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Biographie du Saddhou Sundar Singh

EN EUROPE

SÉJOUR EN SUISSE

Je n'ai pas eu la pensée de savoir parmi vous autre chose que Jésus-Christ etJésus-Christ crucifié. Saint Paul.

En gare de Lausanne, le Sadhou fut reçu par les membres du bureau de la Mission aux Indes. Le jeune pasteur Francis Joseph avait été à sa rencontre entre Marseille et Genève, et allait lui servir de secrétaire durant son séjour en Suisse. Sundar Singh portait, comme aux Indes, sa robe de Sadhou jaune safran, descendant en longs plis jusqu'à ses pieds qu'il avait nus dans des sandales ; sur sa tête un turban de même couleur safran et, pour tout bagage, un grand sac de cuir jaune. Élancé, d'une stature au-dessus de la moyenne, d'une beauté physique remarquable, il avait un visage au teint olive, entouré de cheveux et d'une barbe noirs, caractéristiques de sa race, dont il était l'un des plus nobles représentants. Sa démarche harmonieuse, ses mouvements un peu lents, son regard profond, serein et bienveillant, reflétaient la paix de son âme. Sa personnalité si spéciale arrêtait immédiatement l'attention et suscitait sur son passage l'admiration de tous.

Une automobile le conduisit à Chailly sur Lausanne où la maison du Dr et de Mme Pierre de Benoit lui était ouverte. En leur absence (ils étaient alors aux Indes pour un travail missionnaire), nos enfants nous avaient demandé, à M. van Berchem et à moi-même, de les remplacer pour recevoir le Sadhou à leur foyer. Ce fut pour nous un très grand privilège, car il est impossible d'être en contact avec un homme qui vit dans une telle communion avec Dieu sans en recevoir une bénédiction. Lorsque je vis pour la première fois le Sadhou, à son arrivée dans le salon de Chailly, je fus saisie par son extraordinaire rayonnement. Sa belle physionomie, son maintien calme et digne, la paix profonde de son regard laissant deviner la pureté de son âme, son humble simplicité, son amour rayonnant faisaient penser au Maître qu'il servait. Les paroles de l'apôtre s'imposèrent aussitôt à mon esprit : « Ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi ». Il n'était pas nécessaire de les entendre de ses lèvres, car tout en lui rappelait l'image de Celui avec lequel il vivait dans une constante intimité.

Beaucoup, en Suisse ou ailleurs, petits ou grands, furent frappés de la sainteté émanant de cet homme qui ressemblait tant à son Maître ; témoin les deux faits suivants : En Angleterre, allant rendre visite à une dame, le Sadhou sonne à la porte et donne son nom à la servante qui vient lui ouvrir. La jeune fille le regarde avec étonnement, puis, courant vers sa maîtresse : « Quelqu'un désire vous voir, Madame, je n'ai pas compris son nom, mais il est pareil à Jésus-Christ ! » En Amérique, au cours d'une réunion, une fillette de 4 ans, assise au premier banc, ne peut détacher ses yeux de ce mystérieux personnage à la longue robe safran. Et quand il a fini de parler, de sa voix claire, la petite fille demande à sa mère : « Est-ce Jésus ? » Pour nous cette impression du premier moment ne s'effaça pas. Le soir même de son arrivée, le comité de la Mission aux Indes se réunit pour exposer au Sadhou son plan d'évangélisation préparé avec soin : deux réunions ici ; trois là ; les dix jours prévus étaient tous également remplis. Sundar hoche la tête. - Non, dit-il, je ne puis accepter qu'une réunion par jour, deux peut-être le dimanche, mais point le samedi. Il faut beaucoup de prière avant et après chaque séance, si l'on veut en retirer un bienfait spirituel. Il me serait aussi facile de multiplier les réunions que de jeter des lettres à la poste, mais vous n'en auriez aucune bénédiction.

Les organisateurs se regardent, fort perplexes : tout était déjà organisé, annoncé dans les journaux, les temples et les salles retenues. Il était cependant impossible d'insister. Il fallut écrire, télégraphier, bouleverser les programmes. Dès sa venue, le Sadhou me pria de ne recevoir pour lui aucune visite : il serait débordé et n'aurait plus un instant à lui. Déjà il était fort occupé à dépouiller, avec son secrétaire, le nombreux courrier qui lui arrivait journellement. Quelle déception pour tous ceux qui auraient voulu le voir, et qui souvent venaient de loin. Un jour une dame insista ; elle désirait lui poser une question lui tenant fort à coeur : Que pensait-il du ministère de la femme ? je lui offris de transmettre sa demande dès que j'en aurais l'occasion.- Dites-lui, répondit Sundar, que le premier grand message missionnaire de la résurrection fut confié par Jésus à une femme (*). Lorsqu'une femme a reçu une révélation de la part du Seigneur, elle a le droit et le devoir de la proclamer. Mais, ajouta-t-il avec malice, « il y en a qui parlent trop... »

Une autre question lui fut posée au sujet du retour du Seigneur. Quels seront ceux qui seront enlevés à sa rencontre dans les airs, selon 2 Thess 4. 16-17 ? Sera-ce tous ceux ayant reçu le pardon de leurs péchés ; ou comme quelques chrétiens le pensent, seulement les vainqueurs, dont il est parlé dans les lettres aux sept Églises de l'Apocalypse ; ceux qui ont réalisé la plénitude du salut que Christ a apporté par sa mort sur la Croix, c'est-à-dire le pardon, mais aussi la délivrance du péché ; ceux qui auront été sanctifiés entièrement, esprit, âme et corps, et conservés irrépréhensibles, selon 1 Thess. 5. 13 ?

Le Sadhou répondit par une image :- Lorsque vous approchez un aimant d'une aiguille, elle est aussitôt irrésistiblement attirée à lui par une force invisible, parce qu'elle est de même nature que l'aimant. Ainsi lorsque Christ reviendra, il attirera à lui tous ceux qui auront reçu la nature divine, soit la vie de Christ en eux. Ceux-là seront enlevés dans les airs à sa rencontre par une irrésistible attraction. Rien ne pourra les retenir sur la terre. Durant ses longues journées solitaires dans l'Himalaya, les facultés d'imagination du Sadhou avaient libre cours. Il se représentait avec intensité les choses célestes et, vivant le grand drame de l'Apocalypse, voyait la Sainte Cité descendre du ciel. Il n'est pas étonnant qu'il ait pris « à la lettre » la Parole de Dieu en ce qui concerne le retour du Christ. « Voici, il vient sur les nuées, et tout oeil le verra, et ceux qui l'ont percé. » - Quand les gens parlent du retour de Christ, dit-il, ils déclarent que c'est une chose absurde. Ainsi, des centaines d'ouvriers travaillèrent à la construction de l'arche sans prendre au sérieux le jugement à venir. Quand Christ réapparaîtra, il en sera de même qu'au jour de Noé : combien de ministres qui bâtissent l'arche, symbole de l'Église, n'aiment pas à entendre parler de ce retour et pensent que Christ est déjà venu « spirituellement » ! Mais la Bible dit : « Ce Jésus qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l'avez vu allant au ciel. » - Son retour est proche ; nous pouvons discerner déjà les signes des temps. Auparavant l'humanité passera encore par de grandes souffrances. La guerre (1914-1918) n'a été qu'un faible châtiment ; une profonde détresse régnera sur le monde entier, et plus spécialement sur l'Europe. Ces paroles ont été prononcées en Suisse par le Sadhou, en 1922.

Le Sadhou, levé avant l'aube, passait beaucoup de temps en prière et en méditation. Son amour de la solitude provenait du désir profond qu'avait son âme d'être seule avec Dieu. Il avait demandé qu'on l'appelât à l'heure des repas ; c'était sans doute une contrainte à laquelle il s'était soumis en Europe, mais qu'il ne connaissait pas aux Indes. Absorbé qu'il était par ses propres pensées, l'effet d'une remarque de sa part était d'autant plus frappant par le silence qui l'avait précédé. Il voyait toutes choses du point de vue spirituel et admirait les beautés de la nature plus que l'oeuvre des hommes. Un jour, après le repas, assis sur la terrasse devant la maison, nous entendîmes un avion qui bientôt passa sur nos têtes avec un grand bruit. Après un moment de silence :- Vous avez remarqué le bruit qu'a fait cet avion ? c'est l'oeuvre des hommes. Mais observez le vol d'un oiseau, la croissance d'une fleur, votre pouls dans vos artères, c'est l'oeuvre de Dieu. Elle est silencieuse, mais celle des hommes est bruyante.

En effet, la voix de Dieu est un « son doux et léger », qui ne peut être perçu que dans le silence et la tranquillité. Dans notre Europe agitée, bruyante, où tant de voix discordantes se font entendre, il est difficile de trouver une retraite paisible pour écouter Dieu, et l'on comprend la nostalgie qu'avait le Sadhou du silence des grandes solitudes. Dans de simples entretiens en un cercle d'amis, Sundar nous a parlé avec amour de son oeuvre au Tibet, de la petite école d'évangélistes qu'il put y former et qui lui tenait tant à coeur. Il nous a conté ses visites à l'ermite de Kailash et la vie de prière de cet homme de Dieu qui intercède pour les saints répandus dans le monde et que Dieu lui fait voir en esprit. Avant l'arrivée du Sadhou, il le connaissait par une révélation divine. Ceci peut paraître étrange à nos mentalités actuelles. Absorbés que nous sommes par les choses visibles, par les mille préoccupations de la vie moderne, nous restons insensibles aux inspirations de l'esprit. Pourtant les vues étroites et matérialistes du siècle dernier sur l'univers, commencent à s'élargir et un horizon plus étendu s'ouvre devant nos yeux. Ne devons-nous pas reconnaître humblement notre ignorance en face des lois spirituelles qui dépassent notre entendement et admettre que Dieu peut donner des visions qui nous sont inconnues, à ceux qui, détachés de la terre et de ses contingences, s'absorbent dans les choses de l'esprit ?

A plus d'une reprise le Sadhou nous parla de sa mort. Il avait l'intuition qu'il donnerait sa vie en martyr au Tibet. Dans une de ses prédications, il dit ceci :- je n'éprouve aucune crainte à la pensée de mourir au Tibet. Quand ce jour viendra, je l'accueillerai avec joie. Déjà peut-être, l'année prochaine vous apprendrez que j'ai perdu la vie là-bas. Ne pensez pas : il est mort, mais dites : il est entré dans le ciel et dans la gloire éternelle, il est avec Christ dans la vie parfaite. De tous les pays que visita le Sadhou, la Suisse semble être celui qui ait été le plus près de son coeur. Le panorama des montagnes, avec leurs neiges éternelles, lui rappelait l'Himalaya. Il consacra une journée à l'Oberland bernois. Dans le Pays d'En-Haut, la neige couvrait la vallée et un train spécial amena les montagnards, qui se groupèrent graves et recueillis dans la petite église de Gessenay. Il semble que le Sadhou se soit senti là chez lui plus que partout ailleurs.- J'aime les Suisses, dit-il a son retour.- Il préférait la simplicité des villages aux grands rassemblements des villes.

Partout sa présence attirait les masses, et ses auditeurs étaient conquis d'emblée. Les temples étaient trop petits. A Tavannes, dans le jura, bien que ce fût le 1er mars, il fallut se réunir en plein air. Il y avait des centaines de gens, les directeurs de fabriques d'horlogerie ayant donné congé ce jour-là à leurs ouvriers. Un rayon de soleil brilla pendant la durée de l'allocution, puis, dès que la foule fut dispersée, une giboulée de neige vînt blanchir la contrée. La ville de Morges eut son temple bondé, les gens étant accourus de tous les environs.

A Lausanne, il fallut quitter l'Église Saint-François et improviser une réunion de plus de 4000 personnes sur la place de Montbenon. La grande salle de Tivoli dut fermer ses portes bien avant l'heure fixée. Les gens escaladèrent les fenêtres et, par centaines, écoutèrent du dehors. Le silence était impressionnant ; la voix du Sadhou et celle de son traducteur, le pasteur F. de Rougemont, s'entendaient de partout. Ma voix, dit le Sadhou, ne vous sera pas d'une grande utilité si, rentrés chez vous, vous n'écoutez pas celle du Sauveur.

A la cathédrale, une des plus vastes de Suisse, les moindres recoins étaient occupés, et ce fut impressionnant d'ouïr cet authentique Hindou, dans sa robe de Sadhou, proclamer du haut de la chaire, le message du salut. Il nous est impossible de suivre le Sadhou dans toutes ses pérégrinations. Après Lausanne, ce fut Genève, Neuchâtel, le jura bernois, La Chaux-de-Fonds, Le Locle, puis la Suisse allemande, Zurich, Saint-Gall, Aarau, Schaffhouse, Thoune, Berthoud, Berne, Bâle, etc., où partout il fut accueilli avec le même empressement. Sundar Singh parla souvent avec admiration et avec beaucoup d'affection des missionnaires envers lesquels l'Inde a une grande dette de reconnaissance.- Ces hommes et ces femmes sont le sel de la terre, et ma gratitude envers eux est profonde. J'en ai vu quelques-uns venus de Suisse travailler aux Indes. Ils y font une belle oeuvre. D'aucuns ont donné leur vie pour amener les païens à Christ ; d'autres ont donné leur fils ou leur fille. Personne dans ce monde ne pourra leur rendre ce qu'ils ont fait pour nous : Dieu seul peut les récompenser.

Il y a peut-être parmi vous des égoïstes qui ne pensent qu'à leur propre salut, et ne s'inquiètent pas de celui des autres. Il est vrai que vous ne pouvez tous partir comme missionnaires, mais, tous, vous pouvez prier pour eux et donner de votre argent. Le monde est une grande famille ; nous devons nous aider les uns les autres. Si vous aimez Jésus, votre devoir est de soutenir ses serviteurs dans leur travail. Ce n'est qu'à cette condition que nous méritons d'être appelés disciples de Celui qui a donné sa vie pour le salut du monde. L'impression que le Sadhou fit en Suisse fut très profonde, et ceux qui eurent le privilège de l'entendre n'oublieront pas son message. C'était une chose unique d'écouter ce prophète du pays des Védas proclamer avec puissance que Christ est le chemin, la vérité, la vie ; de l'entendre reconnaître ouvertement que les récits sacrés de son pays ne peuvent donner la paix, que la Bible seule est la Parole de Dieu, et que c'est par la prière que nous maintenons notre contact avec le ciel. Rien d'étonnant à ce qu'il fût écouté par des foules recrutées dans toutes les classes de la Société. Un pasteur écrivait : « Il m'a fait une profonde impression, à vrai dire la plus forte impression que j'aie reçue de ma vie. » Et combien d'autres peuvent dire la même chose Des théologiens, retenus à l'avance par une certaine réserve envers lui, étaient gagnés à la première rencontre. Des hommes indifférents ou hostiles au christianisme, furent changés par le pouvoir de sa personnalité. En Angleterre, un professeur agnostique lui dit : « Ce n'est pas votre prédication qui m'a converti, c'est vous-même. Vous, un Hindou, êtes si semblable au Christ dans votre attitude et dans votre esprit, que vous êtes un témoin vivant de la personne du Sauveur.

Des milliers de coeurs, en Europe, allaient encore être touches par sa prédication. Partout il laissa une impression indélébile, un stimulant pour une vie chrétienne renouvelée. De la Suisse, le Sadhou se rendit en Allemagne, puis il visita la Suède, où il fut l'hôte de l'évêque Soederblom, la Norvège, le Danemark, la Hollande, parlant dans toutes les grandes villes. Dans quelques localités, d'immenses auditoires lui rappelèrent les rassemblements de l'Église syrienne aux Indes. Il refusa de pressantes invitations venues de Finlande, de Russie, de Grèce, de Roumanie, de Serbie, d'Italie, du Portugal, d'Amérique, de Nouvelle-Zélande et d'autres pays encore.

En juillet, il débarqua en Angleterre, mais il refusa de parler, si ce n'est à la Convention de Keswick, pour tenir une promesse faite dès longtemps. Il était fatigué à l'extrême de cet incessant labeur, et de cette vie si différente de celle qu'il menait aux Indes. Ayant un grand besoin de repos et de tranquillité, il resta quelque temps chez des amis dans l'île de Wight. Là il lui fut possible de refaire ses forces avant de s'embarquer, en août 1922, pour rentrer dans son pays afin d'y reprendre son travail au nord de l'Inde.

Le succès extraordinaire que le Sadhou remporta en Europe, les éloges de la presse, l'adulation des foules qui le considéraient comme un saint, auraient pu éveiller chez lui quelque satisfaction personnelle. Mais il domina cette tentation et sa profonde humilité resta intacte.- Ce n'est pas pour prêcher que je suis venu en Europe, vous avez assez de prédicateurs, je ne veux être qu'un témoin de la puissance et de l'amour de mon Sauveur. Un ami lui demanda s'il n'était pas fier d'être célèbre et de recevoir de si grands honneurs. Il répondit par l'image suivante :- Quand Jésus entra dans Jérusalem, le peuple jeta ses vêtements sur son chemin et coupa des branches devant lui pour l'honorer. Mais Jésus était monté sur un âne, et ses pieds ne touchèrent pas la route décorée en son honneur. Ce fut l'âne qui marcha sur les vêtements et les branches, mais il aurait bien été insensé de s'en enorgueillir. Ce serait aussi insensé à ceux qui apportent le Christ aux hommes de retenir pour eux l'honneur qui n'appartient qu'à Dieu.

En Europe, le Sadhou n'a pas cherché à plaire à ses auditeurs. - Lorsque je pense à tant de chrétiens de nom, disait-il, je me sens triste. Ils savent beaucoup de choses sur Jésus-Christ, mais ne le connaissent pas, lui. Plusieurs ne le connaissent que par la théologie ou du point de vue historique, mais n'ont point de temps à passer avec lui. Le Sadhou n'a pas hésité à laisser voir son désappointement en face de la déchristianisation de l'Europe, et à parler sévèrement de l'amour de l'argent, de la recherche du plaisir, du confort, du luxe, et de l'indifférence religieuse de la plupart des gens. En Suisse romande, il dit entre autres :- Ce que je vais vous dire ne vous plaira pas, mais je dois obéir à ma conscience et vous donner le message que j'ai reçu : - Ayant vu l'amour de Dieu dans le coeur de ceux qui nous ont apporté l'Évangile, je pensais que les habitants de vos contrées étaient tous des gens admirables ; mais en voyageant parmi vous, j'ai trouvé les choses bien différentes. J'ai rencontré, il est vrai, de sincères serviteurs du Christ, les plus nobles chrétiens se trouvent en Europe et en Amérique comme aux Indes, et je désire m'asseoir à leurs pieds ; mais un grand nombre n'est chrétien que de nom. je me mis à comparer les habitants des pays païens à ceux des pays dits chrétiens. Les uns sont païens parce qu'ils adorent des idoles faites de main d'homme, les autres ont une pire idolâtrie : ils s'adorent eux-mêmes. J'ai réalisé qu'aucune contrée européenne ne peut en vérité être appelée chrétienne, mais qu'il n'y a que des chrétiens individuels. -Aux Indes on me dit souvent : Vous appelez les pays d'Europe chrétiens ! pourtant Christ a dit: « Aimez-vous les uns les autres » et là-bas il se font la guerre ! Le christianisme a donc fait faillite en Europe ?- je réponds : Ce n'est pas lui qui a fait faillite, mais beaucoup de chrétiens, parce qu'ils n'ont pas compris le christianisme. Christ n'est pas à blâmer, seuls le sont ceux qui se disent ses disciples et ne veulent pas le suivre comme leur Maître. - Les gens nous appellent païens, dit-il à l'archevêque d'Upsal. Quoi ma mère, une païenne ? Si elle était en vie, elle serait certainement chrétienne ; mais même lorsqu'elle avait la foi de ses ancêtres, elle était si religieuse que le terme de païenne me fait sourire. Elle priait, servait, aimait Dieu bien plus profondément qu'un grand nombre de chrétiens. Autant que je puis m'en rendre compte, il y a bien plus de gens aux Indes qu'en Europe qui mènent une vie religieuse bien qu'ils ne connaissent pas Jésus-Christ. Ils vivent selon les lumières que Dieu leur a données. Ici, en Europe, vous avez le Soleil de justice ; mais où sont ceux qui se soucient de lui ? Les chrétiens ont reçu un don sans prix : Jésus-Christ. Et cependant beaucoup d'entre eux ne veulent pas renoncer à leur vie mondaine pour le trouver. Leurs coeurs et leurs mains sont pleins des choses de la terre. -Vous songez à satisfaire tous les désirs de vos coeurs. Vous avez découvert la science et la philosophie ; vous avez appris à vous servir de l'électricité et à voler dans les airs. Les Hindous, eux, qui n'ont pas reçu le trésor de l'Évangile, cherchent anxieusement la vérité, souvent pendant des années et dans de grandes souffrances. Ils sont prêts à abandonner le monde et à renoncer à eux-mêmes pour trouver la paix. Vous chrétiens, vous êtes fatigués de chercher Dieu au bout de dix minutes !

L'amère déception qu'éprouva ce messager de l'amour divin fit de lui un prophète annonçant les jugements de Dieu : - Les peuples de l'Occident, dit-il, qui ont reçu tant de bénédictions du christianisme, les ont perdues parce qu'ils ont mis leur confiance dans les choses matérielles et dans tout ce que le monde peut donner. C'est pourquoi au jour du jugement, les païens qui n'ont pas entendu parler du Christ, seront traités moins rigoureusement que les habitants de ces contrées qui ont ouï son message et l'ont rejeté. Le temps est proche où Christ va revenir et où il dira : « Je ne vous connais pas parce que vous ne m'avez pas connu. » Lorsque vous le verrez dans sa gloire, vous vous lamenterez de n'avoir pas cru en lui, et de vous être laissés détourner par des non-croyants, des intellectuels incrédules qui niaient sa divinité. Alors ce sera trop tard pour vous repentir ; c'est maintenant que l'occasion vous en est offerte. Peut-être en ce jour, l'entendrez-vous dire : « Un homme est venu à vous d'une contrée païenne, il me rendait témoignage ayant fait l'expérience de ma puissance, et cependant vous n'avez pas voulu venir à moi. »

Le Sadhou voyait que dans une large mesure les Européens avaient rejeté le message du Christ, enchaînés qu'ils sont par un travail incessant à la poursuite des biens terrestres, qui ne leur laisse ni le temps, ni le désir de s'approcher de Dieu et de trouver la vie véritable. Le Sadhou quitta l'Europe avec la ferme résolution de n'y pas revenir.- C'est la première et la dernière fois que vous m'entendez- dit-il à maintes reprises a ses auditeurs. Désormais il va se tourner vers son peuple et reprendre ses périlleux voyages au Tibet, heureux de donner sa vie- de mourir peut-être- pour annoncer l'amour insondable de Celui qui est venu chercher et sauver ceux qui sont perdus.

------------------------------------------------------------------------------------- (*) jean 20. 17-18.

RETOUR AUX INDES

ENSEIGNEMENT DU SADHOU

Il leur parla en paraboles sur beaucoupde choses. Matth. 13. 3.

Quel a été le motif qui poussa le Sadhou à quitter son oeuvre aux Indes pour venir en Europe ?

Tout d'abord un acte de simple obéissance.- J'ai dû obéir, Dieu m'a conduit contre ma volonté. je ne suis jamais à l'aise dans les grandes villes, ni aux Indes, ni ailleurs. - Sundar voulait voir lui-même si l'accusation de certains Hindous était justifiée : l'Europe était-elle encore chrétienne ? N'avait-elle pas perdu la sève de l'Évangile et son influence dans le monde ? En réponse à une question qui lui fut posée à Genève a ce sujet, il répondit Mon premier but en venant ici a été de rendre témoignage à Jésus-Christ et à sa puissance. Puis, je désirais remercier les vrais chrétiens de ce qu'ils ont fait pour mon pays ; les Hindous ne sont pas des ingrats. Enfin je voulais pouvoir réfuter nos étudiants venus s'instruire en Europe et qui, n'ayant pas rencontré de vrais chrétiens, combattent le christianisme à leur retour aux Indes et décrient le travail des missionnaires.

- Dire que le christianisme est un échec en Europe et en Amérique est une grave erreur et n'est pas basé sur l'expérience. Pourtant, dans mes voyages en Occident, j'ai trouvé les gens si occupés par leur travail, leurs affaires, leur bureau, leur commerce, qu'ils n'ont plus de temps pour prier et recevoir les bénédictions de l'Évangile. Quelques-uns m'ont confessé que leur vie est devenue si compliquée et si remplie, qu'ils en sont fatigués. Si un homme s'affaiblit parce qu'il n'a pas pris de nourriture ou d'eau, pouvons-nous dire que la faute est imputable aux aliments ? Certes pas. La négligence de cet homme seule est la cause de sa faiblesse. Mais les Européens qui, de, tout leur coeur, ont accepté le christianisme et en ont reçu les bénédictions, ont réveillé le monde de son sommeil de mort et travaillé à son salut.

Il est intéressant de noter l'impression de deux Hindous non chrétiens connaissant l'Occident : Rabindranath Tagore et Gandhi. Le premier déclare : « Vous ne pouvez prêcher le christianisme avant d'être devenu semblable au Christ. Quand vous le serez, vous ne prêcherez plus le christianisme, mais l'amour du Dieu qu'il révèle. »- Gandhi répondit, à Lausanne, à ceux qui lui demandaient ce qu'il fallait faire pour que le christianisme devienne une force aux Indes : « Il faut que vous, missionnaires, viviez comme Christ a vécu. Le christianisme est bon, mais beaucoup de chrétiens sont mauvais. »

Le Sadhou, parlant de ces deux hommes qu'il connaissait personnellement, dit : - Tagore et Gandhi seraient probablement devenus chrétiens s'ils n'avaient visité l'Europe. Aux Indes nous ne manquons ni de religion, ni d'enseignement théologique ou philosophique, mais nous avons besoin de Christ. Nous voulons des hommes qui non seulement prêchent, mais manifestent Christ dans leur vie et leur conduite. L'Inde ne sait que faire de missionnaires qui ne voient dans le Christ qu'un grand Maître et ne croient pas à sa divinité. Ceux-là, gardez-les chez vous et ne vous laissez pas égarer par le modernisme et la critique biblique.

Si le Sadhou n'est pas ennemi de la connaissance, il s'élève avec énergie contre ceux qui veulent lui donner la première place et contre l'erreur de l'intellectualisme religieux. Il n'est pas le premier à découvrir que « ces choses sont cachées aux sages et aux intelligents et révélées aux enfants ». Le coeur est au-dessus de la raison. - je ne condamne pas la science théologique, ni tous les théologiens dont plusieurs sont des saints. je ne suis pas opposé aux études, mais celles-ci sans la vie obscurcissent la vision spirituelle. Une théologie sans prière est une fontaine sans eau. J'ai appris bien des choses utiles dans mes études, mais l'enseignement de l'Esprit Je l'ai reçu aux pieds du Maître.

De retour aux Indes, Sundar se rendit à Sabathou. Son père insista pour lui faire construire une maison, ce qui modifia sa vie de Sadhou en ce qu'il avait désormais « un lieu où reposer sa tête ». Il acheta une vieille maison de la Mission, donnant d'un côté sur un quartier commerçant, sale et bruyant, de l'autre sur les collines d'alentour avec une vue magnifique au loin. Cette demeure était comme le symbole de la vie de Sundar, en contact à la fois avec le monde des affaires, souvent sordide, et avec la solitude de la nature, calme et inspiratrice. La maison était occupée par un docteur de ses amis, travaillant dans l'asile des lépreux de Sabathou. Le Sadhou jouissait là de la vie de famille. Un des traits de son caractère était son amour pour les enfants, et il aimait à jouer avec ceux du docteur. Il pensait à l'accueil que Jésus faisait aux plus petits d'entre eux, les donnant en exemple : « Si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux.- Quiconque sera humble comme un petit enfant, sera le plus grand dans le royaume des cieux. » La chambre de Sundar, très sobre, contenait une petite bibliothèque avec des livres de mystiques, de psychologues et de savants, et des photographies de ses amis.

S. F. Andrews, ami personnel du Sadhou, donne des détails sur cette période de sa vie. Ce fut pendant les mois tranquilles que Sundar passait à Sabathou, qu'il écrivit plusieurs de ses livres. Depuis que l'anglais lui était devenu familier, il lisait davantage. Un gros volume de science moderne, souligné avec soin, témoignait de l'intérêt qu'il avait pris à sa lecture. Ce fut une révélation pour ses amis de découvrir, en feuilletant les pages si minutieusement annotées, un des côtés encore inconnu de l'âme du Sadhou. Il gardait toujours une attitude de l'esprit humble et enfantine, mais sa puissance intellectuelle s'était réveillée et mûrie. Il s'était efforcé de pénétrer dans cet autre domaine de la pensée humaine, si différent du sien. Il avait une grande admiration pour l'intelligence des hommes et ne combattait pas la valeur de leur jugement et de leurs découvertes, mais croyait fermement aux lois ignorées du domaine spirituel.

Il resta toujours fidèle au principe fondamental qui dictait ses actions : son entière dépendance de Christ, le commencement et la fin de toute science : « Le mystère de Dieu dans lequel sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science. » La Bible était pour lui la Parole même de Dieu.- Elle est mon guide, ma lumière, la nourriture de mon âme. L'expérience a prouvé qu'il n'y a pas un autre livre dans le monde qui puisse répondre aux besoins spirituels des hommes. La difficulté du langage, des traductions, la critique des textes n'ont pu me voiler les vérités qu'elle renferme, ni atténuer son influence sur mon coeur, parce que son but unique est de nous faire connaître le Christ. - En ouvrant la Bible j'ai trouvé des richesses insondables et éternelles, et en les partageant avec d'autres, elles n'ont fait que s'accroître pour moi et pour eux. Sans ce livre je n'aurais jamais connu l'amour infini de Dieu, révélé à la Croix. La puissance d'attraction de la Bible n'est sensible qu'à ceux qui l'étudient sincèrement et avec prière. Trop de gens lisent des ouvrages sur la Bible au lieu de la lire elle-même.

Sundar avait toujours avec lui son Nouveau Testament en ourdou. Pendant des années ce fut le seul livre qu'il lût. Il parlait constamment de la joie intense qu'il y trouvait et savait par coeur les Évangiles. L'histoire de Jésus était un exemple vivant devant lui. Il cherchait à obéir littéralement aux instructions données aux disciples. Quand Christ dit : « Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête », Sundar trouvait dans ces paroles la confirmation de sa vie de Sadhou. A l'ordre : « Ne prenez ni bourse, ni bâton, ni deux tuniques », il obéissait à la lettre, voyageant dans le monde entier sans aucun argent avec lui. Nous voyons dans sa vie la Bible non seulement prêchée, mais vécue avec toutes ses austérités, ses richesses et ses miracles. Ce qui peut nous paraître un idéal inaccessible se trouve réalisé d'une façon peu commune par cet humble disciple du Sauveur.

La nature aussi était pour lui un livre ouvert, écrit dans un langage spirituel par le Saint-Esprit. Les éléments, l'eau, le feu, les nuages, la mer, les rivières, les montagnes, les arbres, les plantes, les animaux, comme aussi les scènes variées de la vie humaine sont autant de paraboles, d'illustrations, d'images qui animent sa prédication. Dans sa vie fatigante, il trouvait un grand repos à contempler la nature et à y découvrir partout de nouveaux enseignements. C'est là qu'il lit « en lettres majuscules », selon son expression, les oeuvres du Créateur. « Les cieux racontent la gloire de Dieu et l'étendue manifeste l'oeuvre de ses mains. » Sundar avait une foi enfantine dans la protection divine, et croyait qu'une puissance angélique l'entourait à l'heure du danger. Il fut l'objet de grandes délivrances, et en fit souvent le récit dans ses discours publics afin de fortifier la foi des chrétiens en la toute-puissance de Dieu.

- Beaucoup de gens déclarent que les miracles ne sont que des fables, dit-il, et refusent d'y croire parce que, n'ayant point fait d'expériences, ils ne comprennent pas. Ainsi dans le sud de l'Inde il ne fait jamais froid. Parlant aux habitants de cette contrée, je leur racontai que j'avais vu un « pont d'eau sur de l'eau ». C'est impossible ! disaient-ils. je leur expliquai que la surface liquide étant gelée on pouvait y marcher en toute sécurité, et qu'il n'y avait là rien de contraire aux lois de la nature. Les habitants des pays froids n'en sont pas surpris, mais comment ceux qui n'ont point quitté les régions chaudes saisiraient-ils ? Tels qui vivent dans le monde ressemblent à. des hommes qui ne sont jamais montés sur les hauteurs d'où ces ponts extraordinaires peuvent être vus ; seuls ceux qui mènent une vie de prière peuvent comprendre. Et lorsqu'on m'interroge au sujet des miracles, je réponds que J'en ai fait l'expérience. je sais que Christ est une force. - Mais ce n'est pas en allant au théâtre que vous verrez des miracles ! Si vraiment vous désirez connaître les merveilles de la puissance de Dieu dans vos vies, consacrez du temps à la prière. Christ n'accomplit rien dans le but de satisfaire la curiosité, mais il veut satisfaire l'âme qui chaque jour s'approche de lui et fait sa volonté.

Tous les miracles extérieurs, même les délivrances les plus inexplicables sont d'un ordre inférieur comparés à la rédemption d'une âme qui, par la nouvelle naissance, est passée de la mort à la vie. Qu'un pauvre humain pécheur, impur, misérable, sans repos, puisse recevoir le pardon, la délivrance et la paix, dépasse toute compréhension. C'est là le miracle central du christianisme. Si un homme a vécu cela, il ne s'étonne plus : il sait que tout est possible à Dieu. Parlant de sa délivrance du puits de Razar, Sundar dit :- Peut-être était-ce un ange ? ou Jésus lui-même qui m'a libéré, mais le plus grand miracle fut cependant la paix qui remplit mon coeur pendant les trois jours passés dans cet horrible charnier. Elle fit de ma prison le ciel sur la terre. Souvent la présence de Christ était radieuse comme le soleil à son midi, et ce sentiment s'est élevé parfois jusqu'à une triomphante allégresse. Aucun doute ne pouvait traverser mon esprit.

C'est une paix cachée qu'il m'est impossible de décrire. je ne trouve pas de mots pour l'exprimer. C'est « la paix qui surpasse toute connaissance », dont parle saint Paul. En l'évoquant, la figure irradiée du Sadhou était une prédication vivante, et l'on devinait quel trésor il avait trouvé en Christ. Au contact du péché et de la souffrance, son âme était douloureusement émue, mais au fond de son être la paix demeurait immuable. - Mon âme est comme la mer, il peut y avoir vagues et tempêtes à la surface ; dans les profondeurs règne un calme inaltérable. Notre coeur a été créé pour recevoir cette paix, c'est pourquoi il ne peut être en repos avant de l'avoir trouvée. - Si tout le monde ne peut aller au Tibet, être attaché à un arbre ou jeté dans un puits, chacun peut goûter le repos que j'ai trouvé en Christ. Mais il ne dépend ni des choses terrestres, ni de la puissance ou de la richesse, sinon tous les hommes riches seraient heureux et satisfaits. Peu de chrétiens ont fait une expérience aussi profonde et en ont témoigné avec autant de certitude, que cet apôtre venu d'un pays dans lequel la recherche de la paix de l'âme a été depuis des siècles le but suprême de la religion. Ceux qui ont vu ces longs cortèges de pèlerins se rendant à quelque lieu sacré, ne peuvent oublier l'intensité de leur désir de trouver Dieu.

Le Sadhou ne faisait pas de compromis ; le sel en lui n'avait pas perdu sa saveur. Dans son enseignement il insista fréquemment sur la nécessité de la repentance et sur la certitude du jugement après la mort. - Il en est beaucoup qui se rassurent en pensant : « Dieu est amour ; il nous sauvera et nous rachètera au dernier moment ! » Ceux qui parlent ainsi seront déçus. Écoutez ce que dit le Sauveur : « Si quelqu'un entend mes paroles et ne les garde point, ce n'est pas moi qui le juge, car je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour le sauver. Celui qui me rejette et qui ne reçoit pas mes paroles a déjà son juge. La parole que j'ai annoncée, c'est elle qui le jugera au dernier jour. » - Une fois, je soulevai une grosse pierre, recouvrant d'innombrables insectes. Dès qu'ils aperçurent la lumière, terrifiés, ils coururent en tous sens, en proie à une vive agitation. La pierre remise en place, les insectes reprirent leur tranquillité. Lorsque se lèvera pour nous le Soleil de justice, ceux qui vivent dans les ténèbres du péché regarderont, dévoilées, les fautes qu'ils ont commises en secret : « Car il n'y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni de secret qui ne doive être connu. » - Nous savons quelle est la puissance du péché et la force de Satan, mais notre Sauveur est plus fort que lui. Un jour, assis sur un rocher, Je vis au-dessous de moi un oiseau volant lentement. Observant ses mouvements, j'aperçus un gros serpent qui le regardait. Le pauvre oiselet attiré dans la gueule de la mort, était sans force pour résister. J'essayai de lui sauver la vie en jetant des pierres, mais inutilement, et j'assistai à cette scène tragique : au moment où l'oiseau s'approchait de la bouche du reptile, il fut englouti d'un coup. C'est ainsi que Satan, le « serpent ancien », attire à lui jeunes et vieux. Nul n'a en lui-même le pouvoir de résister au mal, et nous allons au-devant de la mort. Mais, regardons à Jésus-Christ qui peut nous attirer à lui et nous délivrer de Satan. - « Tu n'es pas loin du royaume de Dieu », disait Jésus à un scribe. Il dut être ravi de s'entendre adresser cette parole devant tous. Pourtant il aurait dû être attristé de savoir qu'il ne possédait pas le royaume de Dieu. Cela ne sert pas à grand-chose d'en être près, il faut y être entré. Pensez aux vierges folles, devant la salle des noces, mais n'y pouvant pénétrer...

Être presque sauvé, c'est être perdu. - Dans une épaisse jungle de l'État du Bouthan, l'on chasse le tigre. Les chasseurs ont sur eux la clef d'un refuge construit pour servir d'abri en cas de danger. Un jour l'un d'eux prit son fusil et sortit. Apercevant un tigre, il le visa, tira et le manqua ; l'animal se mit aussitôt à le poursuivre. L'homme croyant pouvoir atteindre la cahute, se sauva en jetant son fusil. Sur le seuil il chercha la clef : il l'avait oubliée ; alors le tigre bondit et le tua ; entre le refuge et le chasseur il n'y avait que l'épaisseur de la porte ; et cependant l'homme perdit la vie par son insouciance. Il serait mort s'il avait été à dix lieues de la cabane ; il n'en mourut pas moins tout près. N'étant pas loin du royaume de Dieu, beaucoup en négligent la clef, qui est la repentance et la prière persévérante.

- Il y a un danger de perdre les dons et les grâces que nous avons reçus. Si ce n'était pas, le Seigneur ne nous aurait point adressé cet avertissement : « je viens bientôt, tiens ferme ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne. » C'est pourquoi: « Veillez et priez ». Dieu est amour. Il nous donne l'occasion de nous repentir. Si nous la dédaignons, nous n'en aurons pas d'autre après la mort. Christ ne serait pas descendu sur la terre si une chance nous était offerte d'être sauvés plus tard. Il serait resté au ciel. Le Sadhou insiste maintes et maintes fois sur l'impossibilité qu'il y a à se sauver soi-même. Aucun effort personnel, aucune bonne oeuvre ne peut nous obtenir la grâce du pardon. La justification et la paix de l'âme sont des dons immérités de la miséricorde de Dieu qu'il nous faut tout simplement recevoir par la prière dans l'humilité, la repentance et la foi.

- Mais le pardon des péchés n'est pas le salut complet. Il ne suffit pas de couper les rejetons d'un arbre pour le détruire, il faut en arracher les racines, et tout le terrain à l'entour doit être renouvelé. La rédemption implique la transformation de l'être tout entier ; c'est une nouvelle naissance totale. Il peut arriver que même après avoir obtenu le pardon, nous mourrions dans notre péché. La chose essentielle qui importe plus que tout, c'est d'être affranchi de la domination du péché. Jésus-Christ n'est pas venu seulement pour nous pardonner, mais pour nous délivrer. - Une jeune fille enlevait chaque jour les toiles d'araignée dans sa chambre. « Ma fille, lui fut-il dit, à quoi cela sert-il d'enlever ces toiles qui reviennent constamment ! Il vaudrait mieux détruire l'insecte qui les tisse. Si tu tues l'araignée, il n'y aura plus de toiles. » De même il ne suffit pas que nos péchés journaliers soient sans cesse pardonnés ; il faut faire mourir en nous le vieil homme qui les commet.

Bien des gens se trompent en croyant qu'il suffit que leurs péchés soient remis pour qu'ils soient sauvés. Tant que leur nature pécheresse n'a pas été transformée, ils sont encore perdus. En ce qui concerne la rédemption, Sundar Singh attache une importance primordiale à la sanctification. - Le but ultime de l'incarnation de l'amour divin est d'amener l'humanité à la ressemblance du Fils de Dieu. «Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » Croire en Christ, c'est revêtir Christ, devenir « un » avec lui, vivre de sa vie. Il y a certains insectes dont la couleur et la forme ressemblent à s'y méprendre aux feuilles des arbres sur lesquels ils vivent et dont ils se nourrissent. Ainsi ceux qui vivent au contact de Jésus-Christ sont transformés en son image. - Satan sème le doute dans le coeur des enfants de Dieu, mais par sa grâce, le juste échappe à cette emprise. Écoutez ce récit : Avant d'être converti, un saint avait commis plusieurs crimes. Mais ensuite, il servit sans cesse le Seigneur et mena une vie sainte. Lorsqu'il fut sur son lit de mort, Satan lui tendit la liste de ses fautes passées et dit Voilà tout ce que tu as fait ; tu n'es pas digne d'entrer au ciel, ta place est en enfer.- Le saint répondit :- Mon Sauveur ne jettera point dehors celui qui vient à lui. « Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner et pour nous purifier de toute iniquité. » Cependant Satan continua à le troubler. Mais le saint persévéra résolument dans la prière. Et un doigt apparut, barrant la liste des péchés. Le saint se réjouit et loua Dieu. Mais Satan lui dit :- Ne te réjouis point, tu peux atteindre le ciel, mais ton péché sera toujours visible à tous les yeux, et tu auras honte devant tous.- Le saint pria de nouveau. Alors une goutte du sang de Christ tombant sur la page, se répandit partout effaçant l'écriture et rendant le papier immaculé. Et le saint, rempli d'une paix divine, put se présenter devant son Dieu.

-Tant qu'un homme est sur la terre, il ne comprend pas la gloire de la félicité céleste, qui est son immortelle destinée. Il est comme le poulet qui, dans sa coquille, ne peut se figurer la beauté du monde dans lequel il entrera. S'il déclarait que rien n'existe en dehors de son oeuf, sa mère aurait beau l'assurer qu'il y a des prairies, des montagnes, un ciel bleu ; lui, ne voyant rien, ne peut y croire. Lorsque sa coquille cédera, il verra que sa mère avait raison. II en est de même pour nous, qui ne pouvons discerner ni le ciel, ni l'enfer. Mais lorsque se brisera notre enveloppe terrestre, ce qui est invisible deviendra visible. Cependant certaines choses nous permettent d'entrevoir notre état futur. Comme le poussin a des yeux et des ailes dont il ne pourra se servir qu'une fois libre, ainsi il est en nous des désirs et des aspirations qui ne seront jamais satisfaits ici-bas. Il doit donc y avoir une vie future où ils se réaliseront. C'est la vie éternelle. Mais de même que l'oiseau doit être tenu au chaud aussi longtemps qu'il est dans sa coquille, tant que nous sommes dans le monde, il faut que la présence et le feu du Saint-Esprit nous couvent et nous réchauffent.

PARABOLES, ILLUSTRATIONS

Nous voudrions relever ici, parmi un grand nombre, encore quelques paraboles, illustrations, enseignements ou propos, que le Sadhou tirait de la nature et des événements de la vie journalière, et qui sont frappés au coin de sa personnalité.

- « Il est étonnant- lui disait-on- que vous ne soyez pas enorgueilli par les louanges et la popularité dont vous êtes l'objet », tant il est vrai que l'adulation de l'Église constitue un danger plus grand peut-être que l'hostilité du monde. - je donne le message que Dieu m'a confié, répondait-il, et louanges ou blâmes ne me touchent pas. Prenez une pièce de vingt francs. Si quelqu'un s'exclame : « Elle est magnifique ! » cela n'en modifiera pas le taux, elle ne vaudra pas vingt-et-un francs. Si un autre s'écrie : « Cette pièce est affreuse ! » son prix n'en sera point diminué. Ce que les gens disent ne peut changer la valeur de votre témoignage. Nous devons suivre Christ les oreilles closes et les yeux fixés sur lui. Sinon, nous risquerions d'entendre, d'un côté des paroles flatteuses qui pourraient nous infatuer de nous-mêmes, et de l'autre, des critiques propres à nous décourager.

Le Sadhou ne prenait aucun argent avec lui. Une fois, cependant, suivant le conseil de ses amis, il consentit à en emporter quelque peu ; mais bientôt il y renonça.- je n'aime pas à placer ma confiance dans ma poche, où il peut y avoir des trous, et il existe aussi des voleurs. Mais, lorsque je me confie en Dieu, je suis en sécurité. Un riche Américain, étonné qu'il pût circuler sans argent, lui offrit de lui en donner. Il refusa.- je voyage, dit-il, dans le royaume de mon Père céleste qui pourvoit lui-même à tous mes besoins. J'ai parcouru le monde sans avoir jamais manqué de rien. A un ami qui lui demandait pourquoi il ne se mariait pas, Sundar répondit :- je suis uni à Jésus-Christ, et goûte un bonheur plus profond dans l'amour de mon Seigneur.- Se fondant sur les paroles de saint Paul, il semblait éprouver la crainte que le mariage ne le portât à chercher à plaire à sa femme, l'empêchant de consacrer toutes ses énergies à Dieu. Mais il ne conseillait pas aux autres le célibat et affirmait qu'on peut servir Dieu tout aussi fidèlement en étant marié.

A travers la souffrance et le renoncement à soi-même, le Sadhou a conquis cette admirable douceur et cet esprit d'humilité qu'il manifesta toujours. Comme Moïse, il avait appris, à une dure école, à être l'homme le plus doux de la terre. Mais il savait à l'occasion être impérieux, lorsque la direction intérieure de sa vie lui disait qu'une chose était juste. Il balayait alors, avec une grande décision, toute opposition. D'autres fois, il se rangeait immédiatement à l'opinion de ses amis. Il espérait mourir à l'âge même où Jésus fut crucifié. Il n'en parlait pas, sauf à de rares amis intimes, mais une ombre de tristesse semblait l'avoir envahi, quand il vit que le Seigneur tardait à le reprendre à lui. Je ne suis, dit-il, ni un philosophe, ni un théologien, mais un humble serviteur de Dieu dont la joie et les délices sont de méditer sur son amour et sur les grandes merveilles de sa création. Sundar Singh est pleinement convaincu de la merveilleuse puissance de la Bible.- J'ai éprouvé qu'elle est bien la Parole vivante de notre Sauveur.- Sundar prenait toujours avec lui, dans ses voyages missionnaires, des exemplaires du Nouveau Testament et des portions des Évangiles, les distribuant à ceux qu'il rencontrait, et aux ermites retirés dans les grottes de l'Himalaya, espérant ainsi leur apporter quelque lumière.

Dans une allocution, prononcée à la Société biblique britannique et étrangère à Londres, le Sadhou raconta l'histoire suivante :- Au cours de l'un de mes voyages aux Indes, j'annonçai le Sauveur à des non croyants, et terminai en leur demandant s'ils n'aimeraient pas lire eux-mêmes le Livre parlant de Jésus-Christ ? Il se trouvait là un grand ennemi de la religion chrétienne. En sortant, il acheta un exemplaire de l'Évangile de jean, dont il lut deux ou trois pages. Puis, le déchirant en mille morceaux, il les lança par la fenêtre du wagon dans lequel il se trouvait. Deux ans plus tard j'appris ce qui suit : Au moment même où le lecteur avait jeté l'Évangile, un homme passait sur le quai. C'était une âme cherchant depuis sept ans la vérité, sans l'avoir trouvée. Remarquant ces fragments de papiers il en ramassa un, et lut ces deux mots : « Vie éternelle ». Sur un autre, « Pain de vie ». Désirant savoir ce que cela signifiait, il montra ces paroles à un passant. Celui-ci répondit : « C'est un livre chrétien, ne le lisez pas, car vous seriez souillé. » Mais l'homme ne se laissant point arrêter, s'en alla acheter un Nouveau Testament. Il le lut avec avidité, trouva son Sauveur, et, en lui, paix et joie. C'est ainsi que ces pages, mutilées par le premier, devinrent pour le second le véritable Pain de vie.

Un jour que je voyageais dans un pays aride, j'étais fatigué et la soif me brûlait. je montai sur une colline, et regardai autour de moi, cherchant de l'eau. La vue d'un lac, à une certaine distance, me remplit de joie ; enfin, j'allais pouvoir calmer ma soif ! je marchai longtemps sans atteindre l'eau, et je compris qu'elle était un mirage, une simple apparence causée par la réfraction des rayons du soleil. C'est ainsi que j'ai parcouru la terre en quête d'eau vive. Les biens de ce monde, fortune, situation, honneurs, bien-être, m'apparaissaient comme un lac dans lequel j'apaiserais la soif de mon âme. Mais jamais je n'ai pu trouver une goutte d'eau capable de l'étancher. Quand mes yeux spirituels s'ouvrirent, je vis un fleuve d'eau vive qui jaillissait du côté percé du Christ ! J'en bus, et fus désaltéré. Depuis lors, j'ai toujours puisé à cette source et n'ai plus connu la soif dans le désert du monde. Mon coeur est un hymne de joie. La présence du Christ me donne une paix qui surpasse toute intelligence, et cela, en toute occasion. Quand sévissaient les persécutions, Il était là. Avec Lui la prison devenait le ciel, et la croix était changée en sujet de bénédiction. Au milieu des dangers, des tentations, des péchés et des tristesses de ce monde, je suis sauvé par Celui qui donna sa vie pour moi.

Si nous voulons entendre ce que les autres nous disent, il faut commencer par nous taire, et pour les comprendre, il faut leur prêter notre attention. Il en est de même pour percevoir la voix de notre Père céleste ; il est de toute nécessité que nous gardions le silence devant lui et fermions nos oreilles aux voix du monde. Notre esprit et notre coeur doivent rester fixés en lui, car il ne se révèle qu'à ceux qui le cherchent vraiment. Marie se contentait de s'asseoir aux pieds du Seigneur et d'écouter sa parole. Elle choisit la bonne part qui ne lui fut point ôtée. Un pasteur tomba malade. Couché sur son lit de souffrances, il entendit la voix de Dieu :- « Maintenant tu auras le temps de parler avec moi. En bonne santé, tu étais si occupé à parler aux autres, que tu n'avais pas le temps de m'écouter. »

Comme la source remplit, jusqu'à le faire déborder, le vase placé au-dessous d'elle, ainsi l'Esprit de Dieu remplit le coeur de celui qui s'abaisse pour le recevoir. Après être monté dans la solitude de la montagne de la prière, notre devoir est de retourner dans le monde des hommes et d'y porter la puissance nouvelle que nous avons reçue, afin d'accomplir l'oeuvre qui nous est demandée. Saint Paul dit : « Dieu nous a fait asseoir avec Christ dans les lieux célestes. » Il ne dit pas, après la mort seulement, mais déjà dans cette vie terrestre.- J'étais un jour sur une haute montagne, lorsqu'un terrible orage éclata. Mais je ne courais aucun danger, car l'orage se déchaînait au-dessous de moi. J'étais à l'abri dans la calme clarté du sommet, tandis que les éclairs sillonnaient les nues. Il en est ainsi pour l'enfant de Dieu. Tant qu'il est avec Christ « dans les lieux célestes », Satan ne peut rien contre lui. Ce n'est que lorsqu'il quitte les hauteurs de cette communion, que la tentation et le péché peuvent avoir prise sur lui.

Rien ne peut ébranler ma foi. Quand un homme a soif et qu'on lui offre de l'eau, il boit et il est satisfait. Qu'on vienne lui dire :- Ce n'était pas de l'eau. Il répondra : Insensé ! je suis sûr que c'en était, car, assoiffé, j'ai bu et je suis désaltéré. Ainsi je sais que Jésus est vivant et qu'il donne la vie. Bien des gens prétendent être chrétiens et n'ont pas la paix : ils ne connaissent pas Jésus-Christ. Ils savent son histoire, mais il ne vit pas en eux. Ils ignorent que Christ seul peut répondre aux désirs de leur coeur. Ils ont cherché le bonheur ailleurs et ne l'ayant pas trouvé, beaucoup sont tombés dans la désespérance, voulant parfois se donner la mort pour mettre fin à leur angoisse.

Les vrais chrétiens ne sont jamais réduits au désespoir, parce que, dans l'acte même de leur renoncement au monde, ils obtiennent la paix dans la communion avec Dieu. L'homme ne trouve qu'en Dieu la satisfaction de ses aspirations les plus profondes, mais il a également besoin de l'amitié et de la sympathie de ses semblables. Si ce souhait n'est pas exaucé, Christ, lui, peut y répondre et rassasier l'âme affamée. Ayant souffert comme l'un de nous, il peut comprendre toutes les peines et secourir les fils des hommes dans toutes leurs afflictions. La douleur, les tentations, la souffrance, sont des étapes nécessaires au développement de notre vie spirituelle et concourent à notre bien futur. Nous devons accepter joyeusement tout ce qui nous arrive, et ne jamais permettre que le moindre doute s'élève dans nos coeurs, sinon nous mettons une barrière entre Dieu et nous. L'écharde dans la chair, dont parle saint Paul, a été permise pour l'accomplissement de quelque plan grand et sage. Il est absolument nécessaire que nous passions par des temps d'épreuves, pour parvenir au but éternel, pour lequel nous avons été créés.

Comme les diamants et les pierres précieuses mettent des milliers d'années à se former, devant être comprimés et pressurés dans les laboratoires de la nature avant d'atteindre leur perfection de beauté, ainsi il nous faut passer par la douleur et la souffrance pour être rendus parfaits. Il nous est impossible d'atteindre en un seul jour un état de perfection qui ne laisserait subsister aucun défaut en nous. Ce n'est qu'en vivant continuellement en la présence de notre Père céleste, et aussi près de lui que possible, que nous deviendrons parfaits comme il l'est lui-même.

Un jour, je m'assis sous le porche d'une maison. Un vent violent s'était mis à souffler, un petit oiseau s'abattit, chassé par la rafale. Un faucon, venu de la direction opposée, fondit sur lui pour en faire sa proie. Menacé de deux côtés à la fois, l'oiseau tomba sur mes genoux. En général il n'aime pas à s'approcher de l'homme ; mais, au jour de l'adversité, il chercha refuge auprès de moi. C'est ainsi que le vent violent de la souffrance nous pousse dans le sein de Dieu. Une fois, au cours de l'un de mes voyages, je vis un berger faisant passer son bétail de l'autre côté d'une rivière. Tout le troupeau traversa, à l'exception d'une vache et d'un veau, qui paraissaient ne pas vouloir franchir l'eau. Craignant qu'en les abandonnant, les bêtes sauvages ne les dévorent, le pâtre se mit à les battre pour les faire obéir, mais sans succès. Puis il essaya de les attirer en leur présentant un peu de foin : ce fut tout aussi inutile. je lui suggérai alors de porter le veau sur l'autre rive. Ce qu'il fit... et la vache les accompagna.- Il en est de même lorsque nous ne voulons pas suivre notre Maître : il nous enlève ceux que nous aimons et les prend auprès de lui. Nous sommes ainsi amenés à désirer les régions célestes, où nos bien-aimés s'en sont allés, et à nous préparer pour pouvoir les y rejoindre.

On demanda un jour au Sadhou comment il comprenait le salut par le sang de Christ. Le récit suivant fut sa réponse :- Une fois que je prêchais l'Évangile, je dis à mes auditeurs : Christ est mort pour sauver les pécheurs.- « Comment cela se peut-il ? » demanda l'un d'eux. Un jeune homme, qui se trouvait là, prit la parole : « C'est parfaitement vrai, c'est par la mort de mon père que j'ai été sauvé. Un jour je tombai dans la montagne, et, me blessant, je perdis beaucoup de sang. Quand mon père apprit l'accident, il vint et me transporta à l'hôpital.- Il va mourir, dit le docteur, je suis impuissant. je ne pourrais le guérir que si quelqu'un veut bien offrir son sang.- Me voici prêt à donner ma vie, dit le père.- Ainsi fut fait. je vécus et mon père mourut, et par sa mort, je fus sauvé. » - Il en est de même pour moi, dit le Sadhou. J'étais tombé dans la montagne de la sainteté, j'avais perdu mon sang spirituel, j'étais sur le point de mourir. Le Sauveur me transfusa son sang ; il sacrifia sa vie et je fus épargné. Ceux qui sont prêts à donner leur coeur comprendront combien il est vrai que c'est par la mort de Jésus-Christ qu'ils peuvent être libérés. J'ai éprouvé cette vérité : si vous voulez sauver une vie, il faut donner la votre.

Malgré une loi frappant les joueurs d'une amende de 500 roupies, deux jeunes hommes jouaient aux dés. Ils furent arrêtés et incarcérés. L'un était le fils d'un homme riche qui acquitta la somme. L'autre, fils d'un pauvre paysan, fut gardé en prison. Afin de l'en faire sortir, sa mère travailla sans relâche, portant de lourdes pierres qui la blessèrent aux mains et firent couler son sang. A travers les barreaux de sa prison, le jeune homme vit ces mains meurtries.- « Mère, qu'est-ce que ces blessures et ce sang sur vos doigts ?- Mon fils, c'est en travaillant pour te sauver que j'ai souffert ainsi. » À force de peine, la pauvre femme gagna les 500 roupies et libéra son fils. Peu après, le camarade fortuné le rencontrant, l'invita de nouveau à jouer.- « Non, dit le jeune homme pauvre, vous, vous avez été délivré aisément ; mais moi, je le fus par le dur travail, les blessures et le sang de ma mère ; comment pourrais-je, à l'avenir, me livrer à ce jeu qui lui valut tant de souffrances ?

Ceux qui réalisent le prix que Christ a payé, en versant son sang pour les sauver, ne peuvent plus vivre dans le péché qui a causé tant de douleurs à leur Sauveur. Au Cachemire, un homme possédait plusieurs centaines de moutons. Les serviteurs avaient coutume de les mener paître, et chaque soir, au retour, il en manquait deux ou trois. Le maître pria ses gens de les retrouver ; mais, par crainte des bêtes sauvages, ils ne s'en donnèrent pas la peine. Le propriétaire, qui aimait ses moutons, désirait les sauver. « Si je vais moi-même, dit-il, ils ne me reconnaîtront pas, puisqu'ils ne m'ont jamais vu. Ils reconnaîtraient mes serviteurs, mais ils refusent d'aller... Il faudra donc que je devienne semblable à un mouton ! » Il prit une toison, la mit sur son dos et partit à la recherche des animaux égarés ou blessés. Ceux-ci, le prenant pour un des leurs, le suivirent. Il les ramena et les nourrit. Lorsque tous furent saufs, il se défit de sa toison : il n'était plus un mouton, mais un homme.- Ainsi Dieu, Jésus-Christ, n'est point homme, mais s'est fait semblable aux hommes, dans le but de les sauver. L'homme est un être libre qui, par un mauvais usage de sa liberté, peut porter atteinte à lui-même et aux autres.

Nous ne faisons aucun tort à Dieu en pêchant, mais à nous-mêmes et a ceux qui nous sont apparentés. Car il n'est pas possible de commettre le mal sans que d'autres en souffrent. La repentance doit nous amener à nous abstenir d'actes nuisibles, et nous conduire à faire comme Zachée : réparer le mal que nous pouvons avoir commis. Comme il y a du feu dans une pierre à feu, ainsi il y a dans le coeur de l'homme, une soif intense de communion avec Dieu. Ce désir peut rester caché sous l'enveloppe dure de la pierre du péché et de l'ignorance. Mais au contact d'un homme de Dieu ou de l'esprit de Dieu, ce désir s'enflamme, comme le fait la pierre à feu lorsqu'elle est frappée par l'acier. Si mauvais que soit un homme et si corrompue que soit sa vie, il y a en lui un élément qui ne trouve aucun attrait au péché. Sa conscience peut être émoussée et près de mourir : l'étincelle divine ne s'éteint jamais. Même chez les plus grands criminels on découvre quelque chose de bon. Certains hommes, auteurs de crimes particulièrement sauvages, ont aidé des pauvres et des opprimés.

Puisque l'étincelle, ou l'élément divin qui est en eux ne peut être détruit, nous ne devons désespérer d'aucun pécheur. Si, constamment, nous critiquons les autres, nous leur portons grandement préjudice, ainsi qu'à nous-même. Si nous ne nous estimions pas autant, cela nous rendrait sympathiques et aimants vis-à-vis du prochain, et nous mériterions le pays promis, qui est le royaume de l'amour. Du premier au dernier mot, la prédication du Sadhou roule sur ce thème : renoncement et prière. Celle-ci est de peu de valeur, si elle ne se traduit pas par le don de soi au service de Dieu. - Notre Seigneur dit que nous sommes le sel de la terre. Ce n'est que lorsque le sel fond qu'il communique sa saveur aux aliments. Sinon, que servirait-il d'en jeter dans un bol de riz bouillant ? Mais parce qu'il s'y dissout, des milliers de grains deviennent savoureux. De même, lorsque nous voulons sauver les autres, nous devons faire le don de nous-mêmes. Sinon, nous deviendrons comme la femme de Lot, que son amour du monde changea en une statue de sel. Car à quoi sert le sel qui ne fond pas ?

Beaucoup ne découvrent jamais leurs propres défaillances et leurs manquements, et sont toujours à la recherche des fautes d'autrui. Mais lorsque nous nous regardons dans un miroir, l'oeil distingue ses propres défauts ou les taches du visage. Ainsi, en examinant nos vies à la lumière de la Parole écrite, nous apprenons à nous connaître nous-même. Christ ne se contente pas de nous montrer notre état de péché, il se révèle à nous dans sa puissance de guérison. Si nous nous tournons vers lui, il fera disparaître nos imperfections et nous transformera en son image glorieuse, afin que, pendant toute l'éternité, nous ayons part à sa gloire. Les savants et les philosophes qui croient à l'évolution, parlent de la survivance des plus dignes, par la sélection naturelle. Mais il y a aussi la survivance des indignes par la sélection divine. Elle est prouvée par le changement de millions d'êtres : ivrognes, adultères, meurtriers, ont et, retirés de la profondeur du péché et de la misère. Ils ont reçu une vie nouvelle de paix et de joie par le salut apporté par Jésus-Christ, venu dans le monde pour sauver les indignes.

Les religions disent : « Faites le bien et vous deviendrez bons. » Le christianisme enseigne : « Vivez en Christ et vous ferez le bien. » La signification du rachat et du sang qui lave nos péchés, c'est que nous sommes greffés en Christ, moi en lui et lui en moi. C'est un rameau sauvage enté sur l'arbre. Une fois greffé, la bonne sève de l'arbre circule à travers le rameau, et ses fruits deviennent bons.

Les bons chrétiens ne sont pas ceux qui confessent le Christ, mais ceux qui possèdent le Christ.

Beaucoup de chrétiens ont perdu le sens des beautés de l'Évangile. Le scepticisme, le rationalisme et la mondanité ont obscurci leur vision.

Sundar Singh, dit le professeur Heiler, a un double message : pour l'Inde, qui malgré de précieuses richesses n'a pas trouvé jusqu'ici la perle de grand prix, celle de l'Évangile ; pour les chrétiens d'Occident qui eux, possédant cette perle précieuse, l'ont en grande partie perdue, enfouie qu'elle est sous une accumulation de culture, d'organisation et de recherches théologiques. Ce que le Sadhou a révélé au christianisme occidental, c'est la valeur du trésor caché dans le champ : l'Évangile du Christ, dans sa simplicité, sa grandeur et sa puissance. Tant de chrétiens ne l'ont point trouve, ou en connaissant l'importance, le rejettent.- Vous êtes, dit le Sadhou, comme un homme qui, possédant un diamant mais n'en sachant pas le prix, le vend au premier venu pour quelques roupies...

- Je demande parfois à des chrétiens : Pourquoi croyez-vous en Jésus-Christ ? On me répond « Parce qu'il est le Sauveur ». Quelle preuve avez-vous qu'il soit le Sauveur ? « Mais c'est écrit dans la Bible » je dis alors : Le fait qu'il est parlé de Jésus dans un livre, même dans la Bible, n'est pas suffisant. C'est dans votre coeur que vous devez le connaître ; alors vous saurez qu'il est le Sauveur. C'est tout autre chose d'avoir entendu parler du Christ, d'avoir lu son histoire ou de le posséder, lui, personnellement. « Quiconque est né de Dieu ne pêche point. » Autrefois cette parole me surprenait ; maintenant je la comprends. Le péché est généralement causé par la recherche du plaisir. Mais celui qui aime Dieu a en lui-même des sources de joies profondes, intarissables, au point que tout autre plaisir ne l'attire plus. Il ne pêche plus ; il est comme un homme possédant un louis d'or : il ne sait que faire d'un sou démonétisé.

Il ne suffit pas que nos péchés quotidiens soient pardonnés, il faut, comme dit l'apôtre, que nous ayons dépouillé le vieil homme. Les catholiques attachent un grand prix à la rémission des péchés par l'absolution. Mais le mal qui est à la racine du péché continue d'agir. Croyez-vous que les pécheurs repentants doivent penser continuellement à leurs fautes et renouveler leur contrition ? Ne vous mettez pas en peine de savoir si Dieu pardonne ou ne pardonne pas vos fautes. Le salut n'est point seulement le pardon des péchés, mais l'affranchissement du péché. Se sentir pécheur est un signe de santé spirituelle. C'est lorsque nous n'avons pas conscience de notre péché que nous sommes en danger. Il en est de ce monde comme de la mer dont l'eau est salée, mais non les poissons qui y nagent, parce qu'ils ont la vie en eux-mêmes. Si nous recevons la vie de notre Sauveur, bien qu'étant dans le monde, nous serons, par sa grâce, libérés du péché qui y règne. je parle de ma propre expérience.

Nous devons nous confier en Christ, sans jamais douter. Étendez la main en croyant, et vous recevrez la bénédiction attendue.- Un homme vint au Seigneur avec une main sèche. Jésus qui savait son désir, lui commanda : « Étends ta main ». L'homme obéit et fut aussitôt guéri. Il aurait pu raisonner et dire : « Quelle absurdité ! Si je pouvais mouvoir mon bras, je n'aurais pas besoin de toi ! » Étendons la main de notre foi sans raisonner ni douter. Obéissons et nous verrons la puissance de Christ. je suis témoin des grandes choses qu'il a faites pour moi. Il peut les faire pour vous. Le salut ne s'obtient pas par la science, mais par la foi, en écoutant et en acceptant la Parole de Dieu. Qu'il soit savant ou ignorant, jeune ou vieux, lorsqu'un homme a soif, ce qu'il demande, ce n'est pas de la science, mais de l'eau ; et avant de la boire, il n'a nul besoin de savoir qu'elle contient de l'oxygène ou de l'hydrogène. S'il attendait d'apprendre ce que sont ces corps, il pourrait bien mourir de soif. Depuis les temps les plus reculés, les hommes se sont désaltérés avec de l'eau sans se soucier d'en connaître la composition. De même, nous n'avons pas besoin d'être très instruits pour recevoir l'eau vive que Jésus-Christ veut nous donner et qui peut satisfaire notre âme.

En 1921, un incendie éclata dans une forêt de l'Himalaya. Pendant que la plupart des gens essayaient de l'éteindre, d'autres hommes étaient arrêtés et contemplaient quelque chose au haut d'un arbre. Ils me montrèrent un nid rempli d'oisillons, entouré de branches en feu. Un oiseau, en proie à une grande angoisse, voletait au-dessus du nid.- « Combien nous aimerions sauver ces petits, disaient les témoins du drame, mais cela est impossible, le feu est trop intense pour que nous puissions approcher. » je restais là à regarder, impuissant comme les autres spectateurs. Bientôt je vis le nid s'enflammer à son tour. je pensais que la mère oiseau allait s'envoler. Mais non, elle se précipita au contraire dans les flammes, étendit ses ailes sur ses petits pour les protéger. En un instant, victime de son amour, elle fut réduite en cendres. je n'avais jamais rien vu de semblable ; aussi, me tournant vers mes compagnons, je leur dis : Cet amour merveilleux nous étonne. S'il nous est donné d'être les témoins d'un tel dévouement chez une si petite créature, combien plus grands seront l'amour et le dévouement que nous rencontrerons chez le Créateur ! Le même amour infini l'a amené à quitter le ciel et à prendre forme humaine, afin de nous préserver, en donnant sa vie, de mourir dans nos péchés.

Nombreux sont ceux qui ont perdu le temps précieux qui leur avait été accordé pour le service de Dieu. Mais ils peuvent, maintenant encore, se lever et faire l'usage le meilleur des jours qui leur restent à vivre. Sur la berge d'une rivière, un chasseur ramassa quelques pierres et, une à une, les employa à tuer, avec sa fronde, des oiseaux perchés sur les arbres non loin de là. Toutes tombèrent dans l'eau et disparurent. Lorsqu'il rentra à la ville, une seule lui restait en main. Près du bazar, un joaillier le vit, tenant cette pierre : c'était un diamant valant des milliers de roupies, lui dit-il. Quand l'homme entendit cela, désespéré, il se lamenta : «Malheur à moi ! J'ignorais leur prix, et j'ai employé ces diamants à tuer des oiseaux ! Emportés par le courant, ils sont à tout jamais perdus. je n'en ai gardé qu'un seul ; si je les avais tous, je serais millionnaire... »

Chaque jour est comme un diamant précieux ; et bien que beaucoup aient été dilapidés à la poursuite des plaisirs et des choses de la terre, et qu'ils soient tombés dans les profondeurs du passé, il faut prendre conscience de la valeur de ce qui nous reste et l'utiliser le mieux possible, afin d'acquérir les richesses éternelles. Consacrez au service de Christ la vie qu'il vous a donnée, avec toutes ses possibilités, en travaillant au salut des autres pour les arracher au péché et à la mort. Les hommes ont souvent le nom de Christ sur les lèvres, mais il n'est point dans leur coeur. C'est pourquoi ils n'obtiennent pas ce qu'ils désirent. Mais lorsqu'ils demeurent en lui et lui en eux, tout ce qu'ils demandent, ils le reçoivent parce qu'ils prient par le Saint-Esprit qui leur révèle ce qui glorifie le Père et ce qui est le meilleur pour eux-mêmes et pour les autres. Sinon, ils recevront la réponse qu'un méchant garçon obtint de la part du gouverneur auprès duquel il sollicitait la faveur d'un emploi. Il présenta sa requête au nom de son père, dont les services n'avaient été que courage et dévouement. Le gouverneur, rappelant alors au jeune homme sa conduite et ses habitudes mauvaises, lui dit : « Ne me demandez rien au nom de votre père, mais agissez premièrement selon son exemple. Que sa noble vie ne soit pas seulement sur vos lèvres, mais qu'elle se reproduise en vous, et votre démarche sera agréée. »

La chose essentielle est d'être en règle avec Dieu : alors toutes les souffrances s'enfuiront. Les rationalistes disent : « Commencez par nous expliquer toutes les choses difficiles, et nos doutes s'enfuiront... » Il y a cinq ans, je me trouvais avec un docteur de mes amis, lorsque nous aperçûmes un homme pleurant à chaudes larmes.- Qu'y a-t-il donc ? lui demanda le médecin.- En tombant, je me suis cassé le bras, et j'ai mal !- Ne crains rien, dans une semaine tu seras guéri, et la douleur disparaîtra dès que j'aurais replacé l'os.- Commence par m'enlever la douleur, dit l'homme ; après, tu feras tout ce que tu voudras.- Insensé, comment le pourrai-je ? C'est l'os cassé qui cause la douleur, et c'est seulement lorsqu'il sera remis en place que tu n'auras plus mal !

On trouve beaucoup d'insensés pareils à celui-là. Nos doutes spirituels, les souffrances de notre âme sont causés par le péché : mettez-vous en règle avec Dieu par la repentance et la foi en lui, alors la souffrance et le doute disparaîtront. J'ai parlé l'autre jour avec quelqu'un de très instruit qui m'assurait que la paix dont j'ai fait l'expérience était l'effet de mon imagination. Avant de lui répondre, je lui racontai l'histoire d'un aveugle-né qui refusait de croire à l'existence du soleil. On le fit asseoir dehors, dans les tièdes rayons, par une froide journée d'hiver. « Comment te trouves-tu ? lui demanda-t-on.- J'ai bien chaud, dit-il.- C'est le soleil qui te réchauffe, car même si tu ne le vois pas, tu en éprouves les bienfaits.- Non, cela est impossible ; cette chaleur vient de mon corps et de la circulation de mon sang. Vous ne me ferez pas croire qu'il y a, dans le ciel, une boule de feu suspendue, sans une colonne pour la soutenir »- Eh bien ! demandai-je au savant, que pensez-vous de cet aveugle ?

C'est un fou, répondit-il.- Et vous, lui dis-je, vous êtes un fou érudit. Vous prétendez que ma paix est une illusion ; mais moi, je l'ai expérimentée. Un homme, prenant une corde, essaya d'en défaire les noeuds. Son travail lui demanda plusieurs heures. Son petit garçon qui le regardait, attacha l'autre bout de la corde à un arbre et y fit un noeud coulant. Il y passa la tête, et tandis que le père était absorbé par son travail, il s'étrangla. Sa mère le vit et accourut: « Malheureux, l'enfant se meurt ! Et toi, au lieu de le sauver, tu défais les noeuds de la corde... » Et, l'enfant expira. Tel est le résultat des recherches inutiles : il vaudrait mieux employer le temps qu'on y consacre à sauver les millions d'âmes en péril.

L'idée populaire que les enfants sont innocents, est juste au point de vue de la connaissance du mal, mais elle est entièrement fausse en ce qui concerne les impulsions mauvaises. Une demi-heure dans la chambre de jeux des petits nous en convaincra facilement. Les hommes prient :- Que ta volonté soit faite : mais au fond de leur coeur ils disent : Que ma volonté puisse s'accomplir ! Ils ne savent pas que celle de Dieu est toujours la meilleure. Questionné sur la méthode de travail à suivre, le Sadhou résuma ainsi sa pensée : « Tâter le pouls, puis donner la pilule ! » Comme les prophètes trouvaient, au moment où ils prophétisaient, une source d'inspiration dans la musique, les aidant à révéler la vérité, nous éprouvons que sa beauté élève nos coeurs vers Dieu et pousse ceux qui sont capables d'en éprouver les effets, à l'adoration.

En remplissant, dans un esprit de sacrifice, tous nos devoirs envers les membres de notre famille, nous accomplissons la volonté de Dieu, aussi bien qu'en passant notre temps dans la prière, le jeûne ou les veilles. Sans esprit de sacrifice, il est impossible de servir Dieu. Comment discerner la volonté de Dieu ?- C'est parfois difficile, dit le Sadhou, mais par la prière nous apprenons à la connaître. Si, en prenant certaines décisions, notre paix intérieure augmente, alors nous savons que nous sommes dans sa volonté. La prière est l'entier abandon du coeur à l'être suprême. Avant que l'homme commence à prier, Dieu est à l'oeuvre. Dieu donne à la mère du lait pour alimenter son enfant, mais le liquide ne vient dans la bouche du nourrisson que si celui-ci le prend. Ainsi Dieu, notre mère spirituelle, a pour nous un lait qui ne nous sera accordé que si nous nous en emparons, c'est-à-dire si nous prions. Quand nous prenons ce lait spirituel, alors nous en connaissons la douceur, et comme l'enfant, nous devenons de jour en jour plus forts et pouvons triompher des tentations. Tout ce que j'ai trouvé, je l'ai reçu uniquement dans la prière.

Pour le Sadhou, le mystère et la grandeur de la vie chrétienne consistent en ceci : la vie du ciel commence sur la terre, lorsque nous vivons avec le Seigneur. Le christianisme n'est pas seulement une espérance à venir, mais une possession présente. Toutes les autres religions offrent une rédemption future ; le christianisme dit : « Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut. » Bien des chrétiens se réjouissent à la pensée d'entrer dans le ciel après leur mort et ne réalisent pas qu'il doit débuter ici-bas déjà. - Le ciel, c'est Christ lui-même en nous. Dans cette vie je suis déjà au ciel parce que je suis en Christ. Je n'aime pas à dire que j'ai été en prison, car j'étais en réalité au ciel ; mais, pour expliquer la chose, je suis obligé d'employer ce mot-là. Beaucoup d'infortunés chrétiens s'attendent à aller dans l'au-delà après leur mort, mais ils ne savent pas que le ciel doit commencer sur la terre. Quand notre âme entre en communion avec Dieu et que nous réalisons sa présence, nous découvrons que le ciel, c'est posséder la parfaite paix de l'âme.

Tout ce que nous aurons fait pour le Seigneur aura sa récompense.

La vie chrétienne a un double aspect : elle est en même temps une vie dans le ciel et une vie dans le monde. Celui qui voudrait ne vivre que dans le ciel courrait le danger de perdre ce qu'il a. Celui qui se donnerait entièrement au travail pour le monde risquerait d'oublier Dieu et verrait tous ses efforts humains être insuffisants pour gagner le ciel. Le chrétien doit vivre et travailler dans le monde et avoir son coeur attaché au ciel, où est sa demeure éternelle.

Parfois on trouve un arbre verdoyant et fertile dans un pays aride. Un soigneux examen révèle que ses racines plongent dans un courant d'eau souterraine et invisible. Lorsque nous voyons un homme rempli de joie, ayant, au milieu de la misère, du péché et de la souffrance de ce monde, une vie utile et bienfaisante, nous pouvons être certains que, par la prière, les racines de sa foi plongent jusqu'à la source des eaux vives et puisent à ce contact l'énergie et la puissance de porter des fruits pour la vie éternelle.

Il est très difficile d'expliquer par la parole les profondes expériences de la vie cachée, mais lorsque les mots sont impuissants, l'action peut agir. Un jour, tandis que je méditais et priais, j'éprouvai avec force la présence de Dieu et mon coeur déborda d'une joie céleste... je vis que sur cette terre de tristesse et de souffrance, il existe une source de joie intarissable, que le monde ne connaît pas. J'étais anxieux d'aller au village voisin pour partager mon bonheur avec d'autres. Mais à cause de ma grande faiblesse physique, un conflit s'éleva entre mon âme et ma chair. Finalement je triomphai et pus traîner péniblement mon corps souffrant et dire aux gens ce que la présence de Christ était pour moi. Ils savaient que j'étais malade et qu'une contrainte intérieure m'avait poussé à venir à eux. Malgré mon incapacité d'exprimer ce que je ressentais, cette profonde expérience leur fut transmise en action et put leur aider.

L'amour de Dieu est sans bornes : c'est un océan, et des fleuves sortent incessamment de lui. Et dans son amour infini, Dieu désire le bonheur des êtres qu'il a créés. Il aime tous les hommes, non seulement les bons et ceux qui se confient en lui, mais aussi les méchants qui jusqu'ici refusent de croire en lui.

Si nous avons reçu l'amour de Dieu et si nous y avons cru, nous ne pouvons nous taire. Nous devons sans délai l'apporter aux autres.

J'ai essayé d'aimer les autres, parce que ma religion me le disait ; mais je n'avais aucune puissance pour le faire. Le seul commandement ne pouvait créer en moi l'amour que je ne possédais pas. Mais lorsque Christ s'est révélé à moi, alors j'appris ce qu'était cet amour. je vis la différence entre l'hindouisme et le christianisme : l'un me laissait renfermé, dans mon égoïsme étroit, l'autre me donna le pouvoir de vivre pour mes frères et de les aimer.

Nous pourrions puiser, longtemps encore, dans les récits imagés et si proches de nous qu'a laissés le Sadhou- mais il faut nous borner.

VIE CONTEMPLATIVE VIE ACTIVE

L'amour de Christ nous presse... Il est mort pour tous afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour Celui qui est mort et ressuscité pour eux. Saint Paul.

La communion avec Dieu dans la retraite était le désir profond de Sundar, mais il se sentait de plus en plus contraint de quitter la solitude et de se mettre au service de ses frères au sein du monde bruyant. Il voyait la grande tâche que les chrétiens doivent accomplir durant leur brève vie terrestre. Lorsqu'il était repoussé et que la bonne nouvelle était rejetée, il regardait de son devoir de parler quand même à des oreilles fermées et à des coeurs durs, et il était prêt, s'il le fallait, à sceller son témoignage par la souffrance, la persécution, la prison, voire les tortures et même la mort.

- Quel privilège que d'être un témoin de Christ ! privilège que les anges n'ont pas, puisque n'ayant jamais péché, ils ne connaissent pas le salut et ne peuvent ainsi témoigner du pouvoir rédempteur de Christ. Seuls les pécheurs sauvés par grâce peuvent annoncer la bonne nouvelle. Oh ! quel amour Dieu nous a témoigné en refusant cet honneur aux anges et en nous l'accordant.

Pour le Sadhou, c'est sur la terre que commence la vie du ciel, lorsque nous vivons avec le Seigneur.- Le ciel ne consiste pas seulement en une promesse de félicité future, mais dans une possession présente. « Celui qui croit en moi, dit le Christ, a la vie éternelle. » Pour être un jour avec Christ dans l'au-delà, il faut avoir déjà vécu avec lui sur la terre.

« Le ciel sur la terre », cette réalité chère au Sadhou n'est pas une béatitude égoïste, mais doit s'exprimer dans un ardent amour pour les autres et dans un travail incessant pour les amener à Christ. Le Sadhou passait des jours et des nuits en communion avec Dieu, puisant là l'énergie de porter son témoignage dans le monde entier. Avant l'aurore il était aux pieds du Maître dans le silence de la prière, puis au long de la journée il proclamait l'Évangile à des foules, prenant soin des âmes qui venaient à lui dans leurs peines ou leurs perplexités. L'homme de prière qui ne se lassait pas de dire à ceux qui l'écoutaient : « Priez sans cesse », ne se lassait pas non plus de les appeler à se donner sans partage au service de leurs frères. Il unissait dans une parfaite harmonie la vie contemplative et la vie active. L'une ne va pas sans l'autre.- Nous avons deux poumons, disait-il, qui doivent fonctionner l'un et l'autre. La prière et le travail pour Dieu ne doivent pas se séparer dans notre vie quotidienne.

- Si Christ était resté dans la gloire du ciel, nous serions perdus. Si nous sommes égoïstes et que nous vivions confortablement, sans nous occuper des autres, nous n'avons pas compris son exemple. Beaucoup blâment ceux qui donnent santé, force, argent pour autrui, les appelant des fous. Pourtant ce sont eux qui sauvent des âmes.

Personne ne doit penser que ce qu'il a à donner est trop peu de chose, quelque infime que cela paraisse. Ce que Christ demande , c'est notre fidélité dans les plus petits détails et dans les moindres services.

- Pour être un témoin du Christ, il n'est pas nécessaire d'être un éloquent prédicateur. Celui-ci n'est pas toujours un témoin. Mais personne, qu'il soit homme ou femme, Jeune ou âgé, riche ou pauvre, ouvrier ou patron, maître ou élève, homme d'affaires ou pasteur, ne peut se dire vraiment chrétien s'il ne rend pas témoignage à Jésus. Il n'est pas besoin de prêcher du haut d'une chaire ou dans les rues, d'avoir une classe biblique, une école du dimanche ou une union chrétienne ; ce ne sont là que certaines formes. Mais, au bureau comme au magasin, dans la vie de famille comme en société, par une vie pure, un caractère intègre, la sincérité de la parole, l'enthousiasme de la foi, la richesse de l'amour, tous les chrétiens doivent être des témoins du Maître.

Donnez et il vous sera donné. L'union intime avec Dieu ne demande aucune qualité exceptionnelle et n'exige pas l'abandon de nos devoirs. Elle se développe dans le service d'amour, mais s'éteint en se refermant sur elle-même. Un mysticisme qui se confine dans une pure contemplation tue la vraie communion avec Dieu.- Nous jouirons éternellement du ciel, mais ici-bas nous ne disposons que de peu de temps pour servir. C'est pourquoi nous devons saisir cette unique occasion.

Par une série de paraboles le Sadhou illustre ce don de soi. - Les poissons, plongés dans les profondeurs de l'océan, perdent certaines de leurs facultés. Au Tibet, je vis un moine bouddhiste avant passé cinq ou six ans dans une cave. Auparavant, il avait de bons yeux, mais ils s'affaiblirent de plus en plus et l'ermite devint aveugle. L'autruche n'a plus le pouvoir de voler parce qu'elle ne s'est pas servie de ses ailes. Il en est ainsi pour nous. Si nous n'employons pas les grâces que nous avons reçues de Dieu pour sa gloire, nous risquons de les perdre pour toujours. - Pour bien des croyants, il semble facile de mourir en martyr par amour pour Christ, mais Christ a besoin de martyrs (martyr veut dire témoin) qui s'offrent journellement en vivant sacrifice pour les autres. - La souffrance, dit le Sadhou, est le chemin qui conduit à la communion avec Dieu. La Croix est comme la noix : l'écorce est amère, mais le fruit est excellent. Il est arrivé que, pendant un tremblement de terre, des sources fraîches aient jailli dans des terres desséchées et stériles, fertilisant soudainement un pays. Ainsi la souffrance peut susciter une source de vie dans un coeur humain encore éloigné de Dieu. Un jour, un homme remarqua un ver à soie luttant pour se dégager de son cocon. Il voulut l'aider à se libérer. L'insecte fit encore quelques efforts ; un instant après il était mort. L'homme ne l'avait pas secouru : il avait empêché sa croissance. Quelqu'un d'autre se trouva dans les mêmes circonstances, mais ne fit rien pour secourir le ver à soie, sachant que de cette lutte il sortirait plus fort et serait prêt pour sa nouvelle vie. Pour nous aussi, les souffrances et les détresses nous préparent pour la gloire éternelle.

A partir de sa vision céleste, Sundar eut un désir passionné de suivre Christ et de porter sa croix, jusqu'à mourir pour lui.- Parce que je suis heureux de partager les souffrances du Christ, je n'ai pas soif de voir son retour tandis que je suis en vie. je voudrais plutôt prendre le chemin qu'il a suivi, afin de comprendre quelque chose de ce qu'a signifié pour Jésus sa mort pour nous. - Dans le ciel et sur la terre, rien n'est comparable à la Croix. C'est par elle que Dieu a révélé son amour pour l'humanité. Sans elle nous l'aurions toujours ignoré. A cause de cela Dieu désire que tous ses enfants portent, à leur tour, ce lourd et doux fardeau. C'est le seul moyen par lequel notre amour pour Dieu et pour les hommes peut se manifester. « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive. »

La puissance divine qui s'est manifestée dans la vie du Sadhou, que ce soit à sa conversion, dans ses extases, dans ses souffrances comme témoin du Christ ou dans ses délivrances à l'heure des plus grands périls, à sa source dans sa vie de prière.- Par un homme de prière Dieu peut faire de grandes choses, aime-t-il à dire.- Le secret de sa vie et de celle de tous les hommes de Dieu- réside dans sa communion avec Christ. C'est de là que découlent son profond amour pour lui, son zèle pour son service, son acceptation de tous les sacrifices, sa paix et sa Joie dans les souffrances. Nous l'avons dit, chaque matin très tôt, Sundar passait plusieurs heures à étudier sa Bible avec prière. Il lui arrivait de consacrer une nuit entière, dans un endroit solitaire, pour s'entretenir avec Dieu. Il en revenait le visage empreint d'une sérénité visible à tous.

- Dieu ne peut nous donner ses plus grandes bénédictions spirituelles que dans la prière. Il y a de belles choses dans la nature : des oiseaux, des fleurs, mais pour trouver des perles, il faut descendre dans les abîmes de la mer. De même si nous désirons posséder des perles spirituelles, nous devons plonger dans les profondeurs secrètes de la contemplation et de la prière. -Les plus grands mystères de la foi chrétienne, comme l'incarnation de Jésus-Christ, sa divinité, sa mort sur la Croix, sa résurrection, son ascension dans la gloire, sa présence actuelle dans le coeur des croyants, ne peuvent nous être enseignés par le travail intellectuel ou l'étude théologique des Écritures, mais sont révélés par l'Esprit à celui qui s'attend à Dieu dans la méditation. - Nous découvrons beaucoup de choses sur Jésus dans la Bible, mais pour apprendre à le connaître, lui, il faut consacrer du temps à la prière. Si vous vous retirez dans la solitude avec Dieu, là, vous entendrez la voix de Celui qui seul peut vous aider. Si vous lisez sa Parole et priez, ne fût-ce qu'une demi-heure par jour, il se révélera à vous ; vous le rencontrerez personnellement et il vous donnera force, paix, joie. Les hommes de prière parlent à Dieu comme un homme parle à son ami.

Pour souligner cette absolue nécessité, le Sadhou se sert du symbole de la respiration.- Dans la prière l'âme s'ouvre au Saint-Esprit ; alors Dieu projette en elle un souffle, et elle devient une âme vivante. Celui qui cesse de respirer dans la prière est mort spirituellement. - Un ami me disait : « Pourquoi prier ? C'est inutile, nous ne recevons rien, c'est sans espoir ! » Quant à moi, j'ai bien souvent prié silencieusement, lorsque je me sentais faible physiquement ou spirituellement, et, subitement, une puissance pénétrait dans tout mon être. Aucun changement extérieur ne s'était produit, mais en quelques secondes une vie débordante remplissait mon âme. Mais pour le Sadhou la vraie prière n'est pas la demande de tout ce que nous pouvons désirer ; ce n'est pas non plus un pénible effort pour obtenir une aide dans nos divers besoins. Elle consiste, avant tout, à rechercher Dieu lui-même. C'est la suprême bénédiction.

Si le Sadhou regarde l'union avec Dieu comme but premier, il attache cependant une réelle valeur aux prières naïves et enfantines demandant les bénédictions terrestres. Il considère ce stage comme une préparation. L'âme vient avec tous ses désirs à Dieu ; et, dans sa présence, graduellement elle change et s'abandonne à la volonté divine. Dieu refuse parfois de répondre aux requêtes limitées de ses enfants, afin qu'ils apprennent à rechercher les choses les meilleures. - Pendant deux ou trois ans, après ma conversion, dit le Sadhou, j'avais coutume de solliciter des grâces particulières. Maintenant c'est Dieu lui-même que je réclame. - Supposons qu'il y ait un arbre chargé de fruits. Si vous désirez ceux-ci, vous êtes obligé de les acheter à leur propriétaire, ou de le prier de vous en faire don. Chaque jour vous allez lui en demander un ou deux. Mais s'il vous est possible d'acquérir l'arbre, tous les fruits vous appartiendront. De même si vous avez Dieu, les biens du ciel et de la terre seront vôtres. C'est pourquoi il faut rechercher non les biens, mais leur dispensateur lui-même. Si vous possédez la source de la vie, vous possédez toutes choses.

Mais le Sadhou rejette avec énergie l'idée que par la prière nous pouvons changer les plans de Dieu. Elle n'est pas un moyen pour gagner Dieu à notre cause, mais elle nous enseigne à connaître sa volonté. Il est possible qu'elle soit contraire à la nôtre et comporte pour nous des souffrances, des besoins matériels, ou la maladie. Mais notre consolation est de dire toujours : « Ta volonté soit faite. » Pour les chrétiens, c'est là la première prière. Celui qui a conformé sa vie à la volonté de Dieu, a trouvé la plénitude de la paix et de la joie. Quelles que soient les vues de Dieu, il travaille à notre meilleur bien. « Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu. » Quand nous avons réalisé cela, murmures et craintes disparaissent comme par magie. Le Sadhou insiste sur la nécessité de demeurer paisible dans l'attente de Dieu.- Pour trouver Dieu nous devons faire silence. Dans l'agitation et la fièvre de la vie il se tait. Pour recevoir les grandes bénédictions du Saint-Esprit, une préparation est nécessaire. Les apôtres attendirent dix jours le baptême de la Pentecôte. Le reproche que fait le Sadhou aux chrétiens d'être trop absorbés par leur travail et de négliger la prière, revient constamment. Quelqu'un lui demanda :- Que dites-vous de l'homme d'affaires si pressé, qu'il est déjà obligé d'expédier en hâte son déjeuner pour courir à son bureau ?- je pense que la prière est pour lui aussi importante que le déjeuner ! répondit Sundar. Une fois qu'il aura pris l'habitude de prier, il en aura tant de joie qu'il prendra le temps nécessaire.

Il faut savoir supprimer bien des choses secondaires pour trouver le temps de prier. L'heure approche où tous nous devrons mourir. Elle n'attendra pas que nous ayons fini notre travail. Ne vaut-il pas mieux faire en sorte d'entrer dès maintenant dans l'intimité de Celui qui seul pourra nous aider au moment de la mort et nous introduire dans la vie éternelle ? Un mendiant allait régulièrement chez un homme pieux. Il recevait la nourriture qu'il réclamait et s'en retournait content. Un jour le repas n'étant pas encore prêt, l'homme de Dieu pria l'indigent d'attendre quelques instants. Ils se mirent à causer, et le mendiant comprit et accepta le message dont il lui était fait part. En une demi-heure sa vie fut transformée. Il demanda au saint homme pourquoi il ne lui avait pas annoncé plus tôt cette bonne nouvelle.- Autrefois tu ne venais que pour mendier et tu t'en retournais aussitôt ; cette fois tu es resté près de moi et j'ai pu t'enseigner. Commentant ce texte : « Vous n'avez pu veiller une heure avec moi ! Veillez et priez afin que vous ne tombiez point en tentation », Sundar dit :- Pourquoi le Seigneur a-t-il adressé cet avertissement à Pierre ? Parce que si Pierre avait passé cet instant en prière, il n'aurait pas renié son maître quelques heures plus tard.

Le Sadhou insiste aussi sur les miracles qui peuvent être accomplis par la prière, comme si Dieu voulait nous associer à la réalisation de ses desseins d'amour et qu'il ait besoin de notre intercession pour les exécuter. Ce qui est impossible aux hommes devient possible par la prière ; les serviteurs de Dieu voient se produire des miracles que les sages de ce monde déclarent contraires aux lois naturelles. Le plus grand des miracles, le Sadhou l'a dit maintes fois, c'est la paix profonde que Dieu donne à l'âme en détresse. Quant à la prière d'intercession, le Sadhou y attache une grande importance.- J'ai deux ou trois cents filleuls. je possède la liste de leurs roms, et quand je suis dans les solitudes de l'Himalaya, j'intercède pour chacun d'eux. J'ai prié huit ans pour une personne avant qu'elle ne se donne à Dieu. Le Sadhou désirait aussi pour lui les prières de ses amis. Ainsi à Londres, il prit soin de les informer d'une. importante réunion qu'il devait tenir, afin qu'ils pussent intercéder en sa faveur. - Nous pouvons faire souvent plus de bien par la prière que par la parole. Une influence cachée se dégage de l'intercesseur et pénètre l'atmosphère spirituelle, tel un message de la T. S. F. qui, transmis par d'invisibles ondes, atteint, par de mystérieuses communications, la conscience de ceux pour lesquels nous prions.

« La prière du juste a une grande efficace. »

- je vous en supplie, prenez le temps de prier ; alors le Christ pourra faire de grandes choses pour vous et par vous, et vous ne serez pas confus et éloignés au jour de son avènement. « Le Sadhou nous a enseigné à prier, dira un chrétien de ses amis. Nos prières sont bien différentes de ce qu'elles étaient auparavant ! » Dans l'histoire de la prière, Sundar Singh tient une place toute spéciale, non seulement par l'énergie avec laquelle il affirme son importance dans l'expérience chrétienne, mais aussi par la lucidité et la profondeur de ses conceptions sur ce sujet central.

- ÉGLISE ET THÉOLOGIE - DERNIÈRES ANNÉES - ULTIME MYSTÈRE

Christ est ma vie, et la mort m'est un gain. Saint Paul.

L'Église à laquelle était attaché le coeur du Sadhou n'était point une institution visible.- J'appartiens au corps de Christ, disait-il, qui est la véritable Église formée de tous les chrétiens sauvés par Jésus-Christ, ceux qui vivent ici-bas et ceux qui, entrés dans le monde de la lumière, font partie de l'Église triomphante. Par le baptême, Sundar était membre de l'Église anglicane des Indes, et a toujours exprimé son respect pour les hommes qui en portaient les responsabilités. Il reconnaissait son autorité en envoyant aux missionnaires, pour les faire baptiser, ceux qui se convertissaient par son moyen. Bien qu'il fût lui-même indépendant de toute autorité extérieure établie dans l'Église, il en reconnaissait, pour la majorité des hommes, la valeur pédagogique. Obéissant au commandement du Christ, il participait, lorsqu'il en avait l'occasion, au sacrement de la sainte Cène, et cela dans toutes les églises chrétiennes, à l'exception de l'Église catholique romaine. Il en éprouvait bénédiction et puissance, mais ne croyait pas à la présence réelle du Christ dans le sacrement, selon la doctrine catholique ou luthérienne.- Je ne crois pas que le pain et le vin deviennent réellement le corps et le sang de Christ ; mais leur effet sur le croyant est aussi puissant que s'il en était ainsi. Il n'y a rien de spécial dans le pain et le vin : l'eucharistie, comme moyen de grâce, dépend de notre foi.

Le Sadhou vivait dans la pensée de l'unité chrétienne, mais d'une unité essentiellement intérieure et fondée en Christ. Il ne croyait pas à une fédération extérieure des différentes Églises, ni à l'union des catholiques et des protestants.- Quand vous mélangez deux couleurs, vous en obtenez une troisième ; de même ici vous verriez surgir de nouvelles sectes. Seulement ceux qui sont unis en Christ seront « un » dans le ciel.

La faute n'en est pas au Sadhou, mais bien aux dénominations chrétiennes, s'il n'a pu saisir la pleine signification de l'Église. Sans aucun doute, sa position ecclésiastique a été voulue de Dieu. Ainsi que l'écrit le professeur Heiler, le fait que Sundar Singh, cet apôtre au coeur large, humble, aimant, n'a pu se rattacher sans réserve à une Église chrétienne, montre plus clairement que quoi que ce soit, combien grand est le besoin du christianisme actuel. Ce qui est réconfortant, c'est qu'un disciple du Christ, comme le Sadhou, ait pu parler librement dans n'importe quelle église et que son message ait été bien accueilli de tous. Parce qu'il n'appartenait à aucune association chrétienne, il n'y avait point pour lui de barrières ecclésiastiques.- Dans toutes les communautés où Christ est aimé, je me sens au milieu de mes frères. En Christ tous les chrétiens sont un et parlent la même langue. Il n'y à qu'un seul Dieu : alors pourquoi tant d'Églises et tant de divisions ?

Le Sadhou n'a jamais cherché à susciter un mouvement de ceux qui ont été amenés à la foi par sa prédication. Quatre cents jeunes gens lui ont demandé de devenir ses disciples, il ne l'a point voulu je suis un disciple moi-même, Comment pourrai-je faire des autres mes disciples ? Il disait à ceux qui désiraient le suivre :- Avant de vous lancer dans cette carrière qui ressemble au vaste océan agité par les vagues, apprenez à nager dans votre étang. Il y a autour de vous une quantité d'âmes qui périssent ; commencez par sauver celles-là - Si je n'aime pas les organisations, j'aime l'ordre. Dieu est un Dieu d'ordre. Il y a une grande différence entre l'ordre et l'organisation qui n'est souvent qu'un mécanisme rigide. - Vous faites un programme pour Dieu afin de lui montrer comment il doit conduire les affaires du monde et de l'Église ! je n'appartiens à aucune société missionnaire, et ne dépends d'aucun comité. Il se peut que les gens me trouvent peu pratique ; mais partout où j'ai été, Dieu m'a accordé des bénédictions, et cela sans nulle organisation. J'ai vu de magnifiques résultats, de nombreuses conversions, faites non par moi, mais par le Saint-Esprit. C'est Dieu qui convertit les âmes. Des milliers voudraient que je les baptise, mais je n'ai pas été appelé à cela, ni à créer un groupement : C'est à d'autres à le faire, car il y a des organisations qui sont inspirées par Dieu. Pour moi, mon travail est de prêcher l'Évangile et de rendre mon témoignage.

Il avait cependant formé une petite assemblée de chrétiens tibétains. Ceux-ci étaient pour lui le sujet d'une grande reconnaissance, car bien que très isolés et sans personne pour les guider, ils demeuraient fidèles. Sundar espérait que l'un d'eux pourrait venir aux Indes et y être instruit afin d'enseigner ensuite son propre peuple. - Avec Sundar Singh commence une nouvelle école de mission aux Indes, dit le Dr Five, missionnaire presbytérien. Le Sadhou a exercé sur les chrétiens et les non chrétiens, sur jeunes et vieux, une influence qui n'a jamais été dépassée. Il occupe une place unique dans le nord de l'Inde. Il n'y a qu'un Sundar Singh. Dans toute l'histoire des missions, peu d'hommes ont eu une aussi grande sphère d'activité. Sa prédication a atteint aussi bien les chrétiens d'Occident que les hindous et les bouddhistes. Sa personnalité et son message ont révélé les erreurs et la superficialité si évidente de la chrétienté. Il a rappelé le fait central du christianisme : un appel à la conscience à revenir au Christ lui-même, « la seule chose nécessaire ».

Le christianisme de l'Occident s'est constamment égaré dans les choses extérieures, les formules dogmatiques, les organisations ecclésiastiques, l'importance exagérée donnée à la culture intellectuelle. Mais l'époque actuelle n'est pas riche en saints. Il y a des théologiens capables et instruits, des hommes d'église avisés, des réformateurs sociaux, mais il y a très peu d'hommes de Dieu pour lesquels Christ est tout et qui puissent montrer aux chrétiens le chemin de la communion avec Dieu. - Les gens en Europe, dit le Sadhou, sont si savants en science et en philosophie, mais si ignorants des réalités divines, qu'ils sont anxieux d'explorer toutes les régions de la connaissance, sauf celle qui concerne leur condition spirituelle. Ils sont avides de savoir quand il y aura une éclipse de soleil ou de lune, ou ce qui en est des taches du soleil ; ils essaient de sonder la profondeur des nuages, mais ne s'inquiètent guère des nuages du péché dans leur vie.

Bien des théologiens ont abandonné une vie de prière et de méditation et cherchent à couvrir la nudité de leur christianisme par les feuilles de figuier de leur science théologique. Si le Sadhou a été si sévère à l'égard de la théologie, c'est qu'il est venu en Europe dans les années où la négation de la divinité de Jésus-Christ et la critique biblique étaient très répandues. Depuis lors, nous assistons à une évolution de l'enseignement théologique qui devient plus positif et plus biblique. Le Sadhou avait du reste prédit le déclin de cette grave erreur.- C'est comme une épidémie d'influenza qui passera, dit-il, mais non sans avoir fait beaucoup de victimes. Aux professeurs de théologie, il donne le conseil d'abandonner pendant quinze jours leurs travaux et d'aller, avec leurs étudiants, évangéliser les contrées environnantes.

- Aux Indes, un jour que je causais avec un ami, chimiste distingué, il prit un bol de lait et en fit l'analyse, indiquant les quantités d'eau, de sucre et d'autres matières contenues dans le liquide. je lui dis : Un enfant est incapable d'analyser le lait, mais son expérience lui enseigne qu'il est bon et qu'il fortifie. Il ne saurait expliquer comment, mais il le sait. L'enfant est plus sage que le chimiste. Il en est ainsi des gens qui analysent perpétuellement leur lait et ne le boivent jamais... De nos jours nombreux sont ceux qui savent qui est Jésus-Christ, parlent de lui, et en ont une connaissance intellectuelle ; mais il en est peu pouvant dire : « je sais en qui j'ai cru ; je le connais, car il habite en moi. » Un candidat en théologie d'Oxford, profondément impressionné par les discours du Sadhou, trouva inutile d'acquérir la connaissance intellectuelle. « Dès que j'aurai passé mon premier examen, dit-il, je partirai comme missionnaire, sans étudier la théologie. »- Sundar, mis au courant de cet incident, répondit :- Ce n'est pas là ce que j'ai voulu dire : les ecclésiastiques doivent étudier, mais le savoir sans la vie est comme un ossement desséché. Je ne suis pas en principe opposé à la science, mais proteste avec force contre la tendance actuelle qui en exagère la valeur. Le langage de la Bible est spirituel ; pour le comprendre, maître et élève doivent être enseignés par le Saint-Esprit.

- Certains prédicateurs ont été établis par l'Église et non par le Saint-Esprit. Seuls ces derniers gagnent des âmes. Il ne suffit pas d'être membre d'une Église, il faut être un membre de Christ. John Wesley et le général Booth, en opposition avec l'Église, suivirent les ordres de Dieu et il se trouva qu'ils eurent raison. Le Sadhou, a déclaré un pasteur suisse, a bien diagnostiqué notre maladie : « Vous êtes dans une trop grande hâte, vous n'avez pas le temps de prier et de vivre. » A un autre pasteur, qui lui demandait ce qu'il fallait pour que son travail fût efficace, Sundar répondit simplement: « Plus de prière. »- Dans ce domaine, dit l'évêque Soederblom, le Sadhou a pour nous un message qui vient, non des Indes, mais de l'Évangile : « L'activité de plus en plus grande des chrétiens d'Europe ne peut compenser la faiblesse de la vie intérieure. » - Le Sadhou est plus digne que nous tous qui avons étudié la théologie, dit encore un pasteur. Nous pécherions contre la vérité si nous refusions de l'admettre. Quand un théologien commence à approfondir une vie si richement douée de la grâce de Dieu, sa conscience est étrangement bouleversée.

Un autre ecclésiastique suisse parle ainsi de sa rencontre avec le Sadhou :- Quand je le vis devant moi et l'entendis parler de sa vie spirituelle- tandis que j'étais entouré de savants théologiens- la question se posa à mon esprit : Quel but visons-nous par nos études ? Pourquoi devons-nous apprendre tant de choses de moindre importance quand nous ne donnons pas dans nos vies la place primordiale à la chose essentielle ? Des hommes, comme cet Hindou, peuvent mouvoir des nations, mais nous, qu'avons-nous fait ? Il est impossible de ne point être frappé de la similitude de l'expérience chrétienne du Sadhou et de celle de saint Paul. Converti par une vision étonnamment semblable à celle du chemin de Damas, le Sadhou, comme le grand apôtre, après avoir haï le Christ et persécuté ses disciples, devint son plus fidèle serviteur. L'un et l'autre ont reçu l'Évangile, non de la bouche des hommes, mais par une révélation directe du Sauveur, et sont devenus ses puissants témoins. Les paroles de Jésus à Paul : « Cet homme est un instrument que j'ai choisi pour porter mon nom jusqu'aux extrémités de la terre, et je lui montrerai tout ce qu'il doit souffrir pour mon nom », peuvent également s'adresser au Sadhou.

A son tour, Sundar pouvait parler de ses souffrances dans les termes mêmes de Paul : « ... souvent en danger de mort... fréquemment en voyage, j'ai été en péril sur les fleuves, en péril de la part des brigands, en péril de la part de ceux de ma nation... en péril dans les villes, en péril dans les déserts. J'ai été dans le travail et dans la peine, exposé à la faim et à la soif, à des jeûnes multipliés. » Comme Paul, le Sadhou a renoncé à tout et a regardé toutes choses comme une perte à cause de l'excellence de la connaissance de Jésus-Christ, son Seigneur. Comme lui, il a reçu cette paix qui surpasse toute intelligence. A son tour il avait « l'assurance que ni la mort, ni la vie, ni les choses présentes, ni les choses à venir... ni aucune autre créature ne pourra le séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ ». Comme saint Paul, le Sadhou fut ravi en extase et enlevé dans le paradis « où il entendit des paroles ineffables qu'il n'est pas possible d'exprimer ». Avec lui il pouvait dire en toute vérité : « J'ai été crucifié avec Christ, et si je vis, ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi. »

En avançant dans la vie, la communion de Sundar avec son Sauveur devenait de plus en plus intime. L'Évangile de Jean, et plus spécialement les derniers discours de Jésus et la prière sacerdotale, avaient une profonde résonance dans son âme. « Moi en eux et toi en moi, afin qu'ils soient parfaitement un. » C'était une fusion de tout son être avec Christ. Il avoua un jour a un chrétien, en Suisse, qu'il trouvait difficile de chanter le cantique bien connu : « Plus près de toi, mon Dieu », parce que cela semblait dire que Christ était en dehors et comme séparé de lui, tandis qu'en vérité il était « en lui », dans l'homme intérieur : plus deux, mais un. Le Sadhou avait reçu de Jésus-Christ, au profond de sa vie intérieure, cette source d'eau vive qui jaillit jusque dans la vie éternelle. En toutes choses il fut conduit par l'Esprit de Dieu. Sa vie fut une vie d'obéissance. C'est par obéissance qu'il partit pour le Tibet et affronta des difficultés et des dangers, en face desquels les plus braves eussent reculé. Celui-là seul, dont la vie se passait dans le monde surnaturel de la prière, inspiré par un amour pour Dieu plus fort que tout amour terrestre, pouvait envisager les terribles épreuves qui l'attendaient. Il ne prenait pas, comme n'importe quel voyageur l'aurait fait, toutes les précautions possibles, pour se préparer à affronter les risques d'une telle entreprise. Il partait seul, comme un Sadhou, se confiant uniquement à la grâce de Dieu, sachant qu'il était dans la ligne de sa volonté. C'est aussi par obéissance, afin de rendre témoignage à Jésus-Christ, qu'il quitta les Indes pour entreprendre ses longs voyages dans le monde entier. Et dans sa vie quotidienne, sa soumission était immédiate aux moindres indications du Saint-Esprit.

Ainsi, un soir, tandis qu'il était en prière, il entendit comme un appel venir de la vallée : certainement quelqu'un désirait son aide. On le supplia d'attendre le lever du jour et ne pas s'exposer de nuit aux dangers de la forêt. Mais le Sadhou insista pour partir au moment même. Il revint après quelques jours d'absence, ayant accompli sa mission. Une personne gravement malade avait eu, en effet, un urgent besoin de son assistance. L'appel soudain de l'Esprit pendant une nuit de prière silencieuse, et l'immédiate réponse de Sundar, sans souci au danger, est un trait caractéristique de son ministère. La santé du Sadhou s'était altérée. Les souffrances endurées au Tibet, le dur labeur, les longs et fatigants voyages avaient miné sa forte constitution. Il souffrait d'une faiblesse des poumons et de la gorge, de troubles du coeur et de maux gastriques. Dans l'été 1925 il fit avec un ami une expédition missionnaire dans les villages au nord de Sabathou. Subitement se déclara un mal à un oeil, qui se développa bientôt en un ulcère qui le fit beaucoup souffrir et causa la perte de cet oeil. Dès lors il renonça aux grandes réunions, refusant cinq à six cents invitations en une seule année. Il consacra son temps à la vaste correspondance lui arrivant du monde entier et à ses écrits. Il pensait atteindre par la publication de ses livres, un plus grand nombre de personnes.- Du reste, disait-il, les gens me connaissent et peuvent venir me voir toutes les fois qu'ils le désirent.

Une ombre de tristesse, occasionnée sans doute par des souffrances, passait parfois sur son visage.- Cette faiblesse physique, c'est mon écharde dans la chair pour me garder dans l'humilité.- Pourtant il n'y avait point d'orgueil en lui et il s'étonnait que Dieu l'eût choisi pour accomplir un travail mondial.- Si les gens connaissaient ma faiblesse, ils n'auraient pas tant d'admiration pour moi. J'ai besoin de vos prières, disait-il à ses amis. Il avait le pressentiment qu'il ne vivrait pas longtemps, et désirait mourir pour être avec Christ, « ce qui de beaucoup est le meilleur ». Christ remplissait sa vie et était au centre de toutes ses pensées. « Pour moi, vivre c'est Christ. »- je n'ai jamais vu quelqu'un, dira un ami, pour qui cette parole était à ce point littéralement et absolument vraie. La demeure de Christ en lui n'était pas une conception intellectuelle, mais une profonde réalité. Il s'absorbait durant des heures dans le monde spirituel et en ressortait renouvelé. Sa joie en Christ restait inaltérable et dominait ses peines.- Ce n'était pas, disait-il, seulement la joie dans la souffrance, mais la souffrance elle-même était transformée en joie.- En 1924, il tint encore quelques réunions bibliques. Elles furent presque toujours suivies de faiblesses de coeur qui le laissaient inconscient pendant plusieurs heures.

Malgré son état si précaire, il voulut, en avril 1927, partir encore une fois pour le Tibet. Il fit à pied la longue route suivie par les pèlerins jusqu'à la place sacrée de Babrinath. Avant d'atteindre le but de son voyage, il eut une violente hémorragie. Le compagnon tibétain qui l'accompagnait le conduisit jusqu'à une station où il prit le chemin de fer qui le ramena à Sabathou. Lentement il recouvra ses forces et, en 1928, prit une part active à une convention chrétienne. En automne, ceux qui le rencontrèrent à Kotgarh furent alarmés de sa faiblesse croissante. Constamment il devait s'arrêter dans ses promenades pour reprendre son souffle. Sa respiration lui faisait mal et l'effort d'une montée lui donnait des palpitations. Malgré cela, il envisageait pour le printemps, une nouvelle expédition au Tibet. Ce voyage dans les hautes montagnes, avec ses passages difficiles et périlleux, ne pouvait être entrepris que par un montagnard vigoureux. Ses amis firent tout pour le dissuader, car c'était clairement- dans l'état de faiblesse où il se trouvait- risquer sa vie. Mais aucun pouvoir sur la terre n'était capable de convaincre le Sadhou d'abandonner la tâche à laquelle il se sentait divinement appelé. Son intention était de partir avec le Tibétain qui l'avait accompagné précédemment et de suivre la même route des pèlerins jusqu'à une bifurcation plus à l'est. Elle devait le conduire au Niti Pass à plus de 5000 mètres d'altitude, avant qu'il pût atteindre l'intérieur du Tibet. Sundar voulait visiter une famille chrétienne qui vivait, très isolée, près du lac de Manasorawa.

Il avait promis à ses amis, et tout spécialement à Mrs Parker, qu'il considérait comme une mère spirituelle, d'envoyer un message dès qu'il le pourrait et de les prévenir en cas de maladie. Il pensait rentrer par le même chemin en automne, si Dieu le permettait. Un ami, M. Watson, fut chargé de recevoir sa correspondance et de répondre aux lettres urgentes. Il laissa ses instructions à ses deux exécuteurs testamentaires, au cas où il ne reviendrait pas. Il léguait tout ce qu'il possédait pour le travail missionnaire au Tibet et pour encourager l'éducation chrétienne des jeunes enfants. Envisageant la mort en face, il envoya à ses amis, avant son départ, le passage des Actes 20. 22, 25 où Paul fait ses adieux aux anciens d'Ephèse : « Lié par l'Esprit, je ne fais pour moi aucun cas de ma vie, comme si elle m'était précieuse...Et maintenant voici, je sais que vous ne verrez plus mon visage, vous tous au milieu desquels j'ai passé en prêchant le royaume de Dieu. »

Sundar partit de Sabathou le 18 avril 1929, après avoir pris congé de chacun. Et dès lors plus aucune nouvelle ; le silence est absolu. Des mois s'écoulent ; ses amis sont inquiets. Deux d'entre eux organisent une caravane, partent à sa recherche, et font un périlleux voyage jusqu'au Tibet. Nulle trace du Sadhou ne fut retrouvée ; personne ne l'avait vu ; personne n'avait entendu parler de lui. Le gouvernement entreprit à son tour des démarches officielles, examinant les registres des pèlerins aux différentes haltes. Toutes les recherches furent vaines et durent être abandonnées. En 1933, une courte notice parue dans le « Times », et reproduite par de nombreux journaux, disait que, n'ayant aucune nouvelle du Sadhou Sundar Singh depuis son départ pour le Tibet en 1929, le gouvernement des Indes le considérait comme mort. Pour beaucoup de ses amis, cependant, la question restait ouverte. Deux éventualités étaient également défendables. Les uns croyaient fermement que Sundar s'était retiré dans quelque retraite de l'Himalaya pour y mener, loin du monde, une vie de prière. D'autres qui le connaissaient mieux, pensaient qu'il était bien mort. N'avait-il pas promis de donner signe de vie ? Ils étaient certains qu'il aurait tenu parole. Et quatre années s'étaient écoulées. Ils se souvenaient aussi de ce que Sundar avait toujours dit : « Dieu ne nous a pas créés pour vivre solitaires, mais pour vivre parmi les hommes afin de les aider. Si nous sommes en Christ, nous ne pouvons faire autrement que de servir nos frères. »

Il est facile de se représenter que Sundar peut avoir succombé le long de la route des pèlerins, où sévissait alors une violente épidémie de choléra. Son corps aurait-il été jeté dans la rivière avec tant d'autres, sans être identifié par personne ? Aurait-il disparu dans les grandes solitudes de l'Himalaya, loin de toute habitation humaine ? Avec sa mauvaise vue, sa frêle santé, un accident pouvait facilement lui arriver sur ces pentes glacées, et sur ces sentiers étroits longeant des précipices. Il pouvait être tombé dans un gouffre sans laisser de traces. Toujours il avait espéré mourir en martyr. Il semble cependant peu probable qu'il ait pu atteindre le Tibet et périr de la main des hommes. Toutes ces questions restent sans réponse, et nous ne pouvons que nous incliner devant ce mystère que Dieu a voulu laisser subsister. Et Sundar ne nous avait-il pas dit lui-même : « Ne pensez pas : il est mort, mais dites : il est entré dans le ciel et dans la gloire éternelle, il est avec Christ dans la vie parfaite. » Mais que le Sadhou soit parti de mort violente, ou qu'il ait été enlevé sans souffrances, la parole prononcée jadis par la Genèse sur Hénoc s'impose à notre esprit : « Il marcha avec Dieu ; puis il ne fut plus, parce que Dieu le prit. »

Sundar Singh n'est plus. Mais son exemple et son message demeurent.

Ne serons-nous pas attentifs à la voix de ce témoin du Christ ?

PRIÈRE DU SADHOU SUNDAR SINGH

O Seigneur Dieu, tu es mon tout, vie de ma vie, Esprit de mon esprit.

Use de miséricorde envers moi et remplis moi de ton Saint-Esprit d'amour,

afin qu'il n'y ait plus de place en mon coeur pour quoi que ce soit d'autre.

Ce ne sont pas tes grâces que je réclame, mais toi-même;

tu es la source de toute bénédiction.

Je ne demande pas la gloire du monde, ni même le ciel;

mais j'ai besoin de toi, car là ou tu es, là est le ciel.

En toi seul mon coeur trouve satisfaction et plénitude.

Tes multiples bontés font déborder mon coeur de gratitude et de louange.

Mais la louange de mes lèvres ne suffit pas,

tant que je ne pourrai te prouver par mes actes,

que ma vie est entièrement à ton service.

Louange à toi de ce que tu m'as fait passer de la mort à la vie,

tout indigne que j'étais, et m'as fait jouir de ta communion et de ton amour.

Ote de mon coeur tout ce qui pourrait s'opposer à toi, habite et règne en moi.

Maître, être assis à tes pieds est infiniment meilleur que d'être assis

sur le trône le plus élevé de la terre,

car cela signifie habiter toujours avec toi, dans ton royaume éternel!

Et maintenant, je m'offre à toi comme un vivant sacrifice.

Accepte-moi dans ta miséricorde et emploie-moi à ton service,

là où tu veux et comme tu veux, car tu es à moi et je suis à toi.

Tu pris cette poignée de poussière, tu me créas à ton image

et m'accordas le droit de devenir ton fils.

Honneur, louange et gloire te soient donnés d'éternité en éternité !

Amen

- suite

 

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