nous ne voulons
pas suivre notre Maître : il nous enlève ceux
que nous aimons et les prend auprès de lui. Nous sommes
ainsi amenés à désirer les régions célestes,
où
nos bien-aimés s'en sont allés, et à nous
préparer pour pouvoir les y rejoindre.
On demanda un jour au Sadhou comment
il comprenait le salut par le sang de Christ. Le récit suivant
fut sa réponse :- Une fois que je prêchais l'Évangile,
je dis à mes auditeurs : Christ est mort pour sauver les
pécheurs.- « Comment cela se peut-il ? » demanda
l'un d'eux. Un jeune homme, qui se trouvait là, prit la
parole : « C'est parfaitement vrai, c'est par la mort de
mon père que j'ai été sauvé. Un jour je tombai
dans
la montagne, et, me blessant, je perdis beaucoup de sang. Quand
mon père apprit l'accident, il vint et me
transporta à l'hôpital.- Il va mourir, dit le docteur,
je suis impuissant. je ne pourrais le guérir que si
quelqu'un veut bien offrir son sang.- Me voici prêt à
donner ma vie, dit le père.- Ainsi fut fait. je vécus et
mon père mourut, et par sa mort, je fus sauvé.
»
- Il en est de même pour moi, dit le Sadhou. J'étais
tombé dans la montagne de la sainteté, j'avais perdu
mon sang spirituel, j'étais sur le point de mourir. Le
Sauveur me transfusa son sang ; il sacrifia sa vie et je
fus épargné. Ceux qui sont prêts à
donner leur coeur comprendront combien il est vrai que c'est par la mort
de Jésus-Christ qu'ils peuvent être libérés.
J'ai éprouvé cette vérité : si vous voulez
sauver une vie, il faut
donner la votre.
Malgré une loi frappant les joueurs
d'une amende de 500 roupies, deux jeunes hommes jouaient aux
dés. Ils furent arrêtés et incarcérés.
L'un était le fils d'un homme riche qui acquitta la somme. L'autre,
fils
d'un pauvre paysan, fut gardé en prison. Afin de l'en
faire sortir, sa mère travailla sans relâche, portant de
lourdes pierres qui la blessèrent aux mains et firent
couler son sang. A travers les barreaux de sa prison, le
jeune homme vit ces mains meurtries.- « Mère, qu'est-ce
que ces blessures et ce sang sur vos doigts ?-
Mon fils, c'est en travaillant pour te sauver que j'ai souffert
ainsi. »
À force de peine, la pauvre femme
gagna les 500 roupies et libéra son fils. Peu après, le camarade
fortuné le rencontrant, l'invita de nouveau à jouer.-
« Non, dit le jeune homme pauvre, vous, vous avez été
délivré aisément ; mais moi, je le fus par
le dur travail, les blessures et le sang de ma mère ; comment
pourrais-je, à l'avenir, me livrer à ce jeu qui
lui valut tant de souffrances ?
Ceux qui réalisent le prix que
Christ a payé, en versant son sang pour les sauver, ne peuvent plus
vivre
dans le péché qui a causé tant de douleurs
à leur Sauveur.
Au Cachemire, un homme possédait
plusieurs centaines de moutons. Les serviteurs avaient coutume de
les mener paître, et chaque soir, au retour, il en manquait
deux ou trois. Le maître pria ses gens de les
retrouver ; mais, par crainte des bêtes sauvages, ils ne
s'en donnèrent pas la peine. Le propriétaire, qui
aimait ses moutons, désirait les sauver. « Si je
vais moi-même, dit-il, ils ne me reconnaîtront pas, puisqu'ils
ne m'ont jamais vu. Ils reconnaîtraient mes serviteurs,
mais ils refusent d'aller... Il faudra donc que je
devienne semblable à un mouton ! » Il prit une toison,
la mit sur son dos et partit à la recherche des
animaux égarés ou blessés. Ceux-ci, le prenant
pour un des leurs, le suivirent. Il les ramena et les nourrit.
Lorsque tous furent saufs, il se défit de sa toison :
il n'était plus un mouton, mais un homme.- Ainsi Dieu,
Jésus-Christ, n'est point homme, mais s'est fait semblable
aux hommes, dans le but de les sauver.
L'homme est un être libre qui,
par un mauvais usage de sa liberté, peut porter atteinte à
lui-même et aux
autres.
Nous ne faisons aucun tort à Dieu
en pêchant, mais à nous-mêmes et a ceux qui nous sont
apparentés.
Car il n'est pas possible de commettre le mal sans que d'autres
en souffrent. La repentance doit nous
amener à nous abstenir d'actes nuisibles, et nous conduire
à faire comme Zachée : réparer le mal que nous
pouvons avoir commis.
Comme il y a du feu dans une pierre
à feu, ainsi il y a dans le coeur de l'homme, une soif intense de
communion avec Dieu. Ce désir peut rester caché
sous l'enveloppe dure de la pierre du péché et de
l'ignorance. Mais au contact d'un homme de Dieu ou de l'esprit
de Dieu, ce désir s'enflamme, comme le
fait la pierre à feu lorsqu'elle est frappée par
l'acier.
Si mauvais que soit un homme et si corrompue
que soit sa vie, il y a en lui un élément qui ne trouve
aucun attrait au péché. Sa conscience peut être
émoussée et près de mourir : l'étincelle divine
ne s'éteint
jamais. Même chez les plus grands criminels on découvre
quelque chose de bon. Certains hommes, auteurs
de crimes particulièrement sauvages, ont aidé des
pauvres et des opprimés.
Puisque l'étincelle, ou l'élément
divin qui est en eux ne peut être détruit, nous ne devons
désespérer
d'aucun pécheur.
Si, constamment, nous critiquons les
autres, nous leur portons grandement préjudice, ainsi qu'à
nous-même. Si nous ne nous estimions pas autant, cela nous
rendrait sympathiques et aimants vis-à-vis du
prochain, et nous mériterions le pays promis, qui est
le royaume de l'amour.
Du premier au dernier mot, la prédication
du Sadhou roule sur ce thème : renoncement et prière.
Celle-ci est de peu de valeur, si elle ne se traduit pas par
le don de soi au service de Dieu.
- Notre Seigneur dit que nous sommes le sel de la terre.
Ce n'est que lorsque le sel fond qu'il communique
sa saveur aux aliments. Sinon, que servirait-il d'en jeter dans
un bol de riz bouillant ? Mais parce qu'il s'y
dissout, des milliers de grains deviennent savoureux. De même,
lorsque nous voulons sauver les autres,
nous devons faire le don de nous-mêmes. Sinon, nous deviendrons
comme la femme de Lot, que son
amour du monde changea en une statue de sel. Car à quoi
sert le sel qui ne fond pas ?
Beaucoup ne découvrent jamais
leurs propres défaillances et leurs manquements, et sont toujours
à la
recherche des fautes d'autrui. Mais lorsque nous nous regardons
dans un miroir, l'oeil distingue ses propres
défauts ou les taches du visage. Ainsi, en examinant nos
vies à la lumière de la Parole écrite, nous
apprenons à nous connaître nous-même. Christ
ne se contente pas de nous montrer notre état de péché,
il
se révèle à nous dans sa puissance de guérison.
Si nous nous tournons vers lui, il fera disparaître nos
imperfections et nous transformera en son image glorieuse, afin
que, pendant toute l'éternité, nous ayons
part à sa gloire.
Les savants et les philosophes qui croient
à l'évolution, parlent de la survivance des plus dignes,
par la
sélection naturelle. Mais il y a aussi la survivance des
indignes par la sélection divine. Elle est prouvée par
le changement de millions d'êtres : ivrognes, adultères,
meurtriers, ont et, retirés de la profondeur du péché
et de la misère. Ils ont reçu une vie nouvelle
de paix et de joie par le salut apporté par Jésus-Christ,
venu
dans le monde pour sauver les indignes.
Les religions disent : « Faites
le bien et vous deviendrez bons. » Le christianisme enseigne : «
Vivez en
Christ et vous ferez le bien. » La signification du rachat
et du sang qui lave nos péchés, c'est que nous
sommes greffés en Christ, moi en lui et lui en moi. C'est
un rameau sauvage enté sur l'arbre. Une fois
greffé, la bonne sève de l'arbre circule à
travers le rameau, et ses fruits deviennent bons.
Les bons chrétiens ne sont pas
ceux qui confessent le Christ, mais ceux qui possèdent le Christ.
Beaucoup de chrétiens ont perdu
le sens des beautés de l'Évangile. Le scepticisme, le rationalisme
et la
mondanité ont obscurci leur vision.
Sundar Singh, dit le professeur Heiler,
a un double message : pour l'Inde, qui malgré de précieuses
richesses n'a pas trouvé jusqu'ici la perle de grand prix,
celle de l'Évangile ; pour les chrétiens d'Occident
qui eux, possédant cette perle précieuse, l'ont
en grande partie perdue, enfouie qu'elle est sous une
accumulation de culture, d'organisation et de recherches théologiques.
Ce que le Sadhou a révélé
au christianisme occidental, c'est la valeur du trésor caché
dans le champ :
l'Évangile du Christ, dans sa simplicité, sa grandeur
et sa puissance. Tant de chrétiens ne l'ont point trouve,
ou en connaissant l'importance, le rejettent.- Vous êtes,
dit le Sadhou, comme un homme qui, possédant un
diamant mais n'en sachant pas le prix, le vend au premier venu
pour quelques roupies...
- Je demande parfois à des chrétiens : Pourquoi
croyez-vous en Jésus-Christ ? On me répond « Parce
qu'il est le Sauveur ». Quelle preuve avez-vous qu'il soit
le Sauveur ? « Mais c'est écrit dans la Bible » je
dis alors : Le fait qu'il est parlé de Jésus dans
un livre, même dans la Bible, n'est pas suffisant. C'est dans
votre coeur que vous devez le connaître ; alors vous saurez
qu'il est le Sauveur. C'est tout autre chose
d'avoir entendu parler du Christ, d'avoir lu son histoire ou
de le posséder, lui, personnellement.
« Quiconque est né de Dieu ne pêche point.
» Autrefois cette parole me surprenait ; maintenant je la
comprends. Le péché est généralement
causé par la recherche du plaisir. Mais celui qui aime Dieu a en
lui-même des sources de joies profondes, intarissables,
au point que tout autre plaisir ne l'attire plus. Il ne
pêche plus ; il est comme un homme possédant un
louis d'or : il ne sait que faire d'un sou démonétisé.
Il ne suffit pas que nos péchés
quotidiens soient pardonnés, il faut, comme dit l'apôtre,
que nous ayons
dépouillé le vieil homme.
Les catholiques attachent un grand prix à la rémission
des péchés par l'absolution. Mais le mal qui est à
la
racine du péché continue d'agir.
Croyez-vous que les pécheurs
repentants doivent penser continuellement à leurs fautes et renouveler
leur contrition ?
Ne vous mettez pas en peine de savoir si Dieu pardonne ou ne
pardonne pas vos fautes. Le salut n'est
point seulement le pardon des péchés, mais l'affranchissement
du péché.
Se sentir pécheur est un signe
de santé spirituelle. C'est lorsque nous n'avons pas conscience
de notre
péché que nous sommes en danger.
Il en est de ce monde comme de la mer
dont l'eau est salée, mais non les poissons qui y nagent, parce
qu'ils ont la vie en eux-mêmes. Si nous recevons la vie
de notre Sauveur, bien qu'étant dans le monde,
nous serons, par sa grâce, libérés du péché
qui y règne. je parle de ma propre expérience.
Nous devons nous confier en Christ, sans
jamais douter. Étendez la main en croyant, et vous recevrez
la bénédiction attendue.- Un homme vint au Seigneur
avec une main sèche. Jésus qui savait son désir, lui
commanda : « Étends ta main ». L'homme obéit
et fut aussitôt guéri. Il aurait pu raisonner et dire : «
Quelle absurdité ! Si je pouvais mouvoir mon bras, je
n'aurais pas besoin de toi ! » Étendons la main de
notre foi sans raisonner ni douter. Obéissons et nous
verrons la puissance de Christ. je suis témoin des
grandes choses qu'il a faites pour moi. Il peut les faire pour
vous.
Le salut ne s'obtient pas par la science,
mais par la foi, en écoutant et en acceptant la Parole de Dieu.
Qu'il soit savant ou ignorant, jeune
ou vieux, lorsqu'un homme a soif, ce qu'il demande, ce n'est pas de
la science, mais de l'eau ; et avant de la boire, il n'a nul
besoin de savoir qu'elle contient de l'oxygène ou de
l'hydrogène. S'il attendait d'apprendre ce que sont ces
corps, il pourrait bien mourir de soif. Depuis les
temps les plus reculés, les hommes se sont désaltérés
avec de l'eau sans se soucier d'en connaître la
composition. De même, nous n'avons pas besoin d'être
très instruits pour recevoir l'eau vive que
Jésus-Christ veut nous donner et qui peut satisfaire notre
âme.
En 1921, un incendie éclata dans
une forêt de l'Himalaya. Pendant que la plupart des gens essayaient
de
l'éteindre, d'autres hommes étaient arrêtés
et contemplaient quelque chose au haut d'un arbre. Ils me
montrèrent un nid rempli d'oisillons, entouré de
branches en feu. Un oiseau, en proie à une grande
angoisse, voletait au-dessus du nid.- « Combien nous aimerions
sauver ces petits, disaient les témoins du
drame, mais cela est impossible, le feu est trop intense pour
que nous puissions approcher. » je restais là à
regarder, impuissant comme les autres spectateurs. Bientôt
je vis le nid s'enflammer à son tour. je pensais
que la mère oiseau allait s'envoler. Mais non, elle se
précipita au contraire dans les flammes, étendit ses
ailes sur ses petits pour les protéger. En un instant,
victime de son amour, elle fut réduite en cendres. je
n'avais jamais rien vu de semblable ; aussi, me tournant vers
mes compagnons, je leur dis : Cet amour
merveilleux nous étonne. S'il nous est donné d'être
les témoins d'un tel dévouement chez une si petite
créature, combien plus grands seront l'amour et le dévouement
que nous rencontrerons chez le Créateur !
Le même amour infini l'a amené à quitter
le ciel et à prendre forme humaine, afin de nous préserver,
en
donnant sa vie, de mourir dans nos péchés.
Nombreux sont ceux qui ont perdu le temps
précieux qui leur avait été accordé pour le
service de Dieu.
Mais ils peuvent, maintenant encore, se lever et faire l'usage
le meilleur des jours qui leur restent à vivre.
Sur la berge d'une rivière, un
chasseur ramassa quelques pierres et, une à une, les employa à
tuer, avec
sa fronde, des oiseaux perchés sur les arbres non loin
de là. Toutes tombèrent dans l'eau et disparurent.
Lorsqu'il rentra à la ville, une seule lui restait en
main. Près du bazar, un joaillier le vit, tenant cette pierre :
c'était un diamant valant des milliers de roupies, lui
dit-il. Quand l'homme entendit cela, désespéré, il
se
lamenta : «Malheur à moi ! J'ignorais leur prix,
et j'ai employé ces diamants à tuer des oiseaux ! Emportés
par le courant, ils sont à tout jamais perdus. je n'en
ai gardé qu'un seul ; si je les avais tous, je serais
millionnaire... »
Chaque jour est comme un diamant précieux
; et bien que beaucoup aient été dilapidés à
la poursuite
des plaisirs et des choses de la terre, et qu'ils soient tombés
dans les profondeurs du passé, il faut prendre
conscience de la valeur de ce qui nous reste et l'utiliser le
mieux possible, afin d'acquérir les richesses
éternelles. Consacrez au service de Christ la vie qu'il
vous a donnée, avec toutes ses possibilités, en
travaillant au salut des autres pour les arracher au péché
et à la mort.
Les hommes ont souvent le nom de Christ
sur les lèvres, mais il n'est point dans leur coeur. C'est
pourquoi ils n'obtiennent pas ce qu'ils désirent. Mais
lorsqu'ils demeurent en lui et lui en eux, tout ce qu'ils
demandent, ils le reçoivent parce qu'ils prient par le
Saint-Esprit qui leur révèle ce qui glorifie le Père
et ce
qui est le meilleur pour eux-mêmes et pour les autres.
Sinon, ils recevront la réponse qu'un méchant garçon
obtint de la part du gouverneur auprès duquel il sollicitait
la faveur d'un emploi. Il présenta sa requête au
nom de son père, dont les services n'avaient été
que courage et dévouement. Le gouverneur, rappelant
alors au jeune homme sa conduite et ses habitudes mauvaises,
lui dit : « Ne me demandez rien au nom de
votre père, mais agissez premièrement selon son
exemple. Que sa noble vie ne soit pas seulement sur vos
lèvres, mais qu'elle se reproduise en vous, et votre démarche
sera agréée. »
La chose essentielle est d'être
en règle avec Dieu : alors toutes les souffrances s'enfuiront. Les
rationalistes disent : « Commencez par nous expliquer toutes
les choses difficiles, et nos doutes
s'enfuiront... » Il y a cinq ans, je me trouvais avec un
docteur de mes amis, lorsque nous aperçûmes un
homme pleurant à chaudes larmes.- Qu'y a-t-il donc ? lui
demanda le médecin.- En tombant, je me suis
cassé le bras, et j'ai mal !- Ne crains rien, dans une
semaine tu seras guéri, et la douleur disparaîtra dès
que
j'aurais replacé l'os.- Commence par m'enlever la douleur,
dit l'homme ; après, tu feras tout ce que tu
voudras.- Insensé, comment le pourrai-je ? C'est l'os
cassé qui cause la douleur, et c'est seulement lorsqu'il
sera remis en place que tu n'auras plus mal !
On trouve beaucoup d'insensés
pareils à celui-là. Nos doutes spirituels, les souffrances
de notre âme
sont causés par le péché : mettez-vous en
règle avec Dieu par la repentance et la foi en lui, alors la
souffrance et le doute disparaîtront.
J'ai parlé l'autre jour avec
quelqu'un de très instruit qui m'assurait que la paix dont j'ai
fait l'expérience
était l'effet de mon imagination. Avant de lui répondre,
je lui racontai l'histoire d'un aveugle-né qui refusait
de croire à l'existence du soleil. On le fit asseoir dehors,
dans les tièdes rayons, par une froide journée
d'hiver. « Comment te trouves-tu ? lui demanda-t-on.- J'ai
bien chaud, dit-il.- C'est le soleil qui te
réchauffe, car même si tu ne le vois pas, tu en
éprouves les bienfaits.- Non, cela est impossible ; cette
chaleur vient de mon corps et de la circulation de mon sang.
Vous ne me ferez pas croire qu'il y a, dans le
ciel, une boule de feu suspendue, sans une colonne pour la soutenir
»- Eh bien ! demandai-je au savant,
que pensez-vous de cet aveugle ?
C'est un fou, répondit-il.- Et
vous, lui dis-je, vous êtes un fou érudit. Vous prétendez
que ma paix est
une illusion ; mais moi, je l'ai expérimentée.
Un homme, prenant une corde, essaya
d'en défaire les noeuds. Son travail lui demanda plusieurs
heures. Son petit garçon qui le regardait, attacha l'autre
bout de la corde à un arbre et y fit un noeud
coulant. Il y passa la tête, et tandis que le père
était absorbé par son travail, il s'étrangla. Sa mère
le vit et
accourut: « Malheureux, l'enfant se meurt ! Et toi, au
lieu de le sauver, tu défais les noeuds de la corde... »
Et, l'enfant expira.
Tel est le résultat des recherches
inutiles : il vaudrait mieux employer le temps qu'on y consacre à
sauver les millions d'âmes en péril.
L'idée populaire que les enfants
sont innocents, est juste au point de vue de la connaissance du mal,
mais elle est entièrement fausse en ce qui concerne les
impulsions mauvaises. Une demi-heure dans la
chambre de jeux des petits nous en convaincra facilement.
Les hommes prient :- Que ta volonté
soit faite : mais au fond de leur coeur ils disent : Que ma volonté
puisse s'accomplir ! Ils ne savent pas que celle de Dieu est
toujours la meilleure.
Questionné sur la méthode
de travail à suivre, le Sadhou résuma ainsi sa pensée
: « Tâter le pouls, puis
donner la pilule ! »
Comme les prophètes trouvaient, au moment où ils
prophétisaient, une source d'inspiration dans la
musique, les aidant à révéler la vérité,
nous éprouvons que sa beauté élève nos coeurs
vers Dieu et pousse
ceux qui sont capables d'en éprouver les effets, à
l'adoration.
En remplissant, dans un esprit de sacrifice,
tous nos devoirs envers les membres de notre famille, nous
accomplissons la volonté de Dieu, aussi bien qu'en passant
notre temps dans la prière, le jeûne ou les
veilles. Sans esprit de sacrifice, il est impossible de servir
Dieu.
Comment discerner la volonté de Dieu
?- C'est parfois difficile, dit le Sadhou, mais par la prière nous
apprenons à la connaître. Si, en prenant certaines
décisions, notre paix intérieure augmente, alors nous
savons que nous sommes dans sa volonté.
La prière est l'entier abandon
du coeur à l'être suprême. Avant que l'homme commence
à prier, Dieu
est à l'oeuvre.
Dieu donne à la mère du
lait pour alimenter son enfant, mais le liquide ne vient dans la bouche
du
nourrisson que si celui-ci le prend. Ainsi Dieu, notre mère
spirituelle, a pour nous un lait qui ne nous sera
accordé que si nous nous en emparons, c'est-à-dire
si nous prions. Quand nous prenons ce lait spirituel,
alors nous en connaissons la douceur, et comme l'enfant, nous
devenons de jour en jour plus forts et
pouvons triompher des tentations. Tout ce que j'ai trouvé,
je l'ai reçu uniquement dans la prière.
Pour le Sadhou, le mystère et
la grandeur de la vie chrétienne consistent en ceci : la vie du
ciel
commence sur la terre, lorsque nous vivons avec le Seigneur.
Le christianisme n'est pas seulement une
espérance à venir, mais une possession présente.
Toutes les autres religions offrent
une rédemption future ; le christianisme dit : « Voici maintenant
le
temps favorable, voici maintenant le jour du salut. » Bien
des chrétiens se réjouissent à la pensée d'entrer
dans le ciel après leur mort et ne réalisent pas
qu'il doit débuter ici-bas déjà.
- Le ciel, c'est Christ lui-même en nous. Dans cette
vie je suis déjà au ciel parce que je suis en Christ.
Je n'aime pas à dire que j'ai été en prison,
car j'étais en réalité au ciel ; mais, pour expliquer
la chose, je suis
obligé d'employer ce mot-là.
Beaucoup d'infortunés chrétiens
s'attendent à aller dans l'au-delà après leur mort,
mais ils ne savent pas
que le ciel doit commencer sur la terre. Quand notre âme
entre en communion avec Dieu et que nous
réalisons sa présence, nous découvrons que
le ciel, c'est posséder la parfaite paix de l'âme.
Tout ce que nous aurons fait pour le
Seigneur aura sa récompense.
La vie chrétienne a un double
aspect : elle est en même temps une vie dans le ciel et une vie dans
le
monde. Celui qui voudrait ne vivre que dans le ciel courrait
le danger de perdre ce qu'il a. Celui qui se
donnerait entièrement au travail pour le monde risquerait
d'oublier Dieu et verrait tous ses efforts humains
être insuffisants pour gagner le ciel. Le chrétien
doit vivre et travailler dans le monde et avoir son coeur
attaché au ciel, où est sa demeure éternelle.
Parfois on trouve un arbre verdoyant
et fertile dans un pays aride. Un soigneux examen révèle
que ses
racines plongent dans un courant d'eau souterraine et invisible.
Lorsque nous voyons un homme rempli de
joie, ayant, au milieu de la misère, du péché
et de la souffrance de ce monde, une vie utile et bienfaisante,
nous pouvons être certains que, par la prière, les
racines de sa foi plongent jusqu'à la source des eaux vives
et puisent à ce contact l'énergie et la puissance
de porter des fruits pour la vie éternelle.
Il est très difficile d'expliquer
par la parole les profondes expériences de la vie cachée,
mais lorsque les
mots sont impuissants, l'action peut agir. Un jour, tandis que
je méditais et priais, j'éprouvai avec force la
présence de Dieu et mon coeur déborda d'une joie
céleste... je vis que sur cette terre de tristesse et de
souffrance, il existe une source de joie intarissable, que le
monde ne connaît pas. J'étais anxieux d'aller au
village voisin pour partager mon bonheur avec d'autres. Mais
à cause de ma grande faiblesse physique, un
conflit s'éleva entre mon âme et ma chair. Finalement
je triomphai et pus traîner péniblement mon corps
souffrant et dire aux gens ce que la présence de Christ
était pour moi. Ils savaient que j'étais malade et
qu'une contrainte intérieure m'avait poussé à
venir à eux. Malgré mon incapacité d'exprimer ce que
je
ressentais, cette profonde expérience leur fut transmise
en action et put leur aider.
L'amour de Dieu est sans bornes : c'est
un océan, et des fleuves sortent incessamment de lui. Et dans
son amour infini, Dieu désire le bonheur des êtres
qu'il a créés. Il aime tous les hommes, non seulement les
bons et ceux qui se confient en lui, mais aussi les méchants
qui jusqu'ici refusent de croire en lui.
Si nous avons reçu l'amour de
Dieu et si nous y avons cru, nous ne pouvons nous taire. Nous devons
sans délai l'apporter aux autres.
J'ai essayé d'aimer les autres,
parce que ma religion me le disait ; mais je n'avais aucune puissance pour
le faire. Le seul commandement ne pouvait créer en moi
l'amour que je ne possédais pas. Mais lorsque
Christ s'est révélé à moi, alors
j'appris ce qu'était cet amour. je vis la différence entre
l'hindouisme et le
christianisme : l'un me laissait renfermé, dans mon égoïsme
étroit, l'autre me donna le pouvoir de vivre
pour mes frères et de les aimer.
Nous pourrions puiser, longtemps encore,
dans les récits imagés et si proches de nous qu'a laissés
le
Sadhou- mais il faut nous borner.
VIE CONTEMPLATIVE
VIE ACTIVE
L'amour de Christ nous presse... Il est mort pour tous afin
que ceux qui vivent
ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour Celui qui est
mort et ressuscité pour eux.
Saint Paul.
La communion avec Dieu dans la retraite
était le désir profond de Sundar, mais il se sentait de plus
en
plus contraint de quitter la solitude et de se mettre au service
de ses frères au sein du monde bruyant. Il
voyait la grande tâche que les chrétiens doivent
accomplir durant leur brève vie terrestre. Lorsqu'il était
repoussé et que la bonne nouvelle était rejetée,
il regardait de son devoir de parler quand même à des
oreilles fermées et à des coeurs durs, et il était
prêt, s'il le fallait, à sceller son témoignage par
la souffrance,
la persécution, la prison, voire les tortures et même
la mort.
- Quel privilège que d'être un témoin
de Christ ! privilège que les anges n'ont pas, puisque n'ayant jamais
péché, ils ne connaissent pas le salut et ne peuvent
ainsi témoigner du pouvoir rédempteur de Christ. Seuls
les pécheurs sauvés par grâce peuvent annoncer
la bonne nouvelle. Oh ! quel amour Dieu nous a témoigné
en refusant cet honneur aux anges et en nous l'accordant.
Pour le Sadhou, c'est sur la terre que
commence la vie du ciel, lorsque nous vivons avec le Seigneur.-
Le ciel ne consiste pas seulement en une promesse de félicité
future, mais dans une possession présente. «
Celui qui croit en moi, dit le Christ, a la vie éternelle.
» Pour être un jour avec Christ dans l'au-delà, il faut
avoir déjà vécu avec lui sur la terre.
« Le ciel sur la terre »,
cette réalité chère au Sadhou n'est pas une béatitude
égoïste, mais doit
s'exprimer dans un ardent amour pour les autres et dans un travail
incessant pour les amener à Christ. Le
Sadhou passait des jours et des nuits en communion avec Dieu,
puisant là l'énergie de porter son
témoignage dans le monde entier. Avant l'aurore il était
aux pieds du Maître dans le silence de la prière,
puis au long de la journée il proclamait l'Évangile
à des foules, prenant soin des âmes qui venaient à
lui
dans leurs peines ou leurs perplexités. L'homme de prière
qui ne se lassait pas de dire à ceux qui
l'écoutaient : « Priez sans cesse », ne se
lassait pas non plus de les appeler à se donner sans partage au
service de leurs frères. Il unissait dans une parfaite
harmonie la vie contemplative et la vie active. L'une ne
va pas sans l'autre.- Nous avons deux poumons, disait-il, qui
doivent fonctionner l'un et l'autre. La prière et
le travail pour Dieu ne doivent pas se séparer dans notre
vie quotidienne.
- Si Christ était resté dans la gloire du
ciel, nous serions perdus. Si nous sommes égoïstes et que nous
vivions confortablement, sans nous occuper des autres, nous n'avons
pas compris son exemple. Beaucoup
blâment ceux qui donnent santé, force, argent pour
autrui, les appelant des fous. Pourtant ce sont eux qui
sauvent des âmes.
Personne ne doit penser que ce qu'il
a à donner est trop peu de chose, quelque infime que cela paraisse.
Ce que Christ demande , c'est notre fidélité dans
les plus petits détails et dans les moindres services.
- Pour être un témoin du Christ, il n'est
pas nécessaire d'être un éloquent prédicateur.
Celui-ci n'est pas
toujours un témoin. Mais personne, qu'il soit homme ou
femme, Jeune ou âgé, riche ou pauvre, ouvrier ou
patron, maître ou élève, homme d'affaires
ou pasteur, ne peut se dire vraiment chrétien s'il ne rend pas
témoignage à Jésus. Il n'est pas besoin
de prêcher du haut d'une chaire ou dans les rues, d'avoir une classe
biblique, une école du dimanche ou une union chrétienne
; ce ne sont là que certaines formes. Mais, au
bureau comme au magasin, dans la vie de famille comme en société,
par une vie pure, un caractère intègre,
la sincérité de la parole, l'enthousiasme de la
foi, la richesse de l'amour, tous les chrétiens doivent être
des
témoins du Maître.
Donnez et il vous sera donné.
L'union intime avec Dieu ne demande aucune qualité exceptionnelle
et
n'exige pas l'abandon de nos devoirs. Elle se développe
dans le service d'amour, mais s'éteint en se
refermant sur elle-même. Un mysticisme qui se confine dans
une pure contemplation tue la vraie
communion avec Dieu.- Nous jouirons éternellement du ciel,
mais ici-bas nous ne disposons que de peu de
temps pour servir. C'est pourquoi nous devons saisir cette unique
occasion.
Par une série de paraboles le
Sadhou illustre ce don de soi.
- Les poissons, plongés dans les profondeurs de
l'océan, perdent certaines de leurs facultés. Au Tibet, je
vis un moine bouddhiste avant passé cinq ou six ans dans
une cave. Auparavant, il avait de bons yeux,
mais ils s'affaiblirent de plus en plus et l'ermite devint aveugle.
L'autruche n'a plus le pouvoir de voler parce
qu'elle ne s'est pas servie de ses ailes. Il en est ainsi pour
nous. Si nous n'employons pas les grâces que
nous avons reçues de Dieu pour sa gloire, nous risquons
de les perdre pour toujours.
- Pour bien des croyants, il semble facile de mourir en
martyr par amour pour Christ, mais Christ a besoin
de martyrs (martyr veut dire témoin) qui s'offrent journellement
en vivant sacrifice pour les autres.
- La souffrance, dit le Sadhou, est le chemin qui conduit
à la communion avec Dieu. La Croix est comme
la noix : l'écorce est amère, mais le fruit est
excellent.
Il est arrivé que, pendant un
tremblement de terre, des sources fraîches aient jailli dans des
terres
desséchées et stériles, fertilisant soudainement
un pays. Ainsi la souffrance peut susciter une source de vie
dans un coeur humain encore éloigné de Dieu.
Un jour, un homme remarqua un ver à
soie luttant pour se dégager de son cocon. Il voulut l'aider à
se
libérer. L'insecte fit encore quelques efforts ; un instant
après il était mort. L'homme ne l'avait pas secouru
: il avait empêché sa croissance.
Quelqu'un d'autre se trouva dans les
mêmes circonstances, mais ne fit rien pour secourir le ver à
soie,
sachant que de cette lutte il sortirait plus fort et serait prêt
pour sa nouvelle vie. Pour nous aussi, les
souffrances et les détresses nous préparent pour
la gloire éternelle.
A partir de sa vision céleste,
Sundar eut un désir passionné de suivre Christ et de porter
sa croix,
jusqu'à mourir pour lui.- Parce que je suis heureux de
partager les souffrances du Christ, je n'ai pas soif de
voir son retour tandis que je suis en vie. je voudrais plutôt
prendre le chemin qu'il a suivi, afin de
comprendre quelque chose de ce qu'a signifié pour Jésus
sa mort pour nous.
- Dans le ciel et sur la terre, rien n'est comparable
à la Croix. C'est par elle que Dieu a révélé
son amour
pour l'humanité. Sans elle nous l'aurions toujours ignoré.
A cause de cela Dieu désire que tous ses enfants
portent, à leur tour, ce lourd et doux fardeau. C'est
le seul moyen par lequel notre amour pour Dieu et pour
les hommes peut se manifester.
« Si quelqu'un veut venir après
moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix
et qu'il me
suive. »
La puissance divine qui s'est manifestée
dans la vie du Sadhou, que ce soit à sa conversion, dans ses
extases, dans ses souffrances comme témoin du Christ ou
dans ses délivrances à l'heure des plus grands
périls, à sa source dans sa vie de prière.-
Par un homme de prière Dieu peut faire de grandes choses,
aime-t-il à dire.- Le secret de sa vie et de celle de
tous les hommes de Dieu- réside dans sa communion
avec Christ. C'est de là que découlent son profond
amour pour lui, son zèle pour son service, son
acceptation de tous les sacrifices, sa paix et sa Joie dans les
souffrances.
Nous l'avons dit, chaque matin très
tôt, Sundar passait plusieurs heures à étudier sa Bible
avec prière. Il
lui arrivait de consacrer une nuit entière, dans un endroit
solitaire, pour s'entretenir avec Dieu. Il en revenait
le visage empreint d'une sérénité visible
à tous.
- Dieu ne peut nous donner ses plus grandes bénédictions
spirituelles que dans la prière.
Il y a de belles choses dans la nature
: des oiseaux, des fleurs, mais pour trouver des perles, il faut
descendre dans les abîmes de la mer. De même si nous
désirons posséder des perles spirituelles, nous
devons plonger dans les profondeurs secrètes de la contemplation
et de la prière.
-Les plus grands mystères de la foi chrétienne,
comme l'incarnation de Jésus-Christ, sa divinité, sa mort
sur la Croix, sa résurrection, son ascension dans la gloire,
sa présence actuelle dans le coeur des croyants,
ne peuvent nous être enseignés par le travail intellectuel
ou l'étude théologique des Écritures, mais sont
révélés par l'Esprit à celui qui
s'attend à Dieu dans la méditation.
- Nous découvrons beaucoup de choses sur Jésus
dans la Bible, mais pour apprendre à le connaître, lui, il
faut consacrer du temps à la prière. Si vous vous
retirez dans la solitude avec Dieu, là, vous entendrez la
voix de Celui qui seul peut vous aider. Si vous lisez sa Parole
et priez, ne fût-ce qu'une demi-heure par
jour, il se révélera à vous ; vous le rencontrerez
personnellement et il vous donnera force, paix, joie.
Les hommes de prière parlent
à Dieu comme un homme parle à son ami.
Pour souligner cette absolue nécessité,
le Sadhou se sert du symbole de la respiration.- Dans la prière
l'âme s'ouvre au Saint-Esprit ; alors Dieu projette en
elle un souffle, et elle devient une âme vivante. Celui
qui cesse de respirer dans la prière est mort spirituellement.
- Un ami me disait : « Pourquoi prier ? C'est inutile,
nous ne recevons rien, c'est sans espoir ! » Quant à
moi, j'ai bien souvent prié silencieusement, lorsque je
me sentais faible physiquement ou spirituellement, et,
subitement, une puissance pénétrait dans tout mon
être. Aucun changement extérieur ne s'était produit,
mais en quelques secondes une vie débordante remplissait
mon âme.
Mais pour le Sadhou la vraie prière
n'est pas la demande de tout ce que nous pouvons désirer ; ce n'est
pas non plus un pénible effort pour obtenir une aide dans
nos divers besoins. Elle consiste, avant tout, à
rechercher Dieu lui-même. C'est la suprême bénédiction.
Si le Sadhou regarde l'union avec Dieu
comme but premier, il attache cependant une réelle valeur aux
prières naïves et enfantines demandant les bénédictions
terrestres. Il considère ce stage comme une
préparation.
L'âme vient avec tous ses désirs
à Dieu ; et, dans sa présence, graduellement elle change
et s'abandonne
à la volonté divine. Dieu refuse parfois de répondre
aux requêtes limitées de ses enfants, afin qu'ils
apprennent à rechercher les choses les meilleures.
- Pendant deux ou trois ans, après ma conversion,
dit le Sadhou, j'avais coutume de solliciter des grâces
particulières. Maintenant c'est Dieu lui-même que
je réclame.
- Supposons qu'il y ait un arbre chargé de fruits.
Si vous désirez ceux-ci, vous êtes obligé de les acheter
à
leur propriétaire, ou de le prier de vous en faire don.
Chaque jour vous allez lui en demander un ou deux.
Mais s'il vous est possible d'acquérir l'arbre, tous les
fruits vous appartiendront. De même si vous avez
Dieu, les biens du ciel et de la terre seront vôtres. C'est
pourquoi il faut rechercher non les biens, mais leur
dispensateur lui-même. Si vous possédez la source
de la vie, vous possédez toutes choses.
Mais le Sadhou rejette avec énergie
l'idée que par la prière nous pouvons changer les plans de
Dieu.
Elle n'est pas un moyen pour gagner Dieu à notre cause,
mais elle nous enseigne à connaître sa volonté. Il
est possible qu'elle soit contraire à la nôtre et
comporte pour nous des souffrances, des besoins matériels,
ou la maladie. Mais notre consolation est de dire toujours :
« Ta volonté soit faite. » Pour les chrétiens,
c'est là la première prière. Celui qui a
conformé sa vie à la volonté de Dieu, a trouvé
la plénitude de la paix
et de la joie. Quelles que soient les vues de Dieu, il travaille
à notre meilleur bien. « Toutes choses
concourent au bien de ceux qui aiment Dieu. » Quand nous
avons réalisé cela, murmures et craintes
disparaissent comme par magie.
Le Sadhou insiste sur la nécessité
de demeurer paisible dans l'attente de Dieu.- Pour trouver Dieu nous
devons faire silence. Dans l'agitation et la fièvre de
la vie il se tait. Pour recevoir les grandes bénédictions
du Saint-Esprit, une préparation est nécessaire.
Les apôtres attendirent dix jours le baptême de la
Pentecôte.
Le reproche que fait le Sadhou aux chrétiens
d'être trop absorbés par leur travail et de négliger
la prière,
revient constamment.
Quelqu'un lui demanda :- Que dites-vous de l'homme d'affaires
si pressé, qu'il est déjà obligé d'expédier
en
hâte son déjeuner pour courir à son bureau
?- je pense que la prière est pour lui aussi importante que le
déjeuner ! répondit Sundar. Une fois qu'il aura
pris l'habitude de prier, il en aura tant de joie qu'il prendra le
temps nécessaire.
Il faut savoir supprimer bien des choses
secondaires pour trouver le temps de prier. L'heure approche
où tous nous devrons mourir. Elle n'attendra pas que nous
ayons fini notre travail. Ne vaut-il pas mieux
faire en sorte d'entrer dès maintenant dans l'intimité
de Celui qui seul pourra nous aider au moment de la
mort et nous introduire dans la vie éternelle ?
Un mendiant allait régulièrement
chez un homme pieux. Il recevait la nourriture qu'il réclamait et
s'en
retournait content. Un jour le repas n'étant pas encore
prêt, l'homme de Dieu pria l'indigent d'attendre
quelques instants. Ils se mirent à causer, et le mendiant
comprit et accepta le message dont il lui était fait
part. En une demi-heure sa vie fut transformée. Il demanda
au saint homme pourquoi il ne lui avait pas
annoncé plus tôt cette bonne nouvelle.- Autrefois
tu ne venais que pour mendier et tu t'en retournais
aussitôt ; cette fois tu es resté près de
moi et j'ai pu t'enseigner.
Commentant ce texte : « Vous n'avez
pu veiller une heure avec moi ! Veillez et priez afin que vous ne
tombiez point en tentation », Sundar dit :- Pourquoi le
Seigneur a-t-il adressé cet avertissement à Pierre ?
Parce que si Pierre avait passé cet instant en prière,
il n'aurait pas renié son maître quelques heures plus
tard.
Le Sadhou insiste aussi sur les miracles
qui peuvent être accomplis par la prière, comme si Dieu voulait
nous associer à la réalisation de ses desseins
d'amour et qu'il ait besoin de notre intercession pour les
exécuter. Ce qui est impossible aux hommes devient possible
par la prière ; les serviteurs de Dieu voient se
produire des miracles que les sages de ce monde déclarent
contraires aux lois naturelles. Le plus grand des
miracles, le Sadhou l'a dit maintes fois, c'est la paix profonde
que Dieu donne à l'âme en détresse.
Quant à la prière d'intercession,
le Sadhou y attache une grande importance.- J'ai deux ou trois cents
filleuls. je possède la liste de leurs roms, et quand
je suis dans les solitudes de l'Himalaya, j'intercède pour
chacun d'eux. J'ai prié huit ans pour une personne avant
qu'elle ne se donne à Dieu.
Le Sadhou désirait aussi pour
lui les prières de ses amis.
Ainsi à Londres, il prit soin
de les informer d'une. importante réunion qu'il devait tenir, afin
qu'ils
pussent intercéder en sa faveur.
- Nous pouvons faire souvent plus de bien par la prière
que par la parole. Une influence cachée se dégage
de l'intercesseur et pénètre l'atmosphère
spirituelle, tel un message de la T. S. F. qui, transmis par
d'invisibles ondes, atteint, par de mystérieuses communications,
la conscience de ceux pour lesquels nous
prions.
« La prière du juste a une
grande efficace. »
- je vous en supplie, prenez le temps de prier ; alors
le Christ pourra faire de grandes choses pour vous et
par vous, et vous ne serez pas confus et éloignés
au jour de son avènement.
« Le Sadhou nous a enseigné
à prier, dira un chrétien de ses amis. Nos prières
sont bien différentes de
ce qu'elles étaient auparavant ! »
Dans l'histoire de la prière,
Sundar Singh tient une place toute spéciale, non seulement par l'énergie
avec
laquelle il affirme son importance dans l'expérience chrétienne,
mais aussi par la lucidité et la profondeur de
ses conceptions sur ce sujet central.
- ÉGLISE ET THÉOLOGIE
- DERNIÈRES ANNÉES
- ULTIME MYSTÈRE
Christ est ma vie, et la mort m'est un gain.
Saint Paul.
L'Église à laquelle était
attaché le coeur du Sadhou n'était point une institution
visible.- J'appartiens au
corps de Christ, disait-il, qui est la véritable Église
formée de tous les chrétiens sauvés par Jésus-Christ,
ceux qui vivent ici-bas et ceux qui, entrés dans le monde
de la lumière, font partie de l'Église triomphante.
Par le baptême, Sundar était
membre de l'Église anglicane des Indes, et a toujours exprimé
son respect
pour les hommes qui en portaient les responsabilités.
Il reconnaissait son autorité en envoyant aux
missionnaires, pour les faire baptiser, ceux qui se convertissaient
par son moyen.
Bien qu'il fût lui-même
indépendant de toute autorité extérieure établie
dans l'Église, il en reconnaissait,
pour la majorité des hommes, la valeur pédagogique.
Obéissant au commandement du
Christ, il participait, lorsqu'il en avait l'occasion, au sacrement de
la
sainte Cène, et cela dans toutes les églises chrétiennes,
à l'exception de l'Église catholique romaine. Il en
éprouvait bénédiction et puissance, mais
ne croyait pas à la présence réelle du Christ dans
le sacrement,
selon la doctrine catholique ou luthérienne.- Je ne crois
pas que le pain et le vin deviennent réellement le
corps et le sang de Christ ; mais leur effet sur le croyant est
aussi puissant que s'il en était ainsi. Il n'y a rien
de spécial dans le pain et le vin : l'eucharistie, comme
moyen de grâce, dépend de notre foi.
Le Sadhou vivait dans la pensée
de l'unité chrétienne, mais d'une unité essentiellement
intérieure et
fondée en Christ. Il ne croyait pas à une fédération
extérieure des différentes Églises, ni à l'union
des
catholiques et des protestants.- Quand vous mélangez deux
couleurs, vous en obtenez une troisième ; de
même ici vous verriez surgir de nouvelles sectes. Seulement
ceux qui sont unis en Christ seront « un »
dans le ciel.
La faute n'en est pas au Sadhou, mais
bien aux dénominations chrétiennes, s'il n'a pu saisir la
pleine
signification de l'Église. Sans aucun doute, sa position
ecclésiastique a été voulue de Dieu. Ainsi que l'écrit
le professeur Heiler, le fait que Sundar Singh, cet apôtre
au coeur large, humble, aimant, n'a pu se rattacher
sans réserve à une Église chrétienne,
montre plus clairement que quoi que ce soit, combien grand est le
besoin du christianisme actuel.
Ce qui est réconfortant, c'est
qu'un disciple du Christ, comme le Sadhou, ait pu parler librement dans
n'importe quelle église et que son message ait été
bien accueilli de tous. Parce qu'il n'appartenait à aucune
association chrétienne, il n'y avait point pour lui de
barrières ecclésiastiques.- Dans toutes les communautés
où Christ est aimé, je me sens au milieu de mes
frères. En Christ tous les chrétiens sont un et parlent la
même langue. Il n'y à qu'un seul Dieu : alors pourquoi
tant d'Églises et tant de divisions ?
Le Sadhou n'a jamais cherché à
susciter un mouvement de ceux qui ont été amenés à
la foi par sa
prédication. Quatre cents jeunes gens lui ont demandé
de devenir ses disciples, il ne l'a point voulu je suis
un disciple moi-même, Comment pourrai-je faire des autres
mes disciples ?
Il disait à ceux qui désiraient
le suivre :- Avant de vous lancer dans cette carrière qui ressemble
au vaste
océan agité par les vagues, apprenez à nager
dans votre étang. Il y a autour de vous une quantité d'âmes
qui périssent ; commencez par sauver celles-là
- Si je n'aime pas les organisations, j'aime l'ordre.
Dieu est un Dieu d'ordre. Il y a une grande différence
entre l'ordre et l'organisation qui n'est souvent qu'un mécanisme
rigide.
- Vous faites un programme pour Dieu afin de lui montrer
comment il doit conduire les affaires du monde
et de l'Église ! je n'appartiens à aucune société
missionnaire, et ne dépends d'aucun comité. Il se peut que
les gens me trouvent peu pratique ; mais partout où j'ai
été, Dieu m'a accordé des bénédictions,
et cela sans
nulle organisation. J'ai vu de magnifiques résultats,
de nombreuses conversions, faites non par moi, mais
par le Saint-Esprit. C'est Dieu qui convertit les âmes.
Des milliers voudraient que je les baptise, mais je n'ai
pas été appelé à cela, ni à
créer un groupement : C'est à d'autres à le faire,
car il y a des organisations qui
sont inspirées par Dieu. Pour moi, mon travail est de
prêcher l'Évangile et de rendre mon témoignage.
Il avait cependant formé une petite
assemblée de chrétiens tibétains. Ceux-ci étaient
pour lui le sujet
d'une grande reconnaissance, car bien que très isolés
et sans personne pour les guider, ils demeuraient
fidèles. Sundar espérait que l'un d'eux pourrait
venir aux Indes et y être instruit afin d'enseigner ensuite son
propre peuple.
- Avec Sundar Singh commence une nouvelle école
de mission aux Indes, dit le Dr Five, missionnaire
presbytérien. Le Sadhou a exercé sur les chrétiens
et les non chrétiens, sur jeunes et vieux, une influence
qui n'a jamais été dépassée. Il occupe
une place unique dans le nord de l'Inde. Il n'y a qu'un Sundar Singh.
Dans toute l'histoire des missions, peu d'hommes ont eu une aussi
grande sphère d'activité. Sa prédication a
atteint aussi bien les chrétiens d'Occident que les hindous
et les bouddhistes. Sa personnalité et son
message ont révélé les erreurs et la superficialité
si évidente de la chrétienté. Il a rappelé
le fait central du
christianisme : un appel à la conscience à revenir
au Christ lui-même, « la seule chose nécessaire ».
Le christianisme de l'Occident s'est
constamment égaré dans les choses extérieures, les
formules
dogmatiques, les organisations ecclésiastiques, l'importance
exagérée donnée à la culture intellectuelle.
Mais
l'époque actuelle n'est pas riche en saints. Il y a des
théologiens capables et instruits, des hommes d'église
avisés, des réformateurs sociaux, mais il y a très
peu d'hommes de Dieu pour lesquels Christ est tout et qui
puissent montrer aux chrétiens le chemin de la communion
avec Dieu.
- Les gens en Europe, dit le Sadhou, sont si savants en
science et en philosophie, mais si ignorants des
réalités divines, qu'ils sont anxieux d'explorer
toutes les régions de la connaissance, sauf celle qui concerne
leur condition spirituelle. Ils sont avides de savoir quand il
y aura une éclipse de soleil ou de lune, ou ce qui
en est des taches du soleil ; ils essaient de sonder la profondeur
des nuages, mais ne s'inquiètent guère des
nuages du péché dans leur vie.
Bien des théologiens ont abandonné
une vie de prière et de méditation et cherchent à
couvrir la nudité
de leur christianisme par les feuilles de figuier de leur science
théologique.
Si le Sadhou a été si
sévère à l'égard de la théologie, c'est
qu'il est venu en Europe dans les années où la
négation de la divinité de Jésus-Christ
et la critique biblique étaient très répandues. Depuis
lors, nous
assistons à une évolution de l'enseignement théologique
qui devient plus positif et plus biblique. Le Sadhou
avait du reste prédit le déclin de cette grave
erreur.- C'est comme une épidémie d'influenza qui passera,
dit-il, mais non sans avoir fait beaucoup de victimes.
Aux professeurs de théologie,
il donne le conseil d'abandonner pendant quinze jours leurs travaux et
d'aller, avec leurs étudiants, évangéliser
les contrées environnantes.
- Aux Indes, un jour que je causais avec un ami, chimiste
distingué, il prit un bol de lait et en fit l'analyse,
indiquant les quantités d'eau, de sucre et d'autres matières
contenues dans le liquide. je lui dis : Un enfant
est incapable d'analyser le lait, mais son expérience
lui enseigne qu'il est bon et qu'il fortifie. Il ne saurait
expliquer comment, mais il le sait. L'enfant est plus sage que
le chimiste. Il en est ainsi des gens qui
analysent perpétuellement leur lait et ne le boivent jamais...
De nos jours nombreux sont ceux qui
savent qui est Jésus-Christ, parlent de lui, et en ont une
connaissance intellectuelle ; mais il en est peu pouvant dire
: « je sais en qui j'ai cru ; je le connais, car il
habite en moi. »
Un candidat en théologie d'Oxford,
profondément impressionné par les discours du Sadhou, trouva
inutile d'acquérir la connaissance intellectuelle. «
Dès que j'aurai passé mon premier examen, dit-il, je
partirai comme missionnaire, sans étudier la théologie.
»- Sundar, mis au courant de cet incident, répondit
:- Ce n'est pas là ce que j'ai voulu dire : les ecclésiastiques
doivent étudier, mais le savoir sans la vie est
comme un ossement desséché. Je ne suis pas en principe
opposé à la science, mais proteste avec force
contre la tendance actuelle qui en exagère la valeur.
Le langage de la Bible est spirituel ; pour le
comprendre, maître et élève doivent être
enseignés par le Saint-Esprit.
- Certains prédicateurs ont été établis
par l'Église et non par le Saint-Esprit. Seuls ces derniers gagnent
des
âmes. Il ne suffit pas d'être membre d'une Église,
il faut être un membre de Christ. John Wesley et le
général Booth, en opposition avec l'Église,
suivirent les ordres de Dieu et il se trouva qu'ils eurent raison.
Le Sadhou, a déclaré un
pasteur suisse, a bien diagnostiqué notre maladie : « Vous
êtes dans une trop
grande hâte, vous n'avez pas le temps de prier et de vivre.
» A un autre pasteur, qui lui demandait ce qu'il
fallait pour que son travail fût efficace, Sundar répondit
simplement: « Plus de prière. »- Dans ce domaine,
dit l'évêque Soederblom, le Sadhou a pour nous un
message qui vient, non des Indes, mais de l'Évangile : «
L'activité de plus en plus grande des chrétiens
d'Europe ne peut compenser la faiblesse de la vie intérieure.
»
- Le Sadhou est plus digne que nous tous qui avons étudié
la théologie, dit encore un pasteur. Nous
pécherions contre la vérité si nous refusions
de l'admettre. Quand un théologien commence à approfondir
une vie si richement douée de la grâce de Dieu,
sa conscience est étrangement bouleversée.
Un autre ecclésiastique suisse
parle ainsi de sa rencontre avec le Sadhou :- Quand je le vis devant moi
et l'entendis parler de sa vie spirituelle- tandis que j'étais
entouré de savants théologiens- la question se posa
à mon esprit : Quel but visons-nous par nos études
? Pourquoi devons-nous apprendre tant de choses de
moindre importance quand nous ne donnons pas dans nos vies la
place primordiale à la chose essentielle ?
Des hommes, comme cet Hindou, peuvent mouvoir des nations, mais
nous, qu'avons-nous fait ?
Il est impossible de ne point être
frappé de la similitude de l'expérience chrétienne
du Sadhou et de celle
de saint Paul. Converti par une vision étonnamment semblable
à celle du chemin de Damas, le Sadhou,
comme le grand apôtre, après avoir haï le Christ
et persécuté ses disciples, devint son plus fidèle
serviteur.
L'un et l'autre ont reçu l'Évangile, non de la
bouche des hommes, mais par une révélation directe du
Sauveur, et sont devenus ses puissants témoins. Les paroles
de Jésus à Paul : « Cet homme est un
instrument que j'ai choisi pour porter mon nom jusqu'aux extrémités
de la terre, et je lui montrerai tout ce
qu'il doit souffrir pour mon nom », peuvent également
s'adresser au Sadhou.
A son tour, Sundar pouvait parler de
ses souffrances dans les termes mêmes de Paul : « ... souvent
en
danger de mort... fréquemment en voyage, j'ai été
en péril sur les fleuves, en péril de la part des brigands,
en péril de la part de ceux de ma nation... en péril
dans les villes, en péril dans les déserts. J'ai été
dans le
travail et dans la peine, exposé à la faim et à
la soif, à des jeûnes multipliés. » Comme Paul,
le Sadhou a
renoncé à tout et a regardé toutes choses
comme une perte à cause de l'excellence de la connaissance de
Jésus-Christ, son Seigneur. Comme lui, il a reçu
cette paix qui surpasse toute intelligence. A son tour il
avait « l'assurance que ni la mort, ni la vie, ni les choses
présentes, ni les choses à venir... ni aucune autre
créature ne pourra le séparer de l'amour de Dieu
manifesté en Jésus-Christ ».
Comme saint Paul, le Sadhou fut ravi
en extase et enlevé dans le paradis « où il entendit
des paroles
ineffables qu'il n'est pas possible d'exprimer ». Avec
lui il pouvait dire en toute vérité : « J'ai été
crucifié
avec Christ, et si je vis, ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ
qui vit en moi. »
En avançant dans la vie, la communion
de Sundar avec son Sauveur devenait de plus en plus intime.
L'Évangile de Jean, et plus spécialement les derniers
discours de Jésus et la prière sacerdotale, avaient une
profonde résonance dans son âme. « Moi en
eux et toi en moi, afin qu'ils soient parfaitement un. » C'était
une fusion de tout son être avec Christ. Il avoua un jour
a un chrétien, en Suisse, qu'il trouvait difficile de
chanter le cantique bien connu : « Plus près de
toi, mon Dieu », parce que cela semblait dire que Christ
était en dehors et comme séparé de lui,
tandis qu'en vérité il était « en lui »,
dans l'homme intérieur : plus
deux, mais un.
Le Sadhou avait reçu de Jésus-Christ,
au profond de sa vie intérieure, cette source d'eau vive qui jaillit
jusque dans la vie éternelle.
En toutes choses il fut conduit par l'Esprit de Dieu. Sa vie
fut une vie d'obéissance. C'est par obéissance
qu'il partit pour le Tibet et affronta des difficultés
et des dangers, en face desquels les plus braves eussent
reculé. Celui-là seul, dont la vie se passait dans
le monde surnaturel de la prière, inspiré par un amour pour
Dieu plus fort que tout amour terrestre, pouvait envisager les
terribles épreuves qui l'attendaient. Il ne
prenait pas, comme n'importe quel voyageur l'aurait fait, toutes
les précautions possibles, pour se préparer
à affronter les risques d'une telle entreprise. Il partait
seul, comme un Sadhou, se confiant uniquement à la
grâce de Dieu, sachant qu'il était dans la ligne
de sa volonté. C'est aussi par obéissance, afin de rendre
témoignage à Jésus-Christ, qu'il quitta
les Indes pour entreprendre ses longs voyages dans le monde entier.
Et dans sa vie quotidienne, sa soumission était immédiate
aux moindres indications du Saint-Esprit.
Ainsi, un soir, tandis qu'il était
en prière, il entendit comme un appel venir de la vallée
: certainement
quelqu'un désirait son aide. On le supplia d'attendre
le lever du jour et ne pas s'exposer de nuit aux dangers
de la forêt. Mais le Sadhou insista pour partir au moment
même. Il revint après quelques jours d'absence,
ayant accompli sa mission. Une personne gravement malade avait
eu, en effet, un urgent besoin de son
assistance.
L'appel soudain de l'Esprit pendant
une nuit de prière silencieuse, et l'immédiate réponse
de Sundar,
sans souci au danger, est un trait caractéristique de
son ministère.
La santé du Sadhou s'était
altérée. Les souffrances endurées au Tibet, le dur
labeur, les longs et
fatigants voyages avaient miné sa forte constitution.
Il souffrait d'une faiblesse des poumons et de la gorge,
de troubles du coeur et de maux gastriques. Dans l'été
1925 il fit avec un ami une expédition missionnaire
dans les villages au nord de Sabathou. Subitement se déclara
un mal à un oeil, qui se développa bientôt en
un ulcère qui le fit beaucoup souffrir et causa la perte
de cet oeil.
Dès lors il renonça aux
grandes réunions, refusant cinq à six cents invitations en
une seule année. Il
consacra son temps à la vaste correspondance lui arrivant
du monde entier et à ses écrits. Il pensait
atteindre par la publication de ses livres, un plus grand nombre
de personnes.- Du reste, disait-il, les gens
me connaissent et peuvent venir me voir toutes les fois qu'ils
le désirent.
Une ombre de tristesse, occasionnée
sans doute par des souffrances, passait parfois sur son visage.-
Cette faiblesse physique, c'est mon écharde dans la chair
pour me garder dans l'humilité.- Pourtant il n'y
avait point d'orgueil en lui et il s'étonnait que Dieu
l'eût choisi pour accomplir un travail mondial.- Si les
gens connaissaient ma faiblesse, ils n'auraient pas tant d'admiration
pour moi. J'ai besoin de vos prières,
disait-il à ses amis.
Il avait le pressentiment qu'il ne vivrait
pas longtemps, et désirait mourir pour être avec Christ, «
ce qui
de beaucoup est le meilleur ». Christ remplissait sa vie
et était au centre de toutes ses pensées. « Pour moi,
vivre c'est Christ. »- je n'ai jamais vu quelqu'un, dira
un ami, pour qui cette parole était à ce point
littéralement et absolument vraie.
La demeure de Christ en lui n'était
pas une conception intellectuelle, mais une profonde réalité.
Il
s'absorbait durant des heures dans le monde spirituel et en ressortait
renouvelé. Sa joie en Christ restait
inaltérable et dominait ses peines.- Ce n'était
pas, disait-il, seulement la joie dans la souffrance, mais la
souffrance elle-même était transformée en
joie.- En 1924, il tint encore quelques réunions bibliques. Elles
furent presque toujours suivies de faiblesses de coeur qui le
laissaient inconscient pendant plusieurs heures.
Malgré son état si précaire,
il voulut, en avril 1927, partir encore une fois pour le Tibet. Il fit
à pied la
longue route suivie par les pèlerins jusqu'à la
place sacrée de Babrinath. Avant d'atteindre le but de son
voyage, il eut une violente hémorragie. Le compagnon tibétain
qui l'accompagnait le conduisit jusqu'à une
station où il prit le chemin de fer qui le ramena à
Sabathou. Lentement il recouvra ses forces et, en 1928,
prit une part active à une convention chrétienne.
En automne, ceux qui le rencontrèrent à Kotgarh furent
alarmés de sa faiblesse croissante. Constamment il devait
s'arrêter dans ses promenades pour reprendre son
souffle. Sa respiration lui faisait mal et l'effort d'une montée
lui donnait des palpitations.
Malgré cela, il envisageait pour
le printemps, une nouvelle expédition au Tibet. Ce voyage dans les
hautes montagnes, avec ses passages difficiles et périlleux,
ne pouvait être entrepris que par un montagnard
vigoureux. Ses amis firent tout pour le dissuader, car c'était
clairement- dans l'état de faiblesse où il se
trouvait- risquer sa vie. Mais aucun pouvoir sur la terre n'était
capable de convaincre le Sadhou
d'abandonner la tâche à laquelle il se sentait divinement
appelé. Son intention était de partir avec le Tibétain
qui l'avait accompagné précédemment et de
suivre la même route des pèlerins jusqu'à une bifurcation
plus
à l'est. Elle devait le conduire au Niti Pass à
plus de 5000 mètres d'altitude, avant qu'il pût atteindre
l'intérieur du Tibet. Sundar voulait visiter une famille
chrétienne qui vivait, très isolée, près du
lac de
Manasorawa.
Il avait promis à ses amis, et
tout spécialement à Mrs Parker, qu'il considérait
comme une mère
spirituelle, d'envoyer un message dès qu'il le pourrait
et de les prévenir en cas de maladie. Il pensait rentrer
par le même chemin en automne, si Dieu le permettait. Un
ami, M. Watson, fut chargé de recevoir sa
correspondance et de répondre aux lettres urgentes. Il
laissa ses instructions à ses deux exécuteurs
testamentaires, au cas où il ne reviendrait pas. Il léguait
tout ce qu'il possédait pour le travail missionnaire
au Tibet et pour encourager l'éducation chrétienne
des jeunes enfants. Envisageant la mort en face, il
envoya à ses amis, avant son départ, le passage
des Actes 20. 22, 25 où Paul fait ses adieux aux anciens
d'Ephèse : « Lié par l'Esprit, je ne fais
pour moi aucun cas de ma vie, comme si elle m'était précieuse...Et
maintenant voici, je sais que vous ne verrez plus mon visage,
vous tous au milieu desquels j'ai passé en
prêchant le royaume de Dieu. »
Sundar partit de Sabathou le 18 avril
1929, après avoir pris congé de chacun.
Et dès lors plus aucune nouvelle
; le silence est absolu. Des mois s'écoulent ; ses amis sont inquiets.
Deux d'entre eux organisent une caravane, partent à sa
recherche, et font un périlleux voyage jusqu'au
Tibet. Nulle trace du Sadhou ne fut retrouvée ; personne
ne l'avait vu ; personne n'avait entendu parler de
lui.
Le gouvernement entreprit à son
tour des démarches officielles, examinant les registres des pèlerins
aux
différentes haltes. Toutes les recherches furent vaines
et durent être abandonnées.
En 1933, une courte notice parue dans
le « Times », et reproduite par de nombreux journaux, disait
que, n'ayant aucune nouvelle du Sadhou Sundar Singh depuis son
départ pour le Tibet en 1929, le
gouvernement des Indes le considérait comme mort.
Pour beaucoup de ses amis, cependant,
la question restait ouverte. Deux éventualités étaient
également
défendables. Les uns croyaient fermement que Sundar s'était
retiré dans quelque retraite de l'Himalaya
pour y mener, loin du monde, une vie de prière. D'autres
qui le connaissaient mieux, pensaient qu'il était
bien mort. N'avait-il pas promis de donner signe de vie ? Ils
étaient certains qu'il aurait tenu parole. Et
quatre années s'étaient écoulées.
Ils se souvenaient aussi de ce que Sundar avait toujours dit : «
Dieu ne
nous a pas créés pour vivre solitaires, mais pour
vivre parmi les hommes afin de les aider. Si nous sommes
en Christ, nous ne pouvons faire autrement que de servir nos
frères. »
Il est facile de se représenter
que Sundar peut avoir succombé le long de la route des pèlerins,
où
sévissait alors une violente épidémie de
choléra. Son corps aurait-il été jeté dans
la rivière avec tant
d'autres, sans être identifié par personne ? Aurait-il
disparu dans les grandes solitudes de l'Himalaya, loin de
toute habitation humaine ? Avec sa mauvaise vue, sa frêle
santé, un accident pouvait facilement lui arriver
sur ces pentes glacées, et sur ces sentiers étroits
longeant des précipices. Il pouvait être tombé dans
un
gouffre sans laisser de traces.
Toujours il avait espéré
mourir en martyr. Il semble cependant peu probable qu'il ait pu atteindre
le
Tibet et périr de la main des hommes. Toutes ces questions
restent sans réponse, et nous ne pouvons que
nous incliner devant ce mystère que Dieu a voulu laisser
subsister.
Et Sundar ne nous avait-il pas dit lui-même
: « Ne pensez pas : il est mort, mais dites : il est entré
dans
le ciel et dans la gloire éternelle, il est avec Christ
dans la vie parfaite. »
Mais que le Sadhou soit parti de mort
violente, ou qu'il ait été enlevé sans souffrances,
la parole
prononcée jadis par la Genèse sur Hénoc
s'impose à notre esprit : « Il marcha avec Dieu ; puis il
ne fut
plus, parce que Dieu le prit. »
Sundar Singh n'est plus. Mais son exemple et son message demeurent.
Ne serons-nous pas attentifs à la voix de ce témoin du Christ
?
PRIÈRE DU SADHOU SUNDAR SINGH
O Seigneur Dieu, tu es mon tout, vie de ma vie, Esprit de mon esprit.
Use de miséricorde envers moi et remplis moi de ton Saint-Esprit
d'amour,
afin qu'il n'y ait plus de place en mon coeur pour quoi que ce soit d'autre.
Ce ne sont pas tes grâces que je réclame, mais toi-même;
tu es la source de toute bénédiction.
Je ne demande pas la gloire du monde, ni même le ciel;
mais j'ai besoin de toi, car là ou tu es, là est le ciel.
En toi seul mon coeur trouve satisfaction et plénitude.
Tes multiples bontés font déborder mon coeur de gratitude
et de louange.
Mais la louange de mes lèvres ne suffit pas,
tant que je ne pourrai te prouver par mes actes,
que ma vie est entièrement à ton service.
Louange à toi de ce que tu m'as fait passer de la mort à
la vie,
tout indigne que j'étais, et m'as fait jouir de ta communion et
de ton amour.
Ote de mon coeur tout ce qui pourrait s'opposer à toi, habite et
règne en moi.
Maître, être assis à tes pieds est infiniment meilleur
que d'être assis
sur le trône le plus élevé de la terre,
car cela signifie habiter toujours avec toi, dans ton royaume éternel!
Et maintenant, je m'offre à toi comme un vivant sacrifice.
Accepte-moi dans ta miséricorde et emploie-moi à ton service,
là où tu veux et comme tu veux, car tu es à moi et
je suis à toi.
Tu pris cette poignée de poussière, tu me créas à
ton image
et m'accordas le droit de devenir ton fils.
Honneur, louange et gloire te soient donnés d'éternité
en éternité !
Amen
- suite