1. Ce psaume se rattache encore au précédent. Comme la
reconstruction du temple était interrompue, et que les travaux ne se terminaient
point, le psalmiste ranime les espérances des Juifs et prévient leur
découragement. Il veut que le passé soit pour eux le garant de l'avenir, et il
leur met ces paroles à la bouche. Quelle est leur signification ? Les ennemis
des Juifs les ont souvent attaqués, mais ils n'ont jamais pu les anéantir, ni
remporter sur eux une victoire complète. Et cependant ils les ont emmenés
captifs, ils les ont transportés dans une terre étrangère, et ont été leurs
vainqueurs dans bien des combats. Il est vrai, mais ce n'est point à leurs
propres forces, mais aux crimes des Juifs qu'ils étaient redevables de la
victoire. D'ailleurs, ils n'eurent pas constamment le dessus; jamais ils ne
purent anéantir la race des Juifs, ni détruire sans retour leur cité, ni perdre
entièrement leur nation; mais à des victoires momentanées que Dieu leur
accordait sur son peuple succédaient d'éclatantes défaites. Et comment les Juifs
en devenaient-ils victorieux ? Par le retour à leur ancienne prospérité. C'est
ce qu'un autre interprète traduit de la sorte : "Mais ils n'ont pu l'emporter
sur moi," "Les pécheurs ont fait passer sur mon dos le soc de la charrue, ils y
ont prolongé leurs iniquités." (Ibid., 3). Que signifient ces paroles ? Ce n'est
pas comme au hasard qu'ils m'ont tendu des pièges, mais ils ne cessaient de
former contre moi des complots combinés avec adresse, d'ourdir leurs trames
artificieuses et de m'attaquer en secret. Ces paroles : "Sur mon dos," sont
l'expression figurée ou de la dissimulation et de la perfidie, ou d'une violence
qui ne connaît point de bornes. C'est-à-dire, ils ont essayé de briser ma
puissance. Une autre version, au lieu de : "Ils travaillaient," porte : "Ils ont
labouré," pour montrer le soin extraordinaire qu'ils mettaient à tendre des
pièges au juste. "Ils ont prolongé leur iniquité. " Que veut dire ici le
psalmiste ? A la violence inouïe de l'attaque, ils ont joint une grande
persévérance. Ils ont employé un temps considérable, ils ont fait de ces
embûches leur oeuvre capitale, et s'en sont occupés avec une constance
opiniâtre. Mais tous ces efforts ne leur ont servi de rien, grâce non pas à mes
propres forces, mais à la Puissance de Dieu. Aussi, le psalmiste se hâte-t-il de
montrer celui qui élève le trophée et qui est l'auteur de la victoire. "Le
Seigneur qui est juste, tranche la tête des pécheurs." (Ibid., 4). Une autre
version, au lieu de : "La tête," porte : "Les cordes," c'est-à-dire, les ruses,
les artifices, les perfidies. Remarquez qu'il ne dit pas : "Il a brisé, " mais :
"Il a tranché," c'est-à-dire, son opération a été décisive, il a réduit à néant
leurs complots. En effet, lorsqu'ils commencèrent à rebâtir la ville, ils furent
assaillis par une foule d'ennemis qui voyaient leur entreprise d'un oeil
profondément jaloux, et qui renouvelèrent leurs attaques non pas une ou deux
fois, mais à plusieurs reprises différentes. L'Église a été soumise aux mêmes
épreuves, elle ne faisait que de naître, et déjà elle se voyait de tous côtés
l'objet d'attaques incessantes. D'abord, ce fut de la part des rois, des peuples
et des tyrans, puis vinrent les attaques. insidieuses des hérétiques sous
diverses formes. En un mot, de toutes parts on lui déclarait la guerre la plus
violente et la plus acharnée. Mais tous ces efforts furent inutiles, ses ennemis
furent honteusement défaits, et l'Église reste toujours florissante.
"Qu'ils rougissent, qu'ils retournent en arrière, tous ceux qui
haïssent Sion." (Ibid., 5). Une autre version porte : "Qu'ils soient renversés
en arrière." "Qu'ils deviennent comme l'herbe des toits qui se dessèche avant
qu'on la recueille." (Ibid., 6). "Qui jamais ne remplit la main du moissonneur."
Suivant une autre version : "La paume de la main." "Ni les bras de celui qui
recueille les gerbes. (Ibid., 7). "Et dont les passants ne disent pas : La
bénédiction du Seigneur soit sur vous, nous vous bénissons au nom du Seigneur."
(Ibid., 8). Le psalmiste termine cette exhortation par une prière; le récit des
événements passés, joint à cette invocation, a pour but d'inspirer de la
confiance à l'auditeur, en lui montrant l'injustice de cette guerre. Elle avait
pour cause en effet, l'envie et la haine, et c'est ce qui lui fait dire :
"Qu'ils rougissent et qu'ils retournent en arrière, tous ceux qui haïssent
Sion." C'est-à-dire, qu'ils soient non seulement vaincus, mais qu'ils le soient
d'une manière honteuse et ridicule. Qu'ils deviennent, a-t-il dit, comme l'herbe
des toits; il continue cette meule figure en les comparant non seulement à
l'herbe, mais à l'herbe des toits. Sans doute, l'herbe qui croit dans un champ
fertile passe bien vite; mais pour montrer le peu de valeur de ses adversaires,
il les compare à l'herbe qui croit sur les toits, et tire ainsi une double
preuve de leur fragilité, de la nature de l'herbe et du lieu où elle pousse.
Telles sont, dit-il, les attaques de ces ennemis qui n'ont ni racine ni
fondement, ils sont comme l'herbe qu'on voit presqu'en même temps fleurir, et
puis tomber et se flétrir d'elle-même. Telle est aussi la prospérité de ceux qui
passent leur vie dans le crime. Voilà ce que deviennent les choses les plus
brillantes de cette vie, elles frappent un instant notre vue et puis elles
s'évanouissent, parce qu'elles n'ont ni fondement, ni force. Gardons-nous d'y
attacher notre coeur, mais que la considération de leur fragilité nous fasse
désirer les biens éternels et immuables, qui sont à l'abri des vicissitudes du
temps. Puissions-nous les mériter par la Grâce et la Miséricorde de notre
Seigneur Jésus Christ, auquel soit la gloire avec le Père et le saint Esprit
dans les siècles des siècles. Amen.
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Jean Chrysostome